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L’imbrication entre sĂ©miologie linguistique et autres sĂ©miologies est telle que pour aborder les panneaux dans une perspective discursive et textuelle il convient d’adopter une conception sĂ©miolinguistique de l’écrit voir Anis 2000. Peut-ĂȘtre prĂ©cisĂ©ment parce que le matĂ©riau linguistique y apparaĂźt comme en retrait, les panneaux ne peuvent ĂȘtre analysĂ©s que si l’on apprĂ©hende toutes les dimensions du texte Ă©crit, aussi bien linguistiques que graphiques. Mais les panneaux sont-ils des textes ? Leur hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique, leur mode d’organisation spĂ©cifique et leur mode de lecture soulĂšvent des problĂšmes qui complexifient d’abord toute tentative de rĂ©ponse. Ce sont ces problĂšmes que nous proposons ici de soulever. 2En considĂ©rant d’abord les panneaux comme des objets discursifs visuels, nous examinerons dans quelle mesure ils mettent en Ɠuvre un systĂšme de communication linguistique. Nous verrons ensuite que la dimension visuo-spatiale de l’écrit confĂšre un rĂŽle signifiant au support et aux paramĂštres de prĂ©sentation visuelle du texte. Nous nous attarderons par la suite sur la maniĂšre dont l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique des panneaux, leur multimodalitĂ©, interroge leur statut textuel, du point de vue de la composition des panneaux, mais aussi du point de vue de leur mode de lecture. Il apparaĂźtra alors que ce mode de lecture est dĂ©terminĂ© par la finalitĂ© pratique des panneaux et qu’il implique un rĂ©gime de textualitĂ© particulier. Enfin, nous verrons que ce rĂ©gime de textualitĂ© met en question la linĂ©aritĂ© du discours Ă©crit, aux diffĂ©rents niveaux de son articulation. 1. Les panneaux des objets discursifs visuels 3DĂšs 1970, Mounin remarque que dans les panneaux de signalisation routiĂšre l’intention de communiquer au sens linguistique et sĂ©miotique du terme est manifeste » 1970 155, mais il les apprĂ©hende comme un systĂšme de communication non linguistique », dont il montre cependant qu’il n’est qu’ apparemment simple » 1970 168. L’expression de la communication est en effet d’une extrĂȘme briĂšvetĂ© et semble principalement prise en charge par des Ă©lĂ©ments non linguistiques. Ainsi les panneaux se prĂ©sentent sous des formes et des couleurs variĂ©es, qui indiquent le type d’information vĂ©hiculĂ©e et la nature de la contrainte que le message exerce par exemple, une forme ronde indique une obligation ou une interdiction, un triangle un danger ou une prioritĂ© selon son orientation, un fond bleu une obligation, une indication ou une direction selon la forme du panneau, un fond jaune une indication temporaire, etc. 4Par ailleurs, un systĂšme de flĂšches variĂ©es met en rapport les informations donnĂ©es dans le panneau avec l’espace physique dans lequel il est installĂ© 1 Les abrĂ©viations de noms d’unitĂ©s de mesure se retrouvent dans d’autres genres brefs procĂ©duraux v ... 2 Le corpus sur lequel nous fondons nos rĂ©flexions se compose d’une sĂ©lection de panneaux extraits du ... 5On remarque Ă©galement des pictogrammes, qui peuvent par exemple indiquer la catĂ©gorie d’usagers concernĂ©e par une prescription, et des chiffres, souvent associĂ©s Ă  des noms d’unitĂ©s de mesure abrĂ©gĂ©s1. La communication est donc principalement prise en charge par des Ă©lĂ©ments non linguistiques, mais l’on remarque que le matĂ©riau linguistique est loin d’ĂȘtre absent. Si la moitiĂ© des panneaux de notre corpus2 ne prĂ©sentent que des pictogrammes ou des flĂšches, un tiers environ contiennent au moins un mot. Certains prĂ©sentent mĂȘme une combinaison de mots et de pictogrammes pour former des syntagmes hybrides 6L’information linguistique est souvent rĂ©duite Ă  un nom – notons que prĂšs de la moitiĂ© des panneaux contenant au moins un mot comportent presque exclusivement des noms propres – et se compose principalement de phrases averbales. Mais plusieurs phrases averbales peuvent se combiner au sein d’un panneau entre lesquelles s’établissent alors des rapports logiques complexes en l’absence de marqueurs de liaison syntaxiques. 7La parcimonie et l’économie avec lesquelles les panneaux utilisent les mots sont corrĂ©lĂ©es Ă  une ponctuation noire quasiment absente, du moins dans ses fonctions habituelles de segmentation et d’organisation du texte. La virgule arithmĂ©tique permet d’exprimer des nombres dĂ©cimaux, un point ou un tiret peuvent Ă©ventuellement relier deux nombres, les deux points se trouvent entre un verbe Ă  l’infinitif et son complĂ©ment. Les segments linguistiques s’organisent davantage dans leur juxtaposition les uns aux autres Ă  la surface du panneau. On remarque en effet une abondance de ponctuation blanche espaces, retours Ă  la ligne, retraits, marges, alignements, etc. qui organise et structure l’information linguistique et supplĂ©e la syntaxe. Le matĂ©riau linguistique est ainsi soumis Ă  une segmentation typographique qui distingue parfois plusieurs modules au sein d’un mĂȘme panneau, comme en [15], et le panneau lui-mĂȘme, en tant que support de communication, opĂšre la segmentation d’une unitĂ© qui peut intĂ©grer un ensemble complexe. Ainsi plusieurs panneaux peuvent ĂȘtre combinĂ©s sur un mĂȘme poteau, comme en [16], ou se rĂ©pondre dans leur succession, comme en [17]. 8L’information visuelle semble donc primer sur l’information linguistique mais l’on remarque Ă©galement que quand information linguistique il y a, celle-ci s’organise d’une maniĂšre particuliĂšre les phĂ©nomĂšnes de discontinuitĂ© et les opĂ©rations de segmentation du texte se manifestent essentiellement dans la ponctuation blanche et par une organisation de l’information en modules plus ou moins interdĂ©pendants. Le texte s’organise ainsi en mettant Ă  profit la dimension visuelle de l’écrit et en exploitant toutes les ressources signifiantes qui en dĂ©coulent. 2. PrimautĂ© de la dimension visuelle dans l’écrit 9Contrairement Ă  l’oral, Ă  l’écrit la phrase occupe 
 l’espace plutĂŽt que le temps » Edeline 1999 202. Autrement dit, le texte Ă©crit est une entitĂ© visuelle » Vandendorpe 1999 61. Ce changement de dimension implique de rendre compte du rĂŽle de la prĂ©sentation matĂ©rielle et visuelle du texte dans son interprĂ©tation. En effet le texte Ă©crit se prĂ©sente avant tout comme un objet matĂ©riel. Avec le dĂ©veloppement des nouvelles technologies de traitement et de transmission de l’information, Ă  l’heure de la gĂ©nĂ©ralisation des tĂ©lĂ©phones intelligents, des tablettes, des ordinateurs et surtout d’internet, le mode d’accĂšs aux textes et leur matĂ©rialitĂ© sont soumis Ă  une diversification florissante qui Ă©veille l’intĂ©rĂȘt grandissant des linguistes. Alors que le support sur lequel se trouve inscrit un texte tend Ă  se dĂ©matĂ©rialiser », son rĂŽle signifiant paraĂźt prendre de l’ampleur. 3 Voir l’art. 4 de la Convention sur la signalisation routiĂšre ensemble neuf annexes signĂ©e Ă  Vienn ... 10Mais la question de la matĂ©rialitĂ© du support se pose dĂšs les origines des Ă©critures, comme le montre une Ă©tude des tablettes hittites rĂ©alisĂ©e par Klock-Fontanille. Elle y remarque que le support gĂ©nĂšre du sens. Il permet Ă  des “tracĂ©s” d’accĂ©der au statut de “signes” » 2005 32. Ainsi la portion de matiĂšre » 2005 33 qui sert de support matĂ©riel au texte fait sens et signe ; dans le cas des panneaux de signalisation, l’objet mĂ©tallique biface aux formes et aux couleurs caractĂ©ristiques que l’on rencontre plantĂ© sur les bords de route s’identifie comme Ă©nonçant une prescription ou une indication relative Ă  la circulation routiĂšre et Ă©manant d’une autoritĂ© publique. Cette corrĂ©lation entre un support matĂ©riel et un contenu Ă©nonciatif dĂ©terminĂ©s est garantie et renforcĂ©e par le fait qu’un texte juridique fait du premier le support exclusif du second3. 11Sur cette portion de matiĂšre, une surface est dĂ©limitĂ©e dans laquelle s’organise le message. Le mode d’organisation de ce support formel » est dĂ©fini comme une syntaxe qui fait sens cadres, repĂšres, directions, etc. » 2005 33. Sur les panneaux, seule une face du support matĂ©riel est marquĂ©e, ce qui correspond Ă  leur fonctionnement pragmatique le rĂ©cepteur se trouve dans un mouvement unidirectionnel par rapport au panneau. Le texte y est ainsi par excellence consubstantiellement liĂ© Ă  son support de lecture » 2005 30. Il convient donc de considĂ©rer le support comme un Ă©lĂ©ment de la construction de la signification » 2005 43, et d’ apprĂ©hender le support et le texte comme des objets sĂ©miotiques d’écriture » 2005 44. Comme le remarque Anis, les Ă©lĂ©ments substantiels et matĂ©riels », les formes graphiques » constituent un corps signifiant intĂ©grĂ© aux isotopies textuelles » 1983 89. Ainsi les caractĂ©ristiques matĂ©rielles et visuelles du texte, sa mise en forme, ce qu’on peut appeler gĂ©nĂ©ralement sa typographie, jouent un rĂŽle important dans son interprĂ©tation et doivent Ă  ce titre ĂȘtre intĂ©grĂ©es Ă  son analyse linguistique. VĂ©dĂ©nina 1989 consacre d’ailleurs un ouvrage entier Ă  montrer la pertinence linguistique de la prĂ©sentation typographique ». Non seulement la forme et l’organisation des segments linguistiques est signifiante, mais c’est aussi l’ensemble de l’espace graphique, intĂ©grant Ă©ventuellement des Ă©critures non linguistiques et des images, qui joue un rĂŽle signifiant La notion d’espace graphique permet d’apprĂ©hender Ă  la fois le support de l’écrit et les codes graphiques qui permettent Ă  l’écrit d’y faire sens. La notion d’espace graphique ouvre la voie Ă  une graphĂ©matique Ă©largie HĂ©brard 1983 et de plusieurs maniĂšres elle crĂ©e une continuitĂ© entre le graphĂšme ponctuo-typographique et le foisonnement de mises en page et en espace – en d’autres termes entre la linguistique de l’oral et la sĂ©miotique scripturale ; Ă  travers l’ambivalence du terme graphique », elle rappelle le lien parfois distendu mais jamais rompu entre le texte et l’image ; elle permet une approche de l’écrit dans toute sa diversitĂ©, c’est-Ă -dire intĂ©grant les Ă©critures non linguistiques et les images ; enfin elle peut ĂȘtre exploitĂ©e aussi bien pour la description d’un Ă©crit particulier, d’un type d’écrit spĂ©cifique ou d’un domaine plus vaste, ce qui nous rapproche de la sĂ©miologie textuelle. » Anis 2000 6-7 12Cette notion d’espace graphique, dans la mesure oĂč elle envisage la langue Ă©crite dans sa substance visuelle, permet tout particuliĂšrement d’apprĂ©hender la complexitĂ© textuelle des panneaux de signalisation et de rendre compte de leur hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique, c’est-Ă -dire de la combinaison entre signes linguistiques et autres signes visuels. 13Il nous semble que contrairement Ă  ce que suggĂ©rait Mounin, le systĂšme des panneaux n’est pas qu’un systĂšme sĂ©miologique non linguistique. Cependant nous convenons volontiers avec lui que ce systĂšme est loin d’ĂȘtre simple non seulement l’étude des panneaux de signalisation doit intĂ©grer l’analyse des signifiants linguistiques qu’ils contiennent, mais elle doit aussi analyser ces signifiants linguistiques dans leur combinaison avec des signifiants non linguistiques pour former des messages complexes. L’expression de ces messages exploite donc les possibilitĂ©s visuelles de l’écriture, mais les panneaux sont-ils pour autant des textes Ă©crits ? 3. Le statut textuel des panneaux de signalisation routiĂšre en question Un problĂšme de compositionnalitĂ© ou un problĂšme d’échelle ? 14La routine rĂ©currente des panneaux implique que chaque actualisation d’un panneau opĂšre chez le lecteur un rappel et ne constitue pas pour lui une dĂ©couverte, mĂȘme si l’indication qu’il reçoit s’applique Ă  une situation spatio-temporelle inĂ©dite. La comprĂ©hension des panneaux rĂ©sulte en effet d’un apprentissage, et tous les types de panneaux et de contenus sont censĂ©s ĂȘtre connus du lecteur. Mounin remarque Ă  ce propos qu’il convient de distinguer le moment de l’apprentissage de la signalisation routiĂšre, oĂč le code est prĂ©sentĂ© en dĂ©composant les signaux, et celui du conducteur aprĂšs 10 000 kilomĂštres, oĂč ce serait aux psychologues de dire comment les signaux sont perçus – probablement comme des Gestalten globales, inanalysĂ©es, aussitĂŽt oubliĂ©es peut-ĂȘtre que perçues, peut-ĂȘtre mĂȘme devenues purs dĂ©clencheurs de rĂ©flexes » 1970 156-157. 15Un panneau ne serait donc pas perçu comme un ensemble compositionnel, dont l’analyse permettrait l’interprĂ©tation globale, mais comme une unitĂ© renvoyant directement Ă  une signification fixe. La compositionnalitĂ© de ces messages serait tellement intĂ©riorisĂ©e que leur interprĂ©tation – ou du moins l’adoption d’un comportement adĂ©quat Ă©tant donnĂ© la situation spatio-temporelle de rĂ©ception – n’impliquerait plus l’analyse de ses constituants discrets. Cette idĂ©e semble surtout valable pour les panneaux ne comportant aucun signifiant linguistique, ou comportant des unitĂ©s linguistiques acquĂ©rant en quelque sorte un statut logographique. Des panneaux plus complexes, tels les exemples [9] ou [15], impliquent bien une lecture du texte, une analyse de sa composition pour en dĂ©terminer la signification globale. C’est le cas Ă©galement des ensembles combinant plusieurs panneaux, comme en [6], [7], [8], [16] ou [17]. 16Si l’on considĂšre les panneaux en tant qu’objets isolĂ©s, la question de leur textualitĂ© se heurte au problĂšme de leur compositionnalitĂ©. Peut-ĂȘtre convient-il alors de poser Ă  une Ă©chelle diffĂ©rente la question de l’extension du texte et de la segmentation des unitĂ©s textuelles. CohĂ©sion et textualitĂ© 17Mais restons encore au niveau du panneau pour le confronter aux dix principes de textualitĂ© proposĂ©s par Adam Ă  l’occasion d’une confĂ©rence intitulĂ©e Qu’est-ce qu’un texte ? » 2013. Le premier principe prĂ©sente le texte comme le lieu de manifestation des langues » et le second comme le lieu oĂč les Ă©noncĂ©s font sens ». Le troisiĂšme stipule que le texte n’est pas un objet naturel, mais un produit gĂ©nĂ©tique, Ă©ditorial, citationnel, traductorial dĂ©pendant d’un support mĂ©dium ». Le quatriĂšme lie tout effet de textualitĂ© » Ă  un effet de gĂ©nĂ©ricitĂ© ». Le cinquiĂšme pose qu’un texte rĂ©pond aux exigences de cohĂ©sion si toutes les phrases qu’il comporte sont acceptĂ©es comme des suites co-textuelles possibles ». Le sixiĂšme prĂ©sente le texte comme un Ă©quilibre entre les nĂ©cessitĂ©s de rĂ©pĂ©tition-reprises et le besoin de progression informationnelle ». Le septiĂšme dĂ©finit le texte en tension entre continuitĂ© liages de niveaux diffĂ©rents et discontinuitĂ© segmentation par la ponctuation noire et blanche ». Le huitiĂšme pose comme condition qu’une suite d’énoncĂ©s liĂ©s voire verbo-iconiques » apparaisse comme formant un tout ayant dĂ©but et fin ». Enfin, le neuviĂšme prĂ©sente le texte comme un Ă©quilibre entre dit et non-dit de l’implicite Ă  l’intertextualitĂ© », tandis que le dixiĂšme le prĂ©sente comme un Ă©quilibre entre les forces cohĂ©sives-centripĂštes de la textualitĂ© et les forces centrifuges de la transtextualitĂ© ». 18Bien que le matĂ©riau langagier soit limitĂ©, les panneaux sont bien un lieu de manifestation de la langue française, oĂč les Ă©noncĂ©s – mĂȘme hybrides – font sens. De plus, un panneau exprime une intention de communication, il rĂ©pond Ă  des rĂšgles de production matĂ©rielles et formelles Ă©noncĂ©es notamment dans la Convention, son Ă©dition est prise en charge par des sociĂ©tĂ©s spĂ©cialisĂ©es et agréées, et son support est intrinsĂšquement liĂ© au message qu’il vĂ©hicule. Par ailleurs, les paramĂštres du support matĂ©riel, la dĂ©limitation du support formel et l’organisation mais aussi le contenu de l’espace graphique identifient le texte comme relevant du genre des panneaux de signalisation routiĂšre il y a bien effet de gĂ©nĂ©ricitĂ©, reste Ă  dĂ©terminer Ă  quel niveau considĂ©rer un effet de textualitĂ©. 19Les choses se compliquent justement Ă  partir du cinquiĂšme principe, concernant la cohĂ©sion et la progression textuelles. En effet, les panneaux comportant plusieurs phrases sont relativement restreints, ils sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©duits Ă  un seul Ă©noncĂ©, voire Ă  un message non linguistique. NĂ©anmoins, lorsque le cas se prĂ©sente, les six derniers principes semblent bien mis en Ɠuvre. 20Dans ce panneau, par exemple, les diffĂ©rentes phrases prĂ©sentent une cohĂ©sion certaine. Leur succession fait progresser l’information Ă  travers un jeu de reprises implicites la rĂ©glementation du stationnement concerne les caravanes sur la commune de Fontaine la RiviĂšre, et ce sont les conducteurs de caravanes souhaitant y stationner qui sont invitĂ©s Ă  s’adresser Ă  la mairie de la commune en question. La continuitĂ© du texte est de plus affectĂ©e par des phĂ©nomĂšnes de discontinuitĂ© qui consistent ici dans la juxtaposition des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments d’information, phrases et pictogramme, les uns au-dessous des autres et sont donc essentiellement rĂ©alisĂ©s par la ponctuation blanche. Le texte ainsi formĂ© apparaĂźt comme un tout ayant dĂ©but et fin, dĂ©limitĂ© par l’espace graphique. Ce texte contient des renvois intratextuels implicites, on l’a vu, mais il prĂ©suppose Ă©galement d’autres textes, Ă  savoir des textes juridiques comme la Convention ou le Code de la route, dont il rappelle la rĂ©glementation. Enfin, non seulement ce panneau constitue un ensemble cohĂ©sif, mais il ouvre sur d’autres textes, par exemple celui que la mairie invoque ou que l’officier public prononce pour signifier aux conducteurs de caravanes les rĂšgles de stationnement dans la commune concernĂ©e. 21Plusieurs problĂšmes subsistent nĂ©anmoins, par lesquels les panneaux rĂ©sistent Ă  la qualification de textes. D’abord, nombre de panneaux ne prĂ©sentent aucun segment linguistique ils ne manifestent pas une langue particuliĂšre mais plutĂŽt un code sĂ©miotique international et mĂȘme lorsqu’ils contiennent des segments linguistiques, ceux-ci sont combinĂ©s Ă  d’autres sĂ©miologies hĂ©tĂ©rogĂšnes. L’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique est telle que la sĂ©miologie linguistique semble en retrait et comme accessoire dans l’expression de la communication. Mais le problĂšme le plus important semble ĂȘtre celui de l’identification des unitĂ©s textuelles. Si l’exemple [18] peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme formant un texte, parmi les autres exemples prĂ©sentĂ©s, plusieurs ne sauraient fonctionner isolĂ©ment. C’est le cas des exemples [12] Ă  [14], qui s’adjoignent Ă  un panneau d’interdiction ne comportant aucun segment linguistique. Le panneau de l’exemple [1], quant Ă  lui, fait suite au panneau d’obligation d’allumer ses feux. De mĂȘme, le panneau de l’exemple [4] est liĂ© Ă  celui qu’il annonce, Ă  savoir un panneau indiquant de cĂ©der le passage Ă  l’intersection. Celui de l’exemple [7] est Ă©galement liĂ© Ă  d’autres panneaux qu’il indique de suivre et qui contiennent le segment DĂ©v. 2. Et que dire de l’ensemble des panneaux de l’exemple [17], qui se succĂšdent sur le bord d’une autoroute tout en formant une unitĂ© textuelle complexe, oĂč le contenu de chacun est liĂ© Ă  celui du panneau suivant ou prĂ©cĂ©dent ? 22Il apparaĂźt ainsi que la question de la textualitĂ© des panneaux est tributaire d’une autre question celle de l’extension du texte et de sa segmentation. Avant d’aborder cette derniĂšre, il nous semble utile de revenir Ă  la premiĂšre en l’examinant non plus du point de vue de l’organisation textuelle mais du point de vue de la lecture. Une activitĂ© de lecture subordonnĂ©e Ă  une activitĂ© pratique 23Un panneau dĂ©clenche certes des processus interprĂ©tatifs, mais est-il vraiment lu pour autant ? Le premier problĂšme, Ă  nouveau, est que beaucoup de panneaux ne prĂ©sentent aucun segment linguistique. Vandendorpe remarque cependant que l’on ne peut pas rabattre la lecture sur le seul matĂ©riau langagier, car on peut trĂšs bien lire autre chose que du texte » 1999 140. En effet la lecture d’un graphique ou d’une carte gĂ©ographique, oĂč le matĂ©riau langagier » est en retrait, consiste Ă  mettre en relation des donnĂ©es codĂ©es en vue de produire du sens » 1999 140. Or ces donnĂ©es codĂ©es sont de diffĂ©rents ordres. Toutefois s’il considĂšre comme mĂ©thodologiquement valide d’extrapoler Ă  un support non linguistique l’activitĂ© de lecture » 1999 118, tout objet de lecture n’est pas nĂ©cessairement un texte pour Vandendorpe, et il prĂ©fĂšre recourir au concept de pseudo-texte pour dĂ©signer tout objet de nature non linguistique dont la configuration se prĂȘte Ă  des opĂ©rations de lecture » 1999 111. Plus, il propose de restreindre le terme de lecture et d’en exclure des objets sĂ©miologiques incluant pourtant du matĂ©riau langagier. Ainsi hĂ©site-t-il Ă  dĂ©crire le consommateur en train de dĂ©ambuler dans un centre commercial comme un “lecteur”, mĂȘme si celui-ci est amenĂ© Ă  lire des Ă©tiquettes de produits ou des noms de magasins » car le lecteur est pour lui, par essence, quelqu’un qui se consacre, pour une durĂ©e dĂ©terminĂ©e, Ă  la perception, Ă  la comprĂ©hension et Ă  l’interprĂ©tation de signes organisĂ©s en forme de message » 1999 222. Certaines activitĂ©s impliquant pourtant la rĂ©ception de signes linguistiques, parmi lesquelles la navigation sur internet, ne sont donc pas considĂ©rĂ©es par Vandendorpe comme des activitĂ©s de lecture au sens plein » ibid.. 24L’analogie entre les exemples de pseudo-textes » citĂ©s par Vandendorpe et les panneaux de signalisation du code de la route est possible. Si, d’une part, en dehors d’une rĂ©alisation purement linguistique et Ă©crite, c’est-Ă -dire d’un assemblage de lettres, de mots, de phrases et de paragraphes » il s’agit plutĂŽt d’un pseudo-texte, c’est-Ă -dire d’un objet de nature non linguistique susceptible, en fonction de sa structure, de se prĂȘter Ă  des opĂ©rations de lecture » 1999 118, et si, d’autre part, certaines rĂ©alisations Ă©crites ne se prĂȘtent pas vraiment Ă  ce que Vandendorpe appelle lecture, le statut textuel des panneaux semble devoir ĂȘtre mis en doute. 25NĂ©anmoins, et mĂȘme en admettant de restreindre un texte Ă  un assemblage de phrases et de paragraphes, le conducteur qui entreprend un trajet sur la route rĂ©pond bien Ă  la dĂ©finition du lecteur proposĂ©e par Vandendorpe voir ci-dessus. Il est en effet invitĂ© Ă  se montrer attentif aux diffĂ©rents signaux qui jalonnent son parcours et Ă  y rĂ©agir de maniĂšre adĂ©quate et il est Ă  ce titre le rĂ©cepteur des messages que lui envoient les autoritĂ©s publiques. Cette activitĂ© de lecture des panneaux mais aussi de la route voire du paysage est corrĂ©lĂ©e Ă  l’activitĂ© qui consiste Ă  circuler dans l’espace public, et mĂȘme fortement encouragĂ©e pour ne pas contrevenir aux rĂšgles de circulation. En vertu mĂȘme de la dĂ©finition de la lecture que donne Vandendorpe, il nous semble que conduire sur les voies de circulation publiques consiste en partie dans une activitĂ© de lecture, mĂȘme si ce n’est pas Ă  titre principal, tout autant, d’ailleurs, que faire du shopping. Il nous semble en effet que c’est un trait saillant de ce qu’on appelle sociĂ©tĂ© de l’écrit, non que les individus y soient nĂ©cessairement friands de livres, mais qu’ils soient abreuvĂ©s de messages Ă©crits de toutes sortes dans toutes sortes de circonstances, des messages qui, mĂȘme et peut-ĂȘtre surtout lorsqu’ils combinent diffĂ©rentes sĂ©miologies, impliquent de la part de l’individu la maĂźtrise de l’écriture de sa langue. 26La raison pour laquelle Vandendorpe refuse d’accorder le statut de textes Ă  des Ă©tiquettes, des enseignes ou autres panneaux semble ĂȘtre en dĂ©finitive le fait que l’ensemble qu’ils forment ne prĂ©senterait pas de cohĂ©sion nous retrouvons ainsi le problĂšme soulevĂ© plus haut, Ă  savoir celui de la segmentation des unitĂ©s textuelles et de l’échelle Ă  considĂ©rer pour Ă©tablir le texte. Mais un autre problĂšme apparaĂźt encore Ă  l’examen du statut textuel des panneaux. Tension entre linĂ©aritĂ© et spatialisation 27Au sein d’un panneau, des unitĂ©s sĂ©miotiquement hĂ©tĂ©rogĂšnes sont juxtaposĂ©es dans l’espace. L’expression et la combinaison de ces unitĂ©s exploitent toutes les ressources de l’espace graphique. Les panneaux reprĂ©sentent ainsi des unitĂ©s-messages, segmentables elles-mĂȘmes en unitĂ©s plus petites » Mounin 1970 157. Or ces unitĂ©s ne sont pas linĂ©aires, ou plus prĂ©cisĂ©ment, elles ne prĂ©sentent pas une organisation linĂ©aire. Ce caractĂšre non linĂ©aire concerne les unitĂ©s non linguistiques mais aussi les unitĂ©s linguistiques prĂ©sentes dans les panneaux. L’organisation spatiale de ces signifiants linguistiques est en effet fortement contrainte et dessine une syntaxe originale, qui est marquĂ©e par la mise en espace de ces signifiants linguistiques, comme l’illustrent les exemples suivants 28Si en [19] la phrase injonctive peut parfaitement figurer sur une mĂȘme ligne avec Ă  la rigueur une virgule aprĂšs sĂ©curitĂ© pour la rendre moins abrupte, cela n’aurait aucun sens de vouloir faire figurer tous les noms de l’exemple [9] sur une mĂȘme ligne. Dans les deux derniers panneaux de l’exemple [17], une telle tentative produirait un Ă©noncĂ© agrammatical, et en [18] il faudrait non seulement ajouter de la ponctuation noire mais aussi intĂ©grer le pictogramme, en se demandant Ă  quel titre. En [15] les signifiants linguistiques sont compartimentĂ©s, ce qui n’est pas le cas en [5] par exemple, alors que la structure syntaxique est similaire. En [20] enfin, la juxtaposition spatiale opĂšre une thĂ©matisation du nom Éguzon et identifie village Ă©tape comme une prĂ©dication descriptive. On remarque de plus que la segmentation par retour Ă  la ligne de syntagmes qui admettraient une seule ligne ou une seule Ă©mission de voix tient compte des contraintes matĂ©rielles du support mais aussi de la composition de ces syntagmes et de la signification du message. Dans le premier panneau de l’exemple [17], le retour Ă  la ligne sĂ©pare ainsi le dĂ©terminant de son nom et le nom de son complĂ©ment du nom, et ce faisant met en valeur, assistĂ© par la taille des caractĂšres, le thĂšme de la prescription exprimĂ©e la distance de sĂ©curitĂ©. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale toutefois, il semble que les contraintes spatiales du support dĂ©terminent la segmentation de syntagmes opĂ©rĂ©e par le retour Ă  la ligne – mais est-il encore pertinent de parler de retour Ă  la ligne ? On a plutĂŽt une juxtaposition de haut en bas qu’un dĂ©roulement linĂ©aire. 29Que l’on examine la composition des panneaux, qu’on les confronte aux principes de textualitĂ© proposĂ©s par Adam, que l’on s’interroge sur leur mode de lecture ou sur leur linĂ©aritĂ©, la mĂȘme question se pose celle de l’extension et de la segmentation textuelles, autrement dit celle de l’échelle Ă  considĂ©rer pour Ă©tablir le texte des panneaux. Un dĂ©tour par l’examen de la finalitĂ© pratique des panneaux et de leur mode de lecture particulier permet d’envisager des pistes de rĂ©ponse. 4. FinalitĂ© pratique et mode de lecture particulier 30Les panneaux de signalisation sont situĂ©s en bord de route pour signifier une prescription ou donner une information aux usagers de la route » Convention, art. 3. Il s’agit de textes Ă  finalitĂ© pratique, qui visent Ă  rĂ©gler un comportement » Adam 2001 11 et se trouvent Ă  la jonction entre action verbale et action dans le monde » 2001 26. L’une des particularitĂ©s Ă©nonciatives de ce systĂšme de communication est en effet que les rĂ©cepteurs n’ont habituellement pas lieu de rĂ©pondre aux messages Ă©mis autrement que par un comportement non sĂ©miologique – un comportement qui n’est pas Ă  son tour un message, mais un acte » Mounin 1970 156. On a donc affaire Ă  des textes qui visent Ă  rĂ©guler une activitĂ© pratique, Ă  savoir la circulation routiĂšre. Il apparaĂźt ainsi que l’activitĂ© pratique qui consiste Ă  circuler sur la voie publique implique une activitĂ© de lecture, plus ou moins secondaire. Et du fait de leurs fonctions socio-discursives, les panneaux sont soumis Ă  un mode de lecture particulier. 31Le lecteur avance Ă  la rencontre des panneaux tandis que ceux-ci dĂ©filent devant lui. Le lecteur et le panneau se trouvent ainsi dans un mouvement relatif l’un par rapport Ă  l’autre. Autrement dit, la lecture des panneaux est cinĂ©tique. Par ailleurs, bien qu’il s’agisse d’un texte Ă©crit qui se dĂ©veloppe comme on l’a vu dans une dimension spatiale, on y retrouve les trois contraintes fondamentales qui caractĂ©risent l’oral » Vandendorpe 1999 16, c’est-Ă -dire l’impossibilitĂ© pour l’auditeur de dĂ©terminer le moment de la communication », d’en maĂźtriser le dĂ©bit et de retourner en arriĂšre 1999 15. Le rĂ©cepteur est en effet censĂ© se trouver dans une attention constante aux panneaux qui jalonnent son parcours, sur l’apparition desquels il n’a aucune prise puisqu’ils viennent Ă  lui autant qu’il avance vers eux. Le rĂ©cepteur ne peut non plus s’arrĂȘter Ă  son aise pour examiner un panneau, sauf dans certains cas oĂč il ne dispose pas non plus alors d’un temps illimitĂ©. Le temps de rĂ©ception des panneaux est donc relativement court, ce qui conditionne d’ailleurs l’espace et les termes dans lesquels s’exprime le message. De plus, le rĂ©cepteur n’a pas seulement affaire Ă  des panneaux isolĂ©s mais Ă  une succession de panneaux qui dĂ©filent Ă  sa rencontre selon un ordre imposĂ©, sans possibilitĂ© de retour en arriĂšre. Autrement dit, les panneaux sont soumis Ă  une lecture Ă  la fois cinĂ©tique et sĂ©quentielle. 4 Nous laissons pour l’instant de cĂŽtĂ© les inscriptions marquĂ©es directement sur la chaussĂ©e, autre m ... 32Le mode de lecture des panneaux est donc cinĂ©tique parce que le lecteur se trouve dans un mouvement unidirectionnel qu’il peut difficilement interrompre, et il est sĂ©quentiel parce que les panneaux se suivent dans un ordre dĂ©terminĂ©. Mais la lecture des panneaux est aussi discontinue. Comme on l’a vu, on ne prend pas la route pour lire des panneaux. Mais cette activitĂ© de lecture s’intĂšgre Ă  l’activitĂ© de circulation sur la voie publique et accompagne ponctuellement la conduite tout au long du trajet. Ce que le conducteur lit surtout pour circuler en toute quiĂ©tude, c’est la route, qui dĂ©termine en premier lieu la succession des actions qui constituent son activitĂ© de circulation. Or lire la route, c’est aussi lire les panneaux qui se trouvent sur le bas-cĂŽtĂ©4, puisque la circulation sur la voie publique est rĂ©glementĂ©e. L’activitĂ© de lecture au sens classique du terme se trouve certes relĂ©guĂ©e en position secondaire, mais elle n’est pas accessoire. Les segments linguistiques sont certes en retrait, mais ils ne sont pas nĂ©gligeables. Parler de pseudo-textes ne fait qu’éluder le problĂšme. Avec les panneaux, on a affaire Ă  la lecture d’un objet la route qui implique l’interprĂ©tation de signes divers, notamment des signes linguistiques quand la prescription ou l’information Ă  dĂ©livrer ne peut ĂȘtre signifiĂ©e par d’autres moyens sĂ©miologiques. 33Si l’on considĂšre les panneaux isolĂ©ment, on a affaire Ă  des Ă©noncĂ©s plus ou moins brefs soumis aux contraintes spatiales de l’écrit, dans lesquels c’est la spatialisation qui structure l’information verbale et non verbale. Mais si l’on considĂšre le discours routier, formĂ© par la succession des messages au bord de la route, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme linĂ©aire pour le conducteur » Mounin 1970 163, on retrouve dans le mode de lecture cinĂ©tique et sĂ©quentiel des panneaux les contraintes temporelles de l’oral et l’on discerne mieux la corrĂ©lation entre ce mode de lecture particulier et le caractĂšre secondaire de l’activitĂ© de lecture par rapport Ă  l’activitĂ© pratique que ces textes rĂ©gulent on fait un trajet en voiture, par exemple, plutĂŽt qu’on ne part lire des panneaux, comme on fait une recette plus qu’on ne la lit. 34C’est de ce point de vue du mode de lecture que le problĂšme de la textualitĂ© des panneaux reçoit un Ă©clairage nouveau. Comme dans une recette de cuisine, on a affaire Ă  une succession d’indications et de consignes qui doivent conduire Ă  rĂ©aliser correctement l’activitĂ© rĂ©gulĂ©e. Mais cette activitĂ© impliquant un dĂ©placement de la part du rĂ©cepteur devenant sujet-agent des actions indiquĂ©es, ces indications et consignes se succĂšdent de maniĂšre discontinue et leur cohĂ©rence dĂ©pend de leur rapport avec l’espace physique changeant dans lequel le lecteur circule. En ce sens, le texte qui fait l’objet du discours routier consiste dans l’ensemble des panneaux qui jalonnent un trajet. En d’autres termes, c’est le lecteur usager du code de la route qui dĂ©finit l’extension du texte en se fixant un itinĂ©raire. Ce mode de lecture particulier, liĂ© aux fonctions socio-discursives des panneaux, dĂ©termine ainsi un rĂ©gime de textualitĂ© particulier. 5. L’écrit en tension entre linĂ©aritĂ© et tabularitĂ© La linĂ©aritĂ© du discours mise en question Ă  l’écrit 35Alors qu’il reste gĂ©nĂ©ralement convenu que la lecture est un processus linĂ©aire », la notion de linĂ©aritĂ© ne s’applique pas Ă  de nombreux types d’activitĂ© dĂ©ployĂ©s dans la lecture du livre ». Les rĂ©flexions que Vandendorpe 1999 41 propose sur la lecture de la page d’un livre peuvent Ă©galement s’appliquer aux panneaux l’écrit nous permet d’échapper Ă  la linĂ©aritĂ©, car l’Ɠil peut embrasser la page d’un seul regard, tout comme il peut se poser successivement sur divers points, choisis chaque fois en fonction de critĂšres diffĂ©rents » 1999 42. Ainsi, comme le propose Anis, l’écriture est non linĂ©aire parce que multidimensionnelle » 2000 7, et il s’agit de porter attention aux contraintes porteuses de sens » auxquelles obĂ©it la spatialisation des textes plus elle est grande, plus on s’éloigne du texte comme ruban » 2000 8, et plus entrent en jeu dans la rĂ©ception et l’interprĂ©tation des segments linguistiques des paramĂštres graphiques. 36Les panneaux, mĂȘme si leur statut textuel reste en discussion, reprĂ©sentent un cas exemplaire qui suggĂšre de reconsidĂ©rer la linĂ©aritĂ© du texte Ă©crit, d’abord au niveau de leur organisation interne. Celle-ci se fait en effet au moyen de diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de segmentation les panneaux eux-mĂȘmes, qui enserrent une unitĂ© d’information, les retours Ă  la ligne, la typographie, qui rend certains segments plus saillants que d’autres, l’encadrement de certains segments au sein du panneau, qui se trouve ainsi organisĂ© en diffĂ©rents modules. Dans les panneaux, le texte est Ă  la fois soumis aux contraintes matĂ©rielles de son support et aux contraintes discursives qu’imposent ses fonctions pragmatiques le lecteur d’un panneau doit saisir et Ă©ventuellement sĂ©lectionner en un seul regard l’information pertinente, surtout lorsqu’il s’agit de prescription. 37Au niveau de l’unitĂ© du panneau, malgrĂ© le rĂŽle sĂ©mantique de la spatialisation de l’information, on retrouve cependant une certaine linĂ©aritĂ© du signifiant linguistique ; toutefois, linĂ©aritĂ© ne signifie pas alors que les segments linguistiques peuvent figurer sur une seule ligne » visuelle, mais que selon le mode de lecture traditionnel de l’écrit, le texte se lit de haut en bas. Par contre, il ne se lit pas nĂ©cessairement de gauche Ă  droite, comme le suggĂšre l’exemple [8], dans lequel on peut prendre connaissance du nom d’autoroute ou de ville avant de regarder l’indication de distance. Il s’agit donc d’une linĂ©aritĂ© verticale plus qu’horizontale. 38Mais si l’on considĂšre une combinaison de panneaux comme en [20] par exemple, les diffĂ©rents panneaux paraissent Ă  la fois interdĂ©pendants et relativement autonomes, si bien que cet ensemble textuel admet diffĂ©rents parcours de lecture. Par exemple, le conducteur qui n’a aucune intention de faire une pause pour visiter Éguzon, s’y nourrir ou s’y reposer ne prĂȘtera pas mĂȘme attention au panneau dĂšs lors qu’il aura reconnu sa fonction, tandis que l’Ɠil d’un conducteur endormi pourrait ĂȘtre directement attirĂ© par le lit symbolisĂ© avant de remonter Ă  l’indication de distance puis s’attarder sur le nom de la ville, sans nĂ©cessairement lire les autres informations diverses qui coexistent sur le panneau avec celles-ci, d’autant que l’autoroute sur laquelle il se trouve indiquĂ©e par le cartouche ne lui permet guĂšre de s’égarer dans sa lecture. Alors que le texte est produit sous une forme linĂ©aire, les segments de texte se suivant logiquement de haut en bas et de gauche Ă  droite ou de droite Ă  gauche, la rĂ©ception du texte admet une recomposition qui inverse l’ordre linĂ©aire. On remarque d’ailleurs que cette sĂ©lection de l’information est facilitĂ©e par une segmentation du texte qui s’organise sur plusieurs panneaux juxtaposĂ©s les uns aux autres, chaque unitĂ© d’information ainsi isolĂ©e Ă©tant dĂ©pendante des autres prĂ©sentes sur le mĂȘme poteau mais ayant Ă©galement une relative autonomie. 39Ainsi, l’organisation graphique des panneaux et l’organisation visuelle des poteaux combinant plusieurs panneaux est telle que la saillance graphique et visuelle des Ă©lĂ©ments de l’espace graphique qu’il faut alors considĂ©rer Ă  l’échelle du poteau susceptible de combiner plusieurs panneaux et non plus du simple panneau hiĂ©rarchise l’information pour l’exprimer d’une maniĂšre aussi efficace que possible en facilitant son apprĂ©hension mais aussi sa sĂ©lection. L’idĂ©e que l’information puisse ĂȘtre sĂ©lectionnĂ©e intervient surtout concernant les panneaux informatifs, qui seuls se trouvent combinĂ©s en ensembles ou poteaux complexes. D’ailleurs, la valeur illocutoire des panneaux prescriptifs est d’autant mieux exprimĂ©e que son expression se fait en termes brefs un rond blanc bordĂ© de rouge intime une interdiction, reste Ă  en connaĂźtre la portĂ©e, et un pictogramme peut suffire Ă  la dĂ©terminer, ou pas TabularitĂ© du texte Ă©crit 40Pour rendre compte de modes de lecture oĂč la linĂ©aritĂ© du discours est mise en cause, Vandendorpe puis Florea proposent la notion de tabularitĂ©. Pour le premier, elle dĂ©signe la possibilitĂ© pour le lecteur d’accĂ©der Ă  des donnĂ©es visuelles dans l’ordre qu’il choisit, en cernant d’emblĂ©e les sections qui l’intĂ©ressent » 1999 41, elle correspond Ă  une exigence de mise en forme des textes de type informatif, de maniĂšre Ă  en permettre une appropriation aussi efficace que possible par le lecteur » 1999 64. En effet, dĂ©couper le texte en Ă©lĂ©ments divers convient trĂšs bien Ă  la communication d’informations variĂ©es que le lecteur pourra sĂ©lectionner suivant ses intĂ©rĂȘts » 1999 65. La signalisation routiĂšre consiste Ă  prescrire des rĂšgles d’action mais aussi Ă  informer et orienter l’usager. La prĂ©sentation de l’information dans des panneaux de direction hiĂ©rarchise ainsi l’information selon des rĂšgles qui permettent au lecteur averti de sĂ©lectionner immĂ©diatement l’information qui lui est pertinente. 41Florea remarque Ă©galement que dans un rĂ©gime de textualitĂ© tabulaire, ce sont la topographie et la mise en page qui balisent la lecture » et que l’appropriation du texte par le lecteur est dĂ©terminĂ©e par l’organisation spatiale du matĂ©riau signifiant » 2009 181. Alors que Vandendorpe insiste sur la tabularitĂ© du livre, Florea propose d’appliquer ce rĂ©gime de textualitĂ© Ă  d’autres supports et genres, en particulier Ă  l’hyperstructure journalistique. La notion de tabularitĂ© permet ainsi de rendre compte d’un parcours de lecture relativement ouvert, oĂč le lecteur joue un rĂŽle important et a la possibilitĂ© d’entrer dans le texte par plusieurs portes » 2009 181. Car c’est en effet souvent le lecteur qui fait exister le texte en tant qu’objet unifiĂ© » 2009 189. 42C’est sur cette idĂ©e que propose d’insister AthĂ©a en examinant la lecture des documents numĂ©riques. Face Ă  l’hypertexte, qui lui permet de naviguer Ă  son grĂ© d’un texte Ă  l’autre via des mots-clĂ©s, le lecteur bĂątit son parcours, en dĂ©cidant du cheminement personnel 
 en fonction de son contexte situationnel » 2015 220. MĂȘme si dans les panneaux la contrainte illocutoire est plus forte et la succession des panneaux imposĂ©e, c’est en dĂ©finitive le conducteur-lecteur qui dĂ©cide de son cheminement personnel et qui construit son parcours de lecture. Une des propriĂ©tĂ©s de ce mode de lecture de l’hypertexte se retrouve d’ailleurs dans les panneaux, en particulier les panneaux informatifs pendant son parcours, des passages peuvent ĂȘtre dĂ©laissĂ©s par le lecteur, des difficultĂ©s sautĂ©es, sans que cela entraĂźne des consĂ©quences dramatiques pour l’interprĂ©tation, car le seul juge de l’efficacitĂ© de la lecture est le lecteur lui-mĂȘme, puisque c’est lui qui fixe les critĂšres de sa rĂ©ussite » 2015 221. Bien que les panneaux soient des textes juridiquement codifiĂ©s, il convient en effet de prendre d’emblĂ©e en compte les errements possibles du lecteur par rapport aux injonctions du texte, d’autant que la codification de ces textes normatifs vise Ă  limiter au maximum les premiers pour confĂ©rer une efficacitĂ© optimale aux secondes. 43La notion de tabularitĂ©, comprise comme un rĂ©gime de textualitĂ© liĂ© Ă  un mode de lecture particulier, permet donc de rendre compte de l’organisation de l’information, verbale et non verbale, au sein de certains panneaux et de l’organisation simultanĂ©e des panneaux entre eux sur un mĂȘme poteau, mais aussi de la succession de ces poteaux portant un ou plusieurs panneaux. Les textes que forment les panneaux peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme tabulaires dans la mesure oĂč ils sont composĂ©s de modules plus petits, qui peuvent ĂȘtre sĂ©miotiquement hĂ©tĂ©rogĂšnes mais Ă  dominante linguistique, et dont la combinaison forme un texte, c’est-Ă -dire un tout qui reprĂ©sente plus que la simple somme des parties qui le composent » Florea 2009 181. Cependant la linĂ©aritĂ© temporelle du discours se retrouve dans la dimension cinĂ©tique et sĂ©quentielle de la lecture des panneaux. Mais il ne s’agit pas alors de la linĂ©aritĂ© des segments linguistiques mais d’un discours constituĂ© d’une succession d’unitĂ©s sĂ©miotiquement hĂ©tĂ©rogĂšnes qui mettent en Ɠuvre la multimodalitĂ© de l’écriture. 44En mettant au cƓur du processus de constitution du texte Ă©crit le lecteur – ce rĂ©cepteur qui met Ă  profit l’énonciation indirecte pour prendre toute libertĂ© qui lui plaise vis-Ă -vis du texte, y compris de ne pas le lire – il est ainsi possible de rendre compte de l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique et de la linĂ©aritĂ© d’un texte qui accompagne une activitĂ© pratique, Ă  la maniĂšre d’une recette. Une Ă©criture hybride ? 45Au cours de notre cheminement, nous avons observĂ© d’abord que les panneaux de signalisation routiĂšre prĂ©sentent une imbrication complexe de matĂ©riau linguistique et non linguistique qui impose de reconsidĂ©rer les Ă©lĂ©ments signifiants du texte Ă©crit, voire de reconsidĂ©rer les limites entre linguistique et non linguistique. Les panneaux constituant des Ă©crits conçus indĂ©pendamment d’une rĂ©alisation orale, il est ainsi apparu que la spĂ©cificitĂ© de tels textes rĂ©side dans le caractĂšre multidimensionnel des ressources signifiantes mises en Ɠuvre. Cela a posĂ© diffĂ©rents problĂšmes concernant le statut textuel des panneaux de signalisation. En premier lieu, celui de la raretĂ© et de la briĂšvetĂ© du matĂ©riau linguistique, qui s’inscrit dans la mise en Ɠuvre d’un code principalement visuel. En second lieu, le fait que l’activitĂ© de lecture soit subordonnĂ©e Ă  une activitĂ© pratique a mis au jour le caractĂšre discontinu des unitĂ©s textuelles Ă  considĂ©rer. L’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique et la discontinuitĂ© des panneaux conduisent ainsi Ă  concevoir ces textes Ă©crits en termes de discontinuitĂ©s typographiques et spatio-temporelles. Dans les panneaux, ce sont en effet les discontinuitĂ©s qui organisent le texte, au niveau spatio-temporel, au niveau visuel et graphique et au niveau syntaxique. Si les panneaux sont des textes, ce sont des textes non linĂ©aires, du moins au sens habituel du terme. 46Finalement, en mettant en corrĂ©lation la finalitĂ© pratique des panneaux et leur mode de lecture cinĂ©tique et sĂ©quentiel, nous pouvons considĂ©rer que la maniĂšre dont ils exploitent les diffĂ©rentes dimensions sĂ©miologiques de l’écrit reprĂ©sente une marque du genre. Il convient donc d’accorder sa place Ă  l’analyse de ces diffĂ©rentes dimensions pour expliquer le fonctionnement socio-discursif et le fonctionnement textuel de tels genres routiniers, extrĂȘmement contraints, pour lesquels le concept mĂȘme de texte est mis en question. Les panneaux ne sont pas en effet les seuls genres de l’écrit oĂč les limites entre Ă©criture de la langue et image vacillent. 47Enfin nous avons vu que la dimension visuo-spatiale de l’écrit permet une organisation non linĂ©aire des Ă©lĂ©ments signifiants et que les panneaux se prĂ©sentent comme un cas exemplaire qui Ă©claire les diffĂ©rents paramĂštres Ă  prendre en compte dans l’analyse de textes exploitant cette dimension. La communication Ă©crite est ainsi Ă  considĂ©rer aussi bien dans son aspect matĂ©riel que conceptuel. Les propriĂ©tĂ©s du support matĂ©riel sont en effet signifiantes, mais aussi la localisation de ce support dans l’espace. La syntaxe du support formel, c’est-Ă -dire le type de contenu qui se dĂ©ploie dans l’espace graphique et son agencement, est signifiante Ă©galement. Le discours Ă©crit se prĂ©sente donc d’abord comme un objet dont les propriĂ©tĂ©s participent de la signification du message vĂ©hiculĂ©. DĂšs lors, le message Ă©crit ne se limite pas Ă  du matĂ©riau linguistique non seulement les propriĂ©tĂ©s du support jouent un rĂŽle dans sa signification, mais il est de plus susceptible de prĂ©senter une certaine hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique, dont notre approche permet de rendre compte. D’une part la distinction des diffĂ©rents paramĂštres Ă  considĂ©rer dans l’analyse des panneaux propriĂ©tĂ©s du support matĂ©riel, syntaxe du support formel, nature du contenu de l’espace graphique et d’autre part la prise en compte de leurs finalitĂ©s pratiques permettent d’éclairer et prĂ©ciser l’analyse d’écrits variĂ©s, appartenant Ă  divers genres, aux niveaux discursif, textuel et syntaxique. 5 Voir Bordon 2004 et Vaillant, Bordon & Sautot 2008. 48Il est apparu Ă©galement qu’en mettant le lecteur et le mode de lecture au centre du processus d’interprĂ©tation mais aussi de production du texte selon sa visĂ©e communicationnelle, il est possible d’apprĂ©hender les rĂšgles de spatialisation de l’information et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©miotique de ces genres Ă©crits particuliers. La publicitĂ©, les enseignes, les panneaux et les signalisations de toutes sortes exigent d’adopter, pour aborder les donnĂ©es linguistiques qu’ils fournissent, une approche sĂ©miolinguistique de l’écrit, qui rende compte de la multimodalitĂ© de l’écrit et qui permette peut-ĂȘtre aussi d’échapper au phonocentrisme alphabĂ©tique. Comme le rappelle Anis, le lien est parfois distendu mais jamais rompu entre le texte et l’image » 2000 6, et le principe logographique subsiste dans les Ă©critures alphabĂ©tiques. En ce qui concerne les panneaux de signalisation routiĂšre, cette approche permet donc de rendre compte de la spatialisation de l’information et de sa dimension visuelle, mais elle peut Ă©galement conduire Ă  reconsidĂ©rer les signes visuels comme les pictogrammes, par exemple, dont le statut sĂ©miologique reste Ă  analyser. Des Ă©tudes montrent ainsi que l’interprĂ©tation des pictogrammes met en jeu des compĂ©tences relevant de la littĂ©ratie. Leurs conclusions mettent en cause le caractĂšre iconique des pictogrammes, si bien qu’elles proposent de parler d’idĂ©ogrammes5. Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’écrit donnent une rĂ©sonnance nouvelle Ă  cette question, notamment Ă  travers l’emploi des Ă©moticĂŽnes. Le français ne connaĂźt-il qu’une Ă©criture alphabĂ©tique ? C’est la question que ces donnĂ©es conduisent Ă  poser. 1À la Maison Radieuse, pour dĂ©signer leur mode de vie collective les habitants font souvent rĂ©fĂ©rence au terme de village et la configuration de l’immeuble conduit plutĂŽt Ă  parler de village vertical ». En 2005, lors de la fĂȘte du cinquantenaire, cette notion a servi de rĂ©fĂ©rence centrale pour organiser et dĂ©cliner l’ensemble des animations, visites, confĂ©rences, etc. L’idĂ©e de village renvoie Ă  l’image trĂšs positive et quelque peu mythique d’une vie sociale qui n’existerait pas dans les zones urbaines et encore moins dans les quartiers d’habitat collectif. Dans ces reprĂ©sentations du sens commun, le village Ă©voque une vie plus communautaire par rapport Ă  la ville oĂč rĂ©gneraient l’individualisme et une certaine indiffĂ©rence. Mais qu’en est-il vraiment des relations sociales dans cet immeuble ? 2Dans ce chapitre Ă  partir des rĂ©sultats de notre enquĂȘte nous analyserons comment s’est dĂ©veloppĂ©e la vie sociale au cours des 50 annĂ©es passĂ©es, nous observerons si la co-prĂ©sence des individus dans ce lieu construit un tissu social spĂ©cifique que nous pourrions caractĂ©riser et expliciter. 3Dans les pages prĂ©cĂ©dentes qui traitent de la vie des familles, on a vu apparaĂźtre des formes de sociabilitĂ©s, en particulier autour des enfants, qui mettent en Ă©vidence le fait que des relations sociales spĂ©cifiques se dĂ©veloppent au sein de la Maison Radieuse. Mais la question des sociabilitĂ©s pose le problĂšme plus gĂ©nĂ©ral de l’articulation individu/collectif. Cette dimension a Ă©tĂ© particuliĂšrement prise en compte par Le Corbusier car la condition prĂ©alable au bien-ĂȘtre collectif des habitants, passe par la rĂ©alisation du plan » qui favorisera le dĂ©veloppement d’une vie harmonieuse. Le soin apportĂ© au choix du lieu, Ă  l’architecture, Ă  l’urbanisme peut ĂȘtre propice Ă  la crĂ©ation de relations sociales de qualitĂ©. En concevant les unitĂ©s d’habitation de grandeur conforme » et les citĂ©s radieuses », Le Corbusier cherche Ă  trouver cet Ă©quilibre entre individu et collectif qui permet de vivre Ă  proximitĂ© les uns des autres tout en prĂ©servant l’intimitĂ© de chacun. 1 La prise en compte par les architectes et les urbanistes des rapports de voisinage fait l’objet d’u ... 4Il se peut que cette dĂ©marche architecturale, une façon de concevoir et d’organiser l’espace produisent un immeuble favorisant le dĂ©veloppement d’une vie sociale originale. Le rĂŽle jouĂ© par l’architecture dans le bonheur Ă©ventuel des habitants Ă  vivre ensemble est Ă  interroger car des lieux d’échanges comme le hall, le parc, le toit-terrasse, les salles proposant des services ou offrant des lieux rĂ©crĂ©atifs ont Ă©tĂ© pensĂ©s pour favoriser ce vivre ensemble1 ». Nous analyserons la maniĂšre dont ils ont Ă©tĂ© investis, le type de relations qu’ils ont produits, s’ils ont contribuĂ© Ă  l’émergence d’une vie collective et Ă  la construction d’un groupe d’individus vivant en harmonie ». 5Mais l’architecture n’est qu’une piĂšce dans un puzzle combinant des donnĂ©es historiques, Ă©conomiques, sociales et humaines. Et notre dĂ©marche sociologique qui s’inscrit dans la confrontation d’une accumulation de diffĂ©rents travaux antĂ©rieurs, et de donnĂ©es originales, entretiens, enquĂȘtes par questionnaires, dĂ©pouillement systĂ©matique d’archives non inventoriĂ©es, permet de tenter une recomposition de ce puzzle. 6Ce chapitre va nous donner Ă  lire diffĂ©rents types de relations sociales qui se construisent soit de maniĂšre interpersonnelle, Ă  travers le voisinage, soit par la mĂ©diation d’une organisation, l’association des habitants. 7Le premier aspect que nous considĂ©rons sera celui des relations de voisinage qui marquent un premier niveau de sociabilitĂ© ordinaire, quotidienne. Aujourd’hui ces relations sont Ă  interroger dans une perspective diachronique car elles sont le rĂ©sultat d’une sĂ©dimentation d’échanges sans cesse renouvelĂ©s en 50 ans d’existence de la Maison Radieuse. 2 P. H. Chombart de Lauwe, Famille et Habitation, t. 2, Un essai d’observation expĂ©rimentale, p. 254. 8Les chercheurs de l’équipe de Paul-Henry Chombart de Lauwe repĂšrent dĂšs les annĂ©es soixante que la vie collective et l’ambiance sont meilleures Ă  la Maison Radieuse que dans les autres citĂ©s observĂ©es2 lors de leur enquĂȘte. Nos donnĂ©es rĂ©vĂšlent une certaine continuitĂ© par rapport Ă  ces observations. Un consensus assez large des habitants s’exprime autour de l’idĂ©e que c’est convivial au Corbu ». 9Quelle est la pertinence de cette affirmation ? À travers quelles pratiques se manifeste cette convivialitĂ© aujourd’hui ? Y a-t-il eu une continuitĂ© dans le maintien d’un tissu social ? Est-ce le lieu lui-mĂȘme ou son mode de peuplement sur l’ensemble de la pĂ©riode qui ont contribuĂ© Ă  la construction de liens sociaux spĂ©cifiques qui se reproduisent ? 10L’immeuble n’est plus habitĂ© par ceux que l’équipe de Chombard de Lauwe a interrogĂ©s. Nous verrons qu’un certain turn-over a conduit Ă  un renouvellement assez large de la population. 11Le consensus ne fait pas l’unanimitĂ©, et mĂȘme s’il n’y a pas d’expression complĂštement nĂ©gative sur l’ambiance qui rĂšgne au Corbu, quelques anciens habitants regrettent une Ă©poque rĂ©volue et d’autres expliquent pourquoi ils restent Ă  distance et ne veulent pas se retrouver piĂ©gĂ©s dans des relations trop intĂ©grantes de type villageois qui ont aussi des mauvais cĂŽtĂ©s. 12Ainsi, il est possible de dessiner une typologie des diverses relations qui en fonction des pĂ©riodes, des appartenances sociales et des modes de vie permettent de comprendre comment les gens se lient entre eux avec plus ou moins d’implication et surtout d’observer que l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de ses relations participe Ă  l’équilibre de l’ensemble social qui fait de la Maison Radieuse bien autre chose qu’une communautĂ© fermĂ©e. 13Pour comprendre la vie sociale dans la Maison Radieuse, il convient aussi de prendre la mesure du rĂŽle qu’a jouĂ© et joue encore l’Association des Habitants de la Maison Radieuse AHMR, en particulier en matiĂšre de construction de la vie collective. Nous verrons que cette association d’immeuble, et non de quartier, prĂ©sente un ensemble de caractĂ©ristiques spĂ©cifiques complĂštement imbriquĂ©es avec l’histoire et la conception mĂȘme du bĂątiment qui propose des solutions spatiales originales aux questions des formes de sociabilitĂ©. 14La deuxiĂšme partie de ce chapitre propose donc une lecture de l’histoire de l’immeuble et de ses habitants Ă  travers le prisme de la vie associative. Nous allons dĂ©couvrir des habitants militants fortement impliquĂ©s dans la vie de la Maison Radieuse. Nous verrons que leur arrivĂ©e est liĂ©e Ă  la façon dont l’offre des logements a Ă©tĂ© diffusĂ©e Ă  travers les rĂ©seaux qui ont portĂ© localement le projet de la construction. 3 Voir chapitre I. 15L’entrĂ©e associative va nous plonger au cƓur de tout un ensemble de luttes externes et internes. Tout d’abord celle de la dĂ©fense du statut de locataire-coopĂ©rateur, prĂ©cĂ©demment dĂ©crit3, contre la mise en place d’un nouveau cadre lĂ©gal, la loi Chalandon qui le remet en question. Ce statut des habitants va marquer les vingt premiĂšres annĂ©es de la vie collective de l’immeuble et en particulier par son mode de gestion dont l’association est complĂštement partie prenante. Nous verrons que cette pratique de gestion apparaĂźt comme particuliĂšrement constitutive d’une identitĂ© collective oĂč des liens spĂ©cifiques unitaires se nouent que ce soit dans le fait de rĂ©soudre collectivement les problĂšmes ou dans l’adversitĂ©. Ensuite, des luttes internes apparaissent, une certaine cohĂ©sion sociale se fissure et nous verrons comment l’association en porte les marques dans la redĂ©finition de son rĂŽle et de sa place par rapport aux nouveaux gestionnaires, le conseil syndical et la sociĂ©tĂ© HLM, Loire-Atlantique Habitation et par rapport Ă  l’ensemble des habitants. 16Le rĂŽle considĂ©rable de l’association comme mĂ©diatrice dans la construction d’un certain type de relations collectives sera particuliĂšrement dĂ©veloppĂ© dans un troisiĂšme temps. Autour de l’intitulĂ© animer la Maison Radieuse », nous allons dĂ©couvrir 50 annĂ©es d’animations socioculturelles et d’offres de services variant selon les diffĂ©rents contextes sociĂ©taux avec en dĂ©but de pĂ©riode des habitants qui ont pour seules offres celles de l’association alors que dans la suite, se dĂ©veloppe, Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble, une grande diversitĂ© d’activitĂ©s. Cette externalisation a participĂ© Ă  l’évolution de la vie collective. 17Nous verrons qu’elle a, entre autre, contribuĂ© Ă  la dĂ©composition de l’identitĂ© collective qui est particuliĂšrement lisible dans le passage d’une sociabilitĂ© solidaire Ă  des logiques d’aide sociale. D’autres Ă©volutions des pratiques au sein de l’association viennent Ă©tayer cette thĂšse d’un Ă©clatement des valeurs communes et partagĂ©es notamment celles qui concernent le rapport Ă  la nature. 18Ces constats de dĂ©sagrĂ©gation/recomposition sont pourtant Ă  nuancer car force est de constater qu’une vie sociale collective se maintient et que celle-ci se densifie autour des moments festifs spĂ©cifiques que sont les cĂ©lĂ©brations des anniversaires de la Maison Radieuse, notamment ceux des 30 et 50 ans de l’immeuble. Un tel engouement d’une partie des habitants et en particulier de ceux qui sont membres de l’association n’est pas sans effet sur l’ensemble de la vie sociale. Il est un indicateur important d’une identitĂ© collective qui sert de toile de fond aux sociabilitĂ©s riches et complexes que connaĂźt la Maison Radieuse. VOISINAGE ET LIEN SOCIAL 19Les relations interpersonnelles que les habitants Ă©tablissent entre eux constituent la base des liens sociaux et on les apprĂ©hendera dans un premier temps Ă  travers les relations de voisinage qui n’apparaissent pas complĂštement homogĂšnes. 4 F. HĂ©ran, Comment les Français voisinent ? », Économie et statistique, n° 195, INSEE, Paris, 1987 20On ne peut manquer de noter les discours rĂ©currents sur la convivialitĂ© particuliĂšre du village vertical » mais on s’efforcera de les moduler par les propos discordants qui les nuancent sans toutefois les dĂ©naturer profondĂ©ment. En effet, comme partout ailleurs, les habitants ont entre eux une grande diversitĂ© de relations qui s’avĂšrent plus ou moins distantes, selon les personnalitĂ©s concernĂ©es. Le voisinage est une sorte de relation minimum obligĂ©e, largement partagĂ©e. Selon une enquĂȘte de l’INSEE de 1987, 90 % des mĂ©nages français affirment avoir des relations de voisinage mais elles se limitent, pour 19 % d’entre elles Ă  des conversations et visites, pour 45 % Ă  des Ă©changes de petits services. Il n’y a que 28 % de ces relations de voisinage qui construisent des relations Ă©troites d’entraide et d’amitiĂ©4. 21Le voisinage sera donc une entrĂ©e qui nous permettra d’évaluer diffĂ©rents niveaux d’implication et d’éclairer le tissu social dans l’ensemble de l’immeuble. L’analyse de nos donnĂ©es d’enquĂȘte plus qu’une quantification des pratiques de voisinage permet d’en montrer la diversitĂ© et d’établir une typologie des comportements correspondant Ă  des modes de vie, dĂ©terminĂ©s par un degrĂ© d’intĂ©gration ou une appartenance sociale. 22Le premier type de comportements que nous observons, convivialitĂ© et entraide », met en Ă©vidence les relations de voisinage heureuses, rĂ©guliĂšres ou pĂ©rennes de ceux qui sont les plus attachĂ©s au projet corbusĂ©en. Cette ambiance se manifeste Ă  travers des pratiques qui perdurent depuis 50 ans et que nous allons expliciter avant de les situer dans les lieux que Le Corbusier avait prĂ©vu pour favoriser cette forme de sociabilitĂ©. 23Face Ă  cet enthousiasme, nous prĂ©senterons Ă©galement ceux qui sont plus rĂ©servĂ©s et mettent Ă  distance les sociabilitĂ©s identitaires de l’immeuble pour des raisons diverses qui ne sont pas forcĂ©ment l’expression d’une forme d’hostilitĂ© vis-Ă -vis du voisinage ou de comportements sĂ©grĂ©gatifs mais s’inscrivent dans une combinaison complexe de rapports Ă  l’environnement social. ConvivialitĂ© et entraide 5 J. Gracq, La forme d’une ville, Ă©d. JosĂ© Corti, Paris, 1985, p. 136. 24Une barre de bĂ©ton », une cage Ă  lapins » oĂč il ferait bon vivre ! C’est peut-ĂȘtre ce qui est le plus incroyable. De l’extĂ©rieur, l’immeuble Le Corbusier fait immĂ©diatement penser, par son aspect, aux reprĂ©sentations nĂ©gatives des grands ensembles. Il Ă©crase par sa seule prĂ©sence tout son proche environnement les petits pavillons auxquels il fait de l’ombre, l’église Ă  laquelle s’accolent les maisons anciennes du bourg, recroquevillĂ©es comme si elles cherchaient refuge face au mastodonte gris. Julien Gracq le compare Ă  un donjon qui domine la plate » rive de RezĂ©5. 6 D. Duprez, M. Leclerc-Olive, M. Pinet, Vivre Ensemble. La diversitĂ© des quartiers sensibles » Ă  l ... 25À la vue de cette barre de bĂ©ton, tous les a priori sur les modes de vie des grands ensembles ressortent, c’est-Ă -dire des lieux oĂč rĂšgnerait un climat du chacun pour soi », anonyme et peu solidaire6. À l’inverse, Ă  ses pieds, le paysage du centre bourg renvoie l’image d’un village oĂč tout le monde se connaĂźt depuis des gĂ©nĂ©rations et oĂč se forgeraient des liens sociaux d’une certaine intensitĂ©. Pourtant, les chapitres prĂ©cĂ©dents laissent percevoir qu’il existe Ă  la Maison Radieuse des relations spĂ©cifiques entre les habitants qui n’ont rien Ă  envier Ă  celles de la population du bourg de RezĂ©. 26Les rĂ©sidents que nous avons rencontrĂ©s Ă©voquent volontiers les liens qui les unissent. À la Maison Radieuse, il rĂ©gnerait un climat qualifiĂ© par beaucoup de convivial » qui serait un hĂ©ritage du mode de vie passĂ©, alors que dans d’autres immeubles, seuls sont connus les voisins de palier ou de la cage d’escalier. À la Maison Radieuse tout le monde accĂšde aux Ă©tages supĂ©rieurs par les quatre ascenseurs regroupĂ©s dans la mĂȘme artĂšre au centre du bĂątiment. 27La majoritĂ© des personnes interrogĂ©es dans la Maison Radieuse expriment une certaine satisfaction de la qualitĂ© des relations qu’ils ont entre eux. Un Ă©noncĂ© du type c’est convivial au Corbusier », revient rĂ©guliĂšrement dans les propos. Certains tiennent mĂȘme Ă  souligner qu’ils ne connaissent pas d’équivalent ailleurs et que c’est particulier Ă  la Maison Radieuse. Depuis qu’on est lĂ , il existe une convivialitĂ©, dans l’ascenseur, on rencontre toujours les mĂȘmes tĂȘtes aux mĂȘmes horaires, donc c’est vrai que certains visages, on les voit un peu plus souvent que d’autres. Il y a une convivialitĂ© que dans d’autres immeubles, quand on compare avec d’autres immeubles, il n’y a pas. » M. Larty. Et ce que je trouve gĂ©nial ici, c’est que tout le monde est trĂšs
 euh, tout le monde se salue, dit bonjour et au revoir. On est toujours prĂȘt Ă  rendre service. Quelqu’un a les mains chargĂ©es c’est quel Ă©tage ? Hop, on l’aide Ă  porter ses paquets. C’est vrai que c’est
 Toutes les personnes qui viennent de l’extĂ©rieur sont toujours Ă©tonnĂ©es, le fait qu’il y ait toujours ce cĂŽtĂ© convivial qui se maintienne. Et heureusement d’ailleurs, oui, le fait de se dire bonjour, au revoir et puis de parler un petit peu, je trouve ça
 c’est vraiment humain quoi, ça me plaĂźt ça ouais ! » Mme BrĂ©mont. 28Des habitants se plaisent Ă  dĂ©crire cette atmosphĂšre particuliĂšre on se sourit », c’est gai », on a confiance ». 29Il serait pourtant abusif de laisser croire Ă  l’unanimitĂ© de ce point de vue. D’autres habitants n’hĂ©sitent pas en effet Ă  qualifier cette ambiance de superficielle et forcĂ©e ». Bah oui tous les jours, puisqu’il y a un ascenseur commun, on est obligĂ© de les voir, mais c’est superficiel, vous savez, y’a quelques personnes avec qui je parle parce qu’on a des enfants en commun qui sont copains ou copines donc on est ami
 enfin on va se cĂŽtoyer
 » M. Nollier. 30Quelques anciens rĂ©sidents pensent Ă©galement que quelque chose s’est perdu par rapport Ă  avant. Ils se souviennent d’une pĂ©riode passĂ©e qui aurait Ă©tĂ© plus communautaire et plus harmonieuse. Mais je crois que ça a sans doute Ă©tĂ© plus vrai autrefois que maintenant, c’est sans doute maintenant un peu plus superficiel, parce qu’avant on vivait plus dans l’immeuble, on partageait plus de choses
 » Mme Bialas. 31Mais ces voix dissonantes sont vite Ă©touffĂ©es par celles qui veulent faire savoir la spĂ©cificitĂ© des relations propres Ă  la Maison Radieuse. Ainsi la critique formulĂ©e par les anciens habitants est pondĂ©rĂ©e par ceux qui comparent l’ambiance actuelle de la Maison Radieuse avec ce qui se passe ailleurs dans l’habitat collectif ou mĂȘme dans les lotissements. C’est sĂ»r qu’on peut rencontrer des gens, c’est familial, c’est
 Ah oui, on connaĂźt des gens, oui. On ne se sent pas seul, quoi. Comme dans une maison, des fois dans un lotissement, moi je vois ma fille des fois, ils sont quand mĂȘme
 [isolĂ©s]. » Mme Dias. Moi ici, j’ai parlĂ© avec les gens ĂągĂ©s, dans les annĂ©es cinquante ou soixante, y’avait une vraie convivialitĂ©, les gens se respectaient, y’avait euh
 Par exemple, y’avait des choses en commun et ça c’était vraiment respectĂ© quoi, mais aprĂšs, ça s’est dĂ©gradĂ© sans doute en mĂȘme temps que la sociĂ©tĂ©, ça a suivi ce qui s’est passĂ© Ă  l’extĂ©rieur quoi [...]. Alors vous voyez, y’a eu un moment ici donc ça a Ă©tĂ© trĂšs apprĂ©ciĂ© pour ce qu’on appelait une convivialitĂ© ou un mode de vie, hein
 Mais parce que les gens n’avaient pas de problĂšmes professionnels, n’étaient pas dans les difficultĂ©s
 Ouais, y’avait du travail pour tout le monde
 Ici, y’a des familles qui ont Ă©levĂ©, il paraĂźt huit gosses dans les petits appartements, mais y’avait du travail, c’est pas pareil qu’aujourd’hui
 » M. Nollier. 32Et comme l’analyse cet habitant, mĂȘme si la dĂ©gradation du climat interne Ă  l’immeuble concorde avec celle d’un phĂ©nomĂšne social plus large, il semble bien qu’au Corbusier, il y a eu une forme de rĂ©sistance Ă  cette dĂ©tĂ©rioration. Au point que cette moindre montĂ©e de l’indiffĂ©rence vis-Ă -vis du voisinage se sait et devient un critĂšre de choix pour des locataires HLM. Je souhaitais venir vivre ici, oui, plus qu’au ChĂąteau de RezĂ©, oĂč c’est des grands immeubles, oĂč les gens ne se connaissent pas. » M. Esteban. 33Lorsque ce locataire a formulĂ© sa demande, il s’est dĂ©terminĂ© par rapport Ă  la rĂ©putation » de la Maison Radieuse oĂč contrairement Ă  ailleurs les gens se connaissent. Dans le propos d’une autre personne interrogĂ©e, la rĂ©fĂ©rence Ă  l’idĂ©e du village pour dĂ©crire les relations entre habitants renforce ce constat d’une inter-connaissance significative. Un village Ă  la verticale et c’est vrai, autant on apprĂ©cie les cĂŽtĂ©s positifs qui seraient dans un village oĂč on connaĂźt les gens, oĂč il y a des rapports tout Ă  fait chaleureux, autant comme dans un village ça peut ĂȘtre vite envahissant et tout le monde sait tout et tout le monde est au courant de tout. Et ça, ce n’est pas quelque chose qui nous emballe beaucoup. Donc, c’est vrai que nous on met une distance par rapport Ă  ça et puis du coup on vit trĂšs bien par rapport Ă  ça. On prend les avantages et puis on laisse les inconvĂ©nients. » Mme Hamon. 34Les commĂ©rages », Ă©voquĂ©s marginalement par quelques habitantes, ne viennent pas altĂ©rer leurs impressions gĂ©nĂ©rales plutĂŽt positives sur la qualitĂ© des relations qui existent entre habitants et qui vont parfois bien au-delĂ  de simples Ă©changes courtois. 35L’entraide est mise en avant par les trois quarts des personnes que nous avons interrogĂ©es et cela apparaĂźt aussi comme une consĂ©quence du mode de vie villageois » de la Maison Radieuse. Certains vont prendre des nouvelles d’un voisin quand ils ne l’ont pas vu depuis longtemps. Toutes sortes de service sont Ă©voquĂ©s selon les demandes des uns et des autres un chien Ă  sortir, des courses Ă  faire en ville, des mĂ©dicaments Ă  aller chercher, une rĂ©paration Ă  faire ou du bricolage, une dĂ©claration d’impĂŽt Ă  complĂ©ter et surtout, le plus courant, nous l’avons vu, faire garder les enfants. Et puis j’ai appelĂ© un voisin qui habite Ă  la deuxiĂšme rue et qui est bricoleur. Il est venu tout me consolider et me rĂ©parer mon armoire et il m’a aidĂ© Ă  monter le meuble. J’ai un autre voisin avec qui j’ai bavardĂ© pour repeindre mon mur, il m’a fait un mĂ©lange spĂ©cial. Il m’a repeint tout le mur. Moi ça m’a coĂ»tĂ©, ça m’a coĂ»tĂ© quoi ? Un barbecue, un dimanche midi en famille. Donc, je dirais qu’on arrive Ă  se rendre des services en fonction des compĂ©tences de chacun. [...] En Ă©change, quand sa femme a travaillĂ©, j’ai gardĂ© un petit peu leurs enfants pour les dĂ©panner parce que c’était plus facile. Moi ça ne m’a pas demandĂ©, ça ne m’a pas posĂ© de contraintes particuliĂšres et puis ça m’a fait plaisir de les dĂ©dommager en payant mon mur. Alors que pour moi, mon mur c’était un gros boulot. J’ai pas l’impression que d’avoir gardĂ© des enfants c’est
 Alors c’est comme ça, c’est un petit peu des services, un systĂšme un peu d’entraide entre gens qui s’entendent bien, chacun peut mettre ses compĂ©tences au service des autres Ă  un moment donnĂ©. Moi c’est ça que je trouve sympa. Moi je ne me sens pas isolĂ©e ici. Si jamais j’ai un souci, il y a toujours quelqu’un Ă  qui je vais pouvoir demander de me filer un petit coup de main ou
 » Mme Auger. 7 M. Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociĂ©tĂ©s archaĂŻques », in Socio ... 36Le SystĂšme d’Échanges Local SEL n’a pas besoin d’ĂȘtre formalisĂ© Ă  la Maison Radieuse. La pratique sociale de don - contre don dĂ©crite par Marcel Mauss7, s’est actualisĂ©e ici autour de l’échange de services. Le fait de se connaĂźtre, d’ĂȘtre proche autorise ce type de relation. Et la rĂ©ciprocitĂ© n’est pas forcĂ©ment attendue, car les rapports sociaux se jouent aussi dans le registre du don de soi, de la solidaritĂ©. Ah oui, quand mĂȘme on s’entraide un petit peu, mais entre gens qui se connaissent, quoi. Par exemple, entre gens qui ont perdu leur mari, entre personnes ĂągĂ©es, on s’occupe d’elles, ah oui, oui, oui. Ce qui n’est pas forcĂ©ment vrai dans tous les immeubles, en fait. » Mme Tabory. 37Quelles que soient les formes prises par l’entraide, Ă©change, don de soi ou solidaritĂ©, elles se cumulent toutes et permettent d’établir le fait qu’à la Maison Radieuse rĂšgne un climat particulier. 38Mais l’architecture semble aussi jouer un rĂŽle important, et les habitants l’expriment trĂšs nettement comme un Ă©lĂ©ment explicatif de la construction de ce tissu social. Cette architecture avec des espaces communs et des espaces intermĂ©diaires partagĂ©s favorise le dĂ©veloppement d’une vie collective. Les lieux qui font la sociabilitĂ© 39Le lieu, et en particulier les espaces intermĂ©diaires comme le hall, les rues, sont des Ă©lĂ©ments Ă  prendre en compte pour observer et expliquer ce qui est diffĂ©rent au Corbusier. À chaque espace conçu correspond une fonction, une activitĂ© la rue pour circuler, le hall comme point de passage idĂ©al pour s’approvisionner, le toit pour l’école et le parc pour se dĂ©tendre. Mais, outre le fait de proposer des services et de rĂ©pondre Ă  des besoins, ces espaces semblent ĂȘtre porteurs de toute une vie sociale qui vient s’ajouter Ă  la simple fonction qu’ils devaient remplir. 8 La Charte d’AthĂšnes, la partie sur la circulation, § 63. 9 Le Corbusier, Urbanisme, Champ Flammarion, Paris, 1994, p. 205. 40Le Corbusier a prĂ©vu dans son projet urbanistique une organisation stricte des rues selon leurs fonctions Les rues doivent ĂȘtre diffĂ©renciĂ©es selon leurs destinations rues d’habitation, rues de promenades, rues de transit, voies maĂźtresses8 » comme nous l’avons vu dans le chapitre 2. Les rues d’habitation doivent rĂ©pondre Ă  l’exigence suivante Les rues d’habitation et les terrains destinĂ©s aux usages collectifs rĂ©clament une atmosphĂšre particuliĂšre. Pour permettre aux logis et Ă  leurs prolongements » de jouir du calme et de la paix qui leur sont nĂ©cessaires, les vĂ©hicules mĂ©caniques seront canalisĂ©s dans des circuits spĂ©ciaux ». Pour Le Corbusier, en effet, la rue n’est pas que celle des voitures, elle se continue en hauteur par les vastes escaliers avec ascenseurs et monte-charges qui desservent chacun 100 Ă  150 villas9 » de ces immeubles-villas. 41Les rues intĂ©rieures » de la Maison Radieuse desservent une cinquantaine de logis. Ce cheminement strictement piĂ©ton a essentiellement pour fonction la circulation. Dans les Ă©crits de l’architecte, on ne trouve pas trace d’une autre sorte d’utilisation. Oui, mais je crois que ce n’était pas prĂ©vu au dĂ©but. À la base, Le Corbusier, enfin, vous le savez peut-ĂȘtre
 Moi j’ai lu que la pĂ©nombre Ă©tait un petit peu faite pour que les gens rentrent chez eux et ne traĂźnent pas dans le couloir, quoi. » Mme Toniolo. 42Mais, mĂȘme si elles n’ont pas Ă©tĂ© conçues pour qu’une vie sociale s’y installe, les rues intĂ©rieures » permettent au quotidien des micro-Ă©changes qui crĂ©ent une ambiance reflĂ©tant l’esprit qui rĂšgne Ă  la Maison Radieuse car au-delĂ  de la simple familiaritĂ© des visages et des relations d’échanges polis, les habitants se reconnaissent. Et on a vu que les habitants les ont investies les jeux des enfants ainsi que les conversations entre habitants s’y abritent des intempĂ©ries. 43Ces occupations des rues intĂ©rieures qui construisent des liens sociaux portent cependant atteinte au calme recherchĂ© et prĂ©conisĂ© par Le Corbusier en provoquant du bruit pour le voisinage. Les activitĂ©s bruyantes sont en principe interdites mais dans la pratique, les enfants bravent cet interdit depuis toujours. Cet habitant tĂ©moigne que dĂ©jĂ  dans son enfance Et bah nous euh
 En fait, on avait plus ou moins pas le droit parce que si vous voulez, ce qui roule, ça communique dans les appartements. Des fois, on faisait un peu de vĂ©lo, un peu de patins Ă  roulettes, on courait. Les gens ouvraient leur porte et nous disaient de faire moins de bruit
 » M. Richa 44Selon les rues, les enfants sont plus ou moins tolĂ©rĂ©s. — Donc, les enfants ne peuvent pas trop jouer dans les rues ?— Bah, pendant les vacances un petit peu. Mais bon, ils se font engueuler par les vieux. [
] Bah, du coup, moi je trouve que c’est de l’espace perdu, oui. [
] On ne voit jamais personne. » Mme Montigny. 45À certains moments de la journĂ©e, ces rues sont complĂštement dĂ©sertĂ©es, mais elles sont aux heures de pointe » particuliĂšrement animĂ©es. Et elles deviennent un lieu de rencontres qui permet aux personnes isolĂ©es de rompre quotidiennement leur solitude en choisissant, par exemple, ce moment-lĂ  de la journĂ©e pour aller chercher leur courrier aux boĂźtes aux lettres toutes rassemblĂ©es au milieu de la rue au niveau de la desserte des ascenseurs. 46Cette pratique, et la circulation quotidienne, permettent que des relations sociales spĂ©cifiques Ă  chaque rue s’établissent entre habitants. Et plus prĂ©cisĂ©ment dans une mĂȘme rue, les relations se construisent aussi selon des zones gĂ©ographiques, c’est-Ă -dire de part et d’autre de l’ascenseur ou entre les habitants qui partagent le palier d’accĂšs aux appartements de la façade sud. 47Au-delĂ  de cette premiĂšre proximitĂ©, un rĂ©seau se tisse au sein de l’immeuble. Et l’identification entre habitants va jusqu’à se faire par rapport aux rues comme cela se ferait par pĂątĂ© de maisons » ou petits quartiers dans un habitat horizontal. Non, je connais pas mal de monde Ă  la premiĂšre rue, pas trop Ă  la deuxiĂšme, un peu Ă  la troisiĂšme, beaucoup Ă  la quatriĂšme, entre la quatre, la cinq et la six. » Mme Auger. 48La superposition des rues formerait un village vertical » comme l’a souhaitĂ© Le Corbusier et finalement comme le vivent certains habitants, mĂȘme ceux rĂ©cemment arrivĂ©s dans l’immeuble Quand les gens veulent communiquer, ils communiquent. Mais c’est vrai que c’est peut-ĂȘtre plus propice, oui. Il y a dĂ©jĂ  des petits trucs, des petites choses toutes bĂȘtes mais quotidiennes, c’est le fait de dire bonjour et au revoir aux gens, avoir ce rapport un petit peu villageois, auquel tout le monde ne participe pas, ne rĂ©pond pas, mais ça donne un petit cĂŽtĂ© chaleureux mĂȘme si pour certains ça peut paraĂźtre artificiel. » M. Lubin. 10 P. H. Chombart de Lauwe, Famille et Habitation, t. 2, Un essai d’observation expĂ©rimentale, p. 246. 11 M. Young et P. Willmott, Le village dans la ville, CCI, Paris, 1983. 49DĂšs les annĂ©es cinquante, les enquĂȘteurs de P. H Chombart de Lauwe10 avaient soulignĂ©, dans le cadre de leur Ă©tude comparative, cette spĂ©cificitĂ© La Maison Radieuse se distingue de la citĂ© de la Plaine car “on peut si l’on veut, se faire rapidement des amis”. » Le modĂšle de sociabilitĂ© de voisinage y apparaissait dĂ©jĂ  proche de celui, communautaire, du village dans la ville », observĂ© par Young et Wilmott11 Ă  la mĂȘme Ă©poque. IndĂ©niablement ce mode de vie passĂ© a des continuitĂ©s aujourd’hui oĂč cet aspect est renforcĂ© par le fait que des habitants se connaissent depuis longtemps et sont amis. Oui, mais c’est-Ă -dire que malheureusement vu l’ñge que j’ai, j’en avais qui Ă©taient plus ĂągĂ©s que moi, donc j’en ai perdus quand mĂȘme [des amis]. Je n’en avais pas tellement, mais ceux auxquels je tenais sont partis. J’ai mon amie de la deuxiĂšme rue qui est dans mes Ăąges avec qui je m’entends trĂšs bien d’ailleurs, on se voit tous les jours. Mais on se connaĂźt depuis 25 ou 26 ans et c’est une amitiĂ© qui est fidĂšle. » Mme Poirel. 50Certains habitants ont eu toute une trajectoire rĂ©sidentielle interne Ă  l’immeuble. En fonction de la composition de la famille, ils ont changĂ© de type d’appartement et ont habitĂ© dans diffĂ©rentes rues. Certains jeunes, au moment de quitter l’appartement parental ont fait une demande auprĂšs des HLM et ont attendu qu’un appartement de petite dimension se libĂšre dans l’immeuble. D’autres dont les parents Ă©taient parmi les premiers habitants ont achetĂ© un appartement dans l’immeuble quand une opportunitĂ© s’est prĂ©sentĂ©e. Plusieurs cas sont recensĂ©s dans la Maison Radieuse, de membres d’une mĂȘme famille qui habitent des logements diffĂ©rents et cela contribue aussi Ă  cette image de village. Si l’organisation spatiale de l’immeuble avec ces artĂšres que sont les rues a contribuĂ© et contribue encore Ă  ce qu’un type de vie sociale puisse Ă©clore, le temps a lui aussi fait son Ɠuvre et pas uniquement en termes de dĂ©structuration, au contraire. 51Sur le toit, un autre lieu est vecteur de sociabilitĂ© l’école. Comme nous l’avons vu dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, les femmes jouent un rĂŽle important dans le tissage des liens sociaux entre les habitants, mĂȘme si aujourd’hui la plupart d’entre elles travaillent. Elles sont celles qui contribuent le plus Ă  la sociabilitĂ© interne Ă  l’immeuble, en particulier, du fait des enfants, autour de l’école. Je pense qu’on peut le dire, l’école a Ă©tĂ© un super avantage quand mĂȘme [
] Je dirais que ça permet de connaĂźtre plein de gens et, globalement, les gens les plus intĂ©ressants du Corbu. [...] Et l’école, j’ai trouvĂ© ça assez gĂ©nial. Ce sont des familles assez jeunes avec des enfants, et on se rend des services et effectivement on prend un cafĂ© ensemble, et ça, j’ai bien aimĂ© ce cĂŽtĂ©-lĂ . [
] Je ne dis pas forcĂ©ment que j’ai sympathisĂ© et fait la fĂȘte tous les soirs avec tous les gens mais oui, se croiser, faire un bout de chemin pour aller Ă  l’école des plus grandes ou se prendre un cafĂ© ensemble, oui, ça je l’ai fait. Donc ça, c’est l’avantage. » Mme Toniolo. 52S’inviter Ă  prendre un cafĂ© aprĂšs avoir dĂ©posĂ© les enfants Ă  l’école est une chose courante entre ces femmes quand elles ne travaillent pas Ă  l’extĂ©rieur. La sociabilitĂ© des mĂšres de famille ou des femmes au foyer est facilitĂ©e par l’intermĂ©diaire des enfants. Mais la proximitĂ© spatiale favorise certainement le renforcement des Ă©changes qui est perceptible Ă  travers le fait de se retrouver chez l’une ou l’autre autour d’un cafĂ©. Non, [je ne suis] pas trop Ă  part, [Ă ] rester chez moi, [je suis plus] Ă  voir quelques parents d’élĂšves, on va dire, on se rencontre, on se dit bonjour, on discute. De temps en temps on prend des cafĂ©s chez l’une, mais c’est de temps en temps. Il y a une Ă©poque, j’étais, j’avais deux bonnes copines, tous les matins, comme on ne travaillait pas toutes les trois, tous les matins c’était pause-cafĂ©. » Mme Delacour. 53À la Maison Radieuse, il n’est pas nĂ©cessaire de faire un dĂ©tour sur le trajet domicile-Ă©cole pour partager un moment tranquille entre mamans comme cela pourrait ĂȘtre le cas pour des mĂšres vivant dans un environnement spatial organisĂ© horizontalement avec des maisons individuelles Ă©parses autour de l’école. La configuration du lieu semble bien jouer en faveur d’une sociabilitĂ© accrue qui existe depuis toujours, comme le souligne cette ancienne habitante. Non, il y avait un rĂ©el systĂšme d’entraide au Corbusier. Et c’est vrai que le Corbusier tu t’y intĂ©grais quand tu avais des enfants petits. Et c’est pour ça qu’on faisait beaucoup de connaissances Ă  l’école maternelle. Ma mĂšre me racontait que, pour elle, ça avait Ă©tĂ© pareil, mais pour nous c’était pareil. On se faisait plein de copines. Quand les enfants allaient Ă  l’école maternelle, c’est Ă©vident. Ceux qui vivaient dans le lieu aussi. Alors ça, il y avait de l’entraide pour rĂ©cupĂ©rer les enfants. » Mme Martineau. 54Les relations entre ces mĂšres vont, lĂ  aussi, bien au-delĂ  d’un simple Ă©change de politesse l’entraide, l’échange de services autour de la garde des enfants est chose courante. Souvent des mamans dĂ©pannent d’autres mamans pour aller chercher un autre enfant. Et puis il y a la nourrice qui va en prendre un ou deux. » Mme Saulnier. 55Le lieu favorise la multiplication de ces Ă©changes la facilitĂ© de circulation d’un Ă©tage Ă  l’autre avec les enfants pour les dĂ©poser chez une voisine le temps d’une course, un simple coup de tĂ©lĂ©phone Ă  une autre maman voisine pour lui demander si elle peut prendre les enfants en mĂȘme temps que les siens Ă  la sortie de l’école quand on a un peu de retard
 MĂȘme si on peut dire qu’on retrouve ce type de sociabilitĂ© parentale autour de toutes les Ă©coles, l’unitĂ© de lieu Ă©cole/logement offre ici des possibilitĂ©s particuliĂšres d’échanges contribuant Ă  une qualitĂ© de vie indĂ©niable. C’est hyper bien
 tu vois t’as l’école, t’as ton lieu d’habitation, t’as la nourrice, y’a les copains et les copines, voilĂ  c’est hyper pratique. » Mme Larcher 12 Le Corbusier, Urbanisme, Champ Flammarion, Paris, 1994, 1re Ă©d. 1925, p. 189. 56Comme les rues intĂ©rieures » faites pour circuler, le parc est prĂ©vu pour remplir une fonction qui lui est propre la machine Ă  souffler ». L’heure du repos, c’est l’heure de souffler12. » Et si Le Corbusier n’a pas spĂ©cifiquement envisagĂ© que cet Ă©quipement contribuerait Ă©galement Ă  l’établissement de relations sociales entre les habitants, ce lieu en est cependant, lui aussi, un vecteur important. 57Tout d’abord, on retrouve la sociabilitĂ© autour des enfants, en particulier avec les plus petits qu’on accompagne. Comme ce jeune pĂšre, nĂ© dans l’immeuble, qui est revenu y vivre avec ses enfants, pour y retrouver le mode de vie qu’il y a connu lors de sa propre enfance Je suis revenu aussi pour mes enfants beaucoup, puisque j’avais le souvenir de mon enfance et je me suis dit, je vais revenir avec mes enfants, ça va ĂȘtre super pour eux. » M. Richa. 58Aujourd’hui sĂ©parĂ© de sa compagne, il a la garde de ses enfants une semaine sur deux. Cet homme qui se retrouve seul avec ses enfants adopte les mĂȘmes pratiques que les autres personnes ayant naturellement » la charge des enfants, les femmes Dans le bac Ă  sable, comme il y a tout le temps des parents et des enfants, on peut les laisser un peu, acheter du pain, et puis dire aux gens
 Il y a toujours surtout des dames d’ailleurs. C’est pour ça aussi que c’est un peu spĂ©cial pour moi. J’y vais des fois, les hommes, c’est assez rare. C’est souvent des discussions de dames. Souvent, je suis un peu
 Je me sens des fois un peu dĂ©passĂ©. Enfin comme je connais bien les gens
 les gens plus vieux, ça va. Mais autrement, ce n’est pas
 ce n’est pas
 Je me sens un peu dĂ©calĂ© quoi. » M. Richa. 59Dans n’importe quel parc de la ville, il y a des mĂšres de famille qui discutent autour des jeux et du bac Ă  sable. Mais dans combien de cas en trouvera-t-on une qui en interpellera une autre pour garder un Ɠil sur son enfant pendant qu’elle va faire une course ? La rĂ©gularitĂ© des rencontres et la forte interconnaissance entre les habitants permettent de parvenir Ă  ce climat de confiance qu’on a analysĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent. 13 Comme nous l’avons vu dans le chapitre II. 60Le parc est un lieu oĂč se dĂ©roulent des activitĂ©s diverses les jeux d’enfants, les jeux d’adolescents plus remuants, la promenade du chien, la recherche d’un moment calme sur un banc. MĂȘme si ces activitĂ©s opposent parfois les habitants13, elles contribuent toutes Ă  la construction de liens sociaux entre les habitants. Le parc joue un rĂŽle d’interface plus large que l’école sur le toit dans les sociabilitĂ©s entre les habitants car tous, mĂȘme ceux qui n’ont pas d’enfants, s’y cĂŽtoient. 61Le hall et les activitĂ©s qui s’y dĂ©roulent relĂšvent un peu du mĂȘme mĂ©canisme d’échanges Ă©largis entre les habitants. Mais, Ă  la diffĂ©rence du parc oĂč on se rend parce qu’on l’a choisi, le hall est un passage obligĂ© oĂč se dĂ©roulent des Ă©changes plus ou moins informels. La conception de Le Corbusier en a fait plus qu’un simple lieu de passage. 62Sur la droite en entrant, un espace composĂ© d’un banc en bĂ©ton est prĂ©vu pour s’asseoir et discuter. À gauche, il y a une sorte de comptoir, dont la premiĂšre partie est ouverte, laissĂ©e en libre accĂšs et dont la seconde partie est fermĂ©e par une paroi vitrĂ©e. Le bureau de poste y Ă©tait installĂ© jusqu’en 2002. La prĂ©sence du guichet dans le hall donnait l’occasion de se retrouver Ă  plusieurs et de bavarder. Bien plus que le service rendu, c’est l’espace de sociabilitĂ© que les habitants regrettent aujourd’hui. La majoritĂ© des personnes que nous avons rencontrĂ©es s’accordent pour dire que la Poste animait le hall et crĂ©ait des liens entre les habitants qui s’y rencontraient Bah oui parce qu’il y avait la postiĂšre toute seule lĂ  dans son aquarium, elle s’ennuyait un petit peu. Donc c’est vrai qu’il y avait facilement des gens qui restaient discuter avec elle en allant mettre le courrier. Et puis il suffisait qu’il y ait une autre personne qui descende et qui connaissait la personne dĂ©jĂ  là
 Oui, des fois il y avait quelques personnes qui se retrouvaient ensemble Ă  bavarder. Ça crĂ©ait une petite animation. » Mme Auger. Pour nous c’était utile, et en plus, c’est vrai que ça rendait service, mais on avait repĂ©rĂ© que c’était vraiment un petit lieu de vie, parce que tu vois les petites mĂšres qui sont chez elles, elles sont toutes seules, elles descendaient dans le hall, elles restaient une heure facilement Ă  parler aux voisines parce que y’avait la Poste, donc c’était le prĂ©texte du timbre ou quelques fois elles avaient juste une lettre Ă  poster, mais elles se parlaient, ça faisait des liens alors que maintenant y’a plus ça. » Mme Meira. 63MĂȘme si les habitants regrettent aussi de perdre une commoditĂ© », un confort de vie, pour eux, autour de ces Ă©changes commerciaux et/ou de services, d’autres dimensions sont Ă  prendre en compte. Ils constatent aujourd’hui avec la fermeture de la Poste que, peu Ă  peu, une forme de sociabilitĂ© qui existait autour de cet Ă©quipement partagĂ© a disparu. Ils en avaient dĂ©jĂ  pris la mesure par le passĂ© avec la disparition du taxiphone, quand les mĂ©nages se sont dotĂ©s de tĂ©lĂ©phones personnels. La file d’attente Ă©tait une occasion de prendre et de se donner des nouvelles, y compris sur la famille Ă©largie dont on venait de contacter un membre. 64À chaque fois qu’il y a une fermeture, le hall affiche comme un air d’abandon, il devient une sorte d’espace en friche. Les habitants ne regrettent pas le guichet de poste uniquement pour des raisons fonctionnelles depuis le dĂ©part de la postiĂšre, le hall paraĂźt dĂ©sertĂ©. L’entrĂ©e de l’immeuble n’est plus le lieu de convivialitĂ© d’antan, on ne s’y arrĂȘte plus pour discuter, il n’y a plus cette prĂ©sence permanente qui jouait aussi indirectement un rĂŽle de gardiennage Ă  l’entrĂ©e de l’immeuble. Mais le hall, il fait peur, les gens ne sont pas Ă  l’aise, enfin oui ils ont un sentiment d’insĂ©curitĂ©. Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour le rendre plus accueillant ? Et voilĂ , moi c’est cette impression que ça m’a donnĂ© quoi, je me suis dit que c’était dommage, ça lui enlĂšve encore un truc. Et puis ça lui donnait une petite vie, c’était sympa cette dame qui Ă©tait lĂ  tout le temps et qu’on finissait par connaĂźtre aussi, enfin c’est tout simple, mais c’était agrĂ©able
 » Mme Amary. Moi je me souviens que quand j’étais petite il y avait un bureau de presse en bas, c’était Ă  la place de la loge du gardien, lĂ  je pense que ça devait ĂȘtre un rĂ©el lieu de convivialitĂ©. Ce qui manque en bas c’est un commerce, quoi, c’est clair. » Mme AngĂ©lini. 65Mais croire que les choses vont rester en l’état, c’est compter sans le dynamisme de la vie sociale de la Maison Radieuse. Au moment de notre enquĂȘte, des idĂ©es circulent dĂ©jĂ  sur ce qui pourrait ĂȘtre fait pour rendre Ă  nouveau le hall plus hospitalier Non, y’a un autre projet de mettre dans le hall, soit dans le local du rĂ©gisseur, soit dans l’ancienne Poste, pour que les gens lĂ  prennent un cafĂ© et fassent un Scrabble, y’a un projet pour que les gens jouent ensemble, pour qu’on se rencontre [...] » Mme Meira. C’est ce qui est, d’ailleurs, plus ou moins en projet lĂ , d’installer diffĂ©rentes permanences dans la loge actuelle du gardien. Des permanences de l’association dans un premier temps, puisque, au sein de l’association, il suffit de deux ou trois bonnes volontĂ©s pour commencer, et puis peut-ĂȘtre Ă©tendre Ă  une permanence du bailleur. Ça pourrait ĂȘtre intĂ©ressant d’avoir quelqu’un de qui viendrait une demi-journĂ©e par semaine et puis les locataires pourraient poser leurs questions. » Mme Auger. 66En fait, dans l’annĂ©e qui a suivi la fermeture, dĂšs janvier 2004, une permanence a Ă©tĂ© ouverte dans l’ancien bureau du rĂ©gisseur. Dans le contexte de prĂ©paration du cinquantenaire et avec toute l’énergie des membres de l’association des habitants, le triste bureau gris aux armoires mĂ©talliques est transformĂ© en point d’accueil aux meubles colorĂ©s affichant des dessins d’enfants de la Maison Radieuse. L’association des habitants, Loire Atlantique Habitation et le syndic de co-propriĂ©tĂ© y assurent Ă  tour de rĂŽle un accueil. Selon les jours de la semaine, en fin de journĂ©e, on trouve rĂ©guliĂšrement soit des membres de l’association, soit le mĂ©diateur de la sociĂ©tĂ© HLM. 14 Journal de l’Association des Habitants de la Maison Radieuse. 67À la Maison Radieuse comme ailleurs, on voit apparaĂźtre ce nouveau type d’emploi, mĂ©diateur social ». Il reste dans le hall, mais peut aussi intervenir Ă  domicile pour ceux qui souhaitent garder l’anonymat. Dans le journal Ici Corbu de mars 200414, il est prĂ©cisĂ© Vous pouvez le consulter pour tout problĂšme de voisinage, il est Ă  mĂȘme d’intervenir dĂšs qu’un locataire LAH est en cause. Son but est de faire en sorte que les Ă©changes soient facilitĂ©s. » Il n’intervient pas pour tout ce qui relĂšve de l’aspect technique, c’est-Ă -dire ce qui est liĂ© aux logements et aux locaux eux-mĂȘmes, mais plutĂŽt pour tout ce qui est de l’ordre des relations sociales et en particulier quand il y a des frictions ou des diffĂ©rends entre habitants. Il fait une permanence de deux heures tous les quinze jours. Il semble donc qu’il n’y ait pas un besoin important ou/et que certaines tensions se rĂ©gulent en interne sachant que l’association des habitants joue certainement elle aussi un rĂŽle dans cette fonction. Mais mĂȘme si l’ambiance qui prĂ©domine est la convivialitĂ©, des tensions se manifestent parfois ce qui donne Ă  voir que les relations de voisinage ne sont pas toutes aisĂ©es. 68Quoi qu’il en soit, les espaces intermĂ©diaires et communs conçus pour remplir une fonction sociale reçoivent aussi une vie sociale qui dĂ©borde du cadre pensĂ©. Quand les lieux sont dĂ©saffectĂ©s par la fonction, ils ne sont pas corollairement dĂ©sertĂ©s par la vie sociale. Celle-ci s’adapte et prend d’autres formes. Si parfois, les habitants se plaignent de formes d’occupation, qu’ils jugent plus ou moins hostiles, comme le stationnement des jeunes dans le hall, il semble bien qu’à la Maison Radieuse une forme de rĂ©sistance collective s’organise pour maintenir la vie sociale et par consĂ©quent le lien social. Des rapports de voisinage socialement dĂ©terminĂ©s 15 Divers travaux de recherche montrent aussi que les relations de voisinage sont des pratiques social ... 69D’autres facteurs explicatifs de cette ambiance si particuliĂšre Ă  la Maison Radieuse sont en effet peut-ĂȘtre Ă  chercher dans la composition sociale de la population de l’immeuble. La Maison Radieuse prĂ©sente une certaine hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sociale, que ce soit de gĂ©nĂ©ration, d’appartenance sociale, de composition des familles. Or chacune de ces dimensions n'est pas pas sans effet sur les relations de voisinage15. De plus, le statut d’occupation du logement clive les habitants en deux groupes distincts les locataires et les propriĂ©taires. 70Le fait qu’il fasse bon vivre » dans cet immeuble pourrait alors ĂȘtre rapprochĂ© du fait que sa population prĂ©sente justement une certaine mixitĂ© sociale ». Ce rapprochement vient d’autant plus rapidement Ă  l’esprit que cette voie est actuellement explorĂ©e comme solution aux problĂšmes des quartiers ». 71Pour mesurer les effets de cette mixitĂ© sur les relations de voisinage, il faut mettre en Ă©vidence la maniĂšre dont s’articulent prĂ©cisĂ©ment les rapports entre les habitants. Mais dans un contexte oĂč la majoritĂ© d’entre eux donnent Ă  voir la convivialitĂ© » comme couleur dominante dans les relations sociales, cela n’a rien d’évident, d’autant plus qu’il peut s’agir d’un discours servant Ă  masquer d’autres relations. En fait, il y a plutĂŽt une superposition de diffĂ©rents types de relations, de diffĂ©rentes façons d’habiter dans l’immeuble mais aussi un dĂ©passement de certains clivages sociaux qui permettent de construire une cohĂ©sion sociale spĂ©cifique. 72La constitution du groupe d’habitants actuels s’inscrit dans les 50 annĂ©es d’histoire sociale de l’immeuble qui a produit une certaine diversitĂ© sociale. Les relations de voisinage ont forcĂ©ment Ă©voluĂ©, entre une Ă©poque oĂč il y avait une certaine homogĂ©nĂ©itĂ© sociale et une autre oĂč la population s’est diversifiĂ©e, entre une pĂ©riode oĂč tous les habitants ont vĂ©cu un mĂȘme processus d’intĂ©gration et la situation actuelle oĂč chacun des habitants a sa propre trajectoire rĂ©sidentielle et s’inscrit plus ou moins durablement dans cet immeuble. 16 Voir chapitre I. 73On trouve encore quelques habitants des premiĂšres annĂ©es ou leurs enfants. Anciens locataires-ccopĂ©rateurs, la majoritĂ© d’entre eux vit dĂ©sormais sous le statut de propriĂ©taire et quelques-uns ont encore celui de locataire. AprĂšs la loi Chalandon16 et le dĂ©part de beaucoup de ces primo-habitants, de nouveaux rĂ©sidents sont arrivĂ©s. Certains ont choisi de rester car cet immeuble leur a plu. Quelques-uns ont achetĂ© un appartement quand l’opportunitĂ© s’est prĂ©sentĂ©e, d’autres restent sous le statut de locataire. 74Les autres locataires ne souhaitent pas s’installer durablement au Corbusier. Une partie d’entre eux reste en attendant de trouver mieux ailleurs, en particulier avant d’accĂ©der Ă  la propriĂ©tĂ©. Enfin quelques habitants du logement social iraient bien ailleurs mais ne peuvent pas, faute de moyens ou de propositions des bailleurs sociaux. 75Ces quelques Ă©lĂ©ments indiquent dĂ©jĂ  que le clivage propriĂ©taire/locataire sera Ă  articuler avec l’anciennetĂ© de rĂ©sidence et le choix de rester vivre Ă  la Maison Radieuse, pour comprendre les relations qui s’établissent entre les habitants. 17 A. Degenne, Un langage pour l’étude des rĂ©seaux sociaux », dans Collectif, L’esprit des lieux. Lo ... 76Toutes les personnes que nous avons interrogĂ©es ont Ă©tĂ© sollicitĂ©es sur le thĂšme des relations qu’elles entretiennent avec leurs voisins. À partir de l’analyse de leurs propos, il est possible de caractĂ©riser trois autres types de relation, en plus de celui de la convivialitĂ© prĂ©cĂ©demment explicitĂ©, que nous appellerons limitĂ© », distant » et investi ». Ces comportements ne sont pas exclusifs les uns des autres, ils se combinent. Nous verrons que cette modĂšlisation a quelques points communs avec celle de Alain Degenne17 qui avait, Ă  partir de plusieurs monographies et d’une enquĂȘte spĂ©cifique, dĂ©gagĂ© trois principaux types de sociabilitĂ© locale les enracinĂ©s » qui ont un fort investissement dans la sociabilitĂ© du lieu associĂ© Ă  une forte interconnaissance, le traditionnel discret » se caractĂ©risant par une attitude de rĂ©serve vis-Ă -vis des voisins, et le nĂ©o-convivial » qui prend appui sur la vie associative et qui contrairement aux prĂ©cĂ©dents a des liens nombreux mais peu intenses. S’il y a des similitudes, nous observons cependant une vĂ©ritable spĂ©cificitĂ© liĂ©e Ă  l’immeuble qui a contribuĂ© Ă  façonner un type de relations de voisinage originales, notamment autour de l’association des habitants. 77Les personnes aux relations limitĂ©es » avec le voisinage sont identifiĂ©es comme celles qui ont le minimum de relations avec leurs voisins jamais un contact pour demander un service, jamais d’invitation, le minimum de mots Ă©changĂ©s, bonjour/bonsoir ». Les autres habitants de la Maison Radieuse estiment d’ailleurs qu’une telle attitude est plus voulue que subie Mais il faut aussi respecter la vie privĂ©e des gens. Il y a des gens qui souhaitent avoir des relations, d’autres qui n’en souhaitent pas. VoilĂ , c’est tout ! » M. Chatillon. 18 Il y a 29 studios de 23 m 2 et 45 logements de 2 piĂšces dans l’immeuble. 78Et de fait, une partie des habitants qui vit en retrait des autres et que nous avons identifiĂ©s dans notre enquĂȘte sont plutĂŽt des hommes, cĂ©libataires, sans enfant, jeunes et locataires qui vivent dans des petits appartements18. Il semble que leur vie sociale soit ailleurs. Ils habitent ici pour ĂȘtre Ă  proximitĂ© de leur travail, et certains disposent en fait d’un autre lieu de vie oĂč ils se rendent dĂšs qu’ils ont du temps libre. Ils vivent partiellement Ă  la Maison Radieuse. Moi, dans ma rue, le samedi et le dimanche, vous ne voyez personne, hein. Étant donnĂ© qu’il y a plein d’appartements, il y a plein de jeunes hommes seuls en plus. Bon, ben les week-ends ils rentrent chez eux. Oui, dans cette rue-lĂ , il n’y a pas des masses de monde pendant le week-end, hein. » Mme Poirel. 79L’autre partie des habitants ayant des relations limitĂ©es » avec les autres rĂ©sidents de la Maison Radieuse sont des propriĂ©taires, d’un Ăąge plus avancĂ©, qui vivent dans des logements un peu plus grands. À une Ă©poque, ils ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s Ă  la vie de l’immeuble, mais ils ont pris leur distance. MĂȘme s’ils gardent quelques liens avec d’autres anciens habitants, ils ont en fait investi un autre espace de vie, une rĂ©sidence secondaire en gĂ©nĂ©ral et ils vivent en alternance entre les deux endroits, en fonction de la saison. 80Donc, l’affirmation je n’ai pas de relation avec mes voisins » qui se vĂ©rifie Ă  travers l’absence de pratiques de voisinage, concerne des personnes qui choisissent de ne pas ou de peu s’investir dans la vie sociale au sein de la Maison Radieuse ou qui s’en sont dĂ©tachĂ©es, essentiellement en raison d’une utilisation Ă  temps partiel de leur logement. 81Les habitants de notre Ă©chantillon sans relations de voisinage ne semblent donc pas ĂȘtre des personnes confrontĂ©es Ă  un isolement social ou Ă  l’anonymat du grand ensemble. Et la raison de leur pratique asociale n’a pas forcĂ©ment de lien avec un rejet quelconque de leur environnement. Elle correspond plutĂŽt Ă  un nouveau mode de vie d’une partie de la population urbaine qui partage son temps entre deux rĂ©sidences. 82L’attitude distante » est similaire dans la pratique au comportement prĂ©cĂ©demment dĂ©crit, mais elle concerne les habitants qui rĂ©sident en permanence Ă  la Maison Radieuse et qui ont choisi volontairement d’instaurer un minimum d’échanges avec les autres on met une distance par rapport Ă  la proximitĂ© qui existe au Corbusier ». Parmi eux, il est possible de distinguer des degrĂ©s plus ou moins forts de cette mise Ă  distance. Ces habitants distants sont plutĂŽt jeunes et locataires. Leur installation dans cet immeuble est une Ă©tape qui s’inscrit dans une trajectoire rĂ©sidentielle. DĂšs leur arrivĂ©e, ils ont dĂ©jĂ  en ligne de mire un prochain dĂ©part, ce qui les conduit Ă  limiter leur investissement relationnel en interne qu’ils cantonnent Ă  des Ă©changes polis, courtois. Ils adoptent une attitude rĂ©duisant leurs relations de voisinage au strict minimum. Leur vie sociale amis, travail, loisirs est tournĂ©e vers l’extĂ©rieur de l’immeuble. Ils habitent ici en attendant de stabiliser leur situation sociale, de conforter un apport financier nĂ©cessaire pour rĂ©aliser le rĂȘve de l’accession Ă  la propriĂ©tĂ© et cela se traduit par un passage obligĂ© par le logement social. 19 P. H. Chombart de Lauwe, Famille et Habitation, t. 2, Un essai d’observation expĂ©rimentale, p. 250. 83Une des raisons qu’ils invoquent pour expliquer leur attitude distante est on cherche davantage Ă  ĂȘtre tranquille chez nous ». On y retrouve la prĂ©occupation de Le Corbusier cherchant Ă  prĂ©server l’intimitĂ© de la famille dans l’habitat collectif. À la fin des annĂ©es cinquante, les chercheurs avaient isolĂ© les mĂȘmes arguments de la part des habitants pour justifier la plus ou moins grande densitĂ© des contacts Nous avons fait le tour des opinions les plus nettes mais restent quantitĂ© de rĂ©ponses montrant la recherche d’un Ă©quilibre entre tranquillitĂ© et voisinage, l’autonomie nĂ©cessaire au foyer et la participation Ă  une vie collective en Ă©vitant trop d’histoires »19. 84C’est finalement une posture semi-distante » qui s’impose car ce n’est pas aussi Ă©vident que cela de tenir vĂ©ritablement Ă  distance les autres dans un contexte comme celui de la Maison Radieuse oĂč l’interconnaissance est forte. Une personne sur quatre dans notre Ă©chantillon affirme opter pour cette posture car la promiscuitĂ© qui existe au Corbu peut ĂȘtre un inconvĂ©nient ». — Est-ce que tu penses qu’ici tu rencontres plus de gens que
 ?— Alors oui mais en mĂȘme temps il y a un double tranchant, c’est-Ă -dire que les gens sont au courant de ta vie. [...] Parce que dĂšs que tu fais un faux-pas, moi j’ai une trĂšs mauvaise rĂ©putation ici. J’ai fait des faux-pas et ça y est, je suis grillĂ©e. [...] Des cancans, il y en a partout, mais ici ils sont plus forts. [...] Parce qu’il y a plus de monde, parce que ça circule plus Ă  cause de la proximitĂ©. Donc tu vois, c’est comme un serpent qui se mord la queue un peu, ça se retourne contre le truc. » Mme Mazelier. 85Presque un tiers des personnes justifient leur posture semi-distante » par le fait de se prĂ©server des commĂ©rages. Cet Ă©quilibre s’observe Ă  travers leurs pratiques. Ces habitants tout en affirmant le maintien d’une distance avec les autres habitants ont une vie sociale dans l’immeuble. Une femme interrogĂ©e signale qu’avec les enfants, toute la famille est tirĂ©e vers une sociabilitĂ© interne Ă  l’immeuble, mais elle en limite autant que possible la portĂ©e. Et du jour oĂč j’ai Ă©tĂ© enceinte, oĂč ça s’est vu vraiment, ça n’a plus du tout Ă©tĂ© les mĂȘmes rapports. [...] Et en fait maintenant, ce n’est plus du tout la mĂȘme chose. Et c’est vrai que c’est plutĂŽt agrĂ©able, Ă©videmment du coup, avec Nina [sa fille], ça facilite aussi les conversations. Elle s’arrĂȘte plus facilement que moi je ne m’arrĂȘte. Mais c’est vrai qu’une fois encore, on a un voisinage qui peut ĂȘtre trĂšs vite envahissant. On mettait vraiment des freins Ă  ça parce que c’était
 On s’est vite rendu compte qu’ils Ă©taient au courant d’absolument tout ce qui se passait chez nous. » Mme Hamon. 86Comme nous l’avons vu prĂ©cĂ©demment, l’enfant apparaĂźt comme un Ă©lĂ©ment fort d’intĂ©gration Ă  la vie de l’immeuble et cette habitante s’en protĂšge. Un autre habitant Ă©voque cette dynamique sociale qui l’entraĂźne malgrĂ© lui dans des relations plus suivies avec les autres habitants mais qui sont sans investissement affectif. Des relations assez courtoises sans
 ça ne passe pas en fait le stade de la
 des amis quoi, on n’a pas d’amis en fait ici. Mais on se rend trĂšs bien compte qu’il y a une vie extrĂȘmement forte socialement ici et qui est trĂšs importante. » M. Marlin. 87MĂȘme si cette dynamique peut les entraĂźner Ă  dĂ©passer leur rĂ©serve, cela ne fabrique pas forcĂ©ment une intĂ©gration Ă  la vie collective de l’immeuble, Ă  la participation aux rĂ©seaux de sociabilitĂ© liĂ©s Ă  la rĂ©sidence. Ces habitants semi-distants » ont une attitude passive, de non participation Ă  cette vie sociale. Ils sont en transit et ils n’ont pas de jugement nĂ©gatif sur leur environnement ; ils ne s’y investissent pas, c’est tout. Ils sont proches des traditionnels discrets » qu’A. Degenne met en Ă©vidence. Comme dans le cas des personnes aux relations limitĂ©es », leur attitude ne se veut pas dans la distinction par rapport aux autres, leur vie est ailleurs, mais il existe Ă  la Maison Radieuse une force de la vie collective, qui d’une certaine façon, les intĂšgre. 88Le dernier type de comportements repĂ©rĂ© est celui des habitants investis » dans les relations de voisinage. C’est un groupe socialement hĂ©tĂ©rogĂšne qui se caractĂ©rise majoritairement par le fait d’ĂȘtre proche de l’association des habitants. La comprĂ©hension de leur propos est complexe car ils combinent Ă  la fois une attitude de sĂ©grĂ©gation, c’est-Ă -dire un discours de diffĂ©renciation par rapport aux autres habitants, et d’agrĂ©gation, c’est-Ă -dire des pratiques constituant des liens, des rĂ©seaux avec les autres. Contrairement aux deux types prĂ©cĂ©dents, ils ne sont pas indiffĂ©rents Ă  leur environnement et ils participent activement Ă  la vie de l’immeuble. Mais en mĂȘme temps, ils mettent Ă  distance d’autres rĂ©sidants tout en prĂ©tendant qu’il n’y a pas de diffĂ©rences entre les habitants. Cette mise Ă  distance consiste tout autant Ă  se distinguer des propriĂ©taires qui vous snobent », que des locataires cas sociaux ». 89Quand le mal-ĂȘtre relĂšve du fait de vivre dans ce qui pourrait ĂȘtre assimilĂ© Ă  du logement social, ces habitants se plaignent du bruit, des voisins, de leurs comportements. Mais ça va avec ce que je vous disais, le cĂŽtĂ© provoc, la musique Ă  tue-tĂȘte
 On ne peut pas discuter avec les gens parce qu’on vous saute tout de suite dessus et puis voilĂ . Alors vous me direz que c’est peut-ĂȘtre partout pareil. Je ne dis pas que c’est propre au Corbusier, c’est propre aux lieux collectifs, je pense. Mais comme il y a Ă©normĂ©ment de monde ici, il y a 300 apparts, je pense. Enfin, vous devez mieux le savoir que moi. ça fait beaucoup de monde, c’est clair. [
] Maintenant, je pense que l’appartement va nous manquer. L’appartement et mes copines voisines, quoi. Pour le reste, ce que je vous disais ce qui ne va pas me manquer c’est tout l’aspect agression, quoi, qui, moi, me gĂȘne.» Mme Toniolo. 90Ils ne se sentent pas ou plus, particuliĂšrement bien Ă  la Maison Radieuse et envisagent de partir. Ce sont plutĂŽt des jeunes, locataires ou des propriĂ©taires en premiĂšre acquisition, tous d’un milieu social assez proche. Quel que soit leur statut dans le logement, ils s’inscrivent plutĂŽt en situation de mobilitĂ© rĂ©sidentielle. 91Les locataires tentent de stabiliser leur situation sociale, et ils font des Ă©conomies pour acheter une maison. Les propriĂ©taires dont on peut penser qu’ils occupent leur logement de façon plus durable, ne se voient pas vivre ici toute leur vie. Cet appartement est en fait une premiĂšre opportunitĂ©. Loire Atlantique Habitation a eu, Ă  plusieurs reprises, une politique de vente de ses logements. La sociĂ©tĂ© HLM les cĂ©dait aux locataires Ă  un tarif prĂ©fĂ©rentiel, dĂ©veloppant une politique d’accession Ă  la propriĂ©tĂ© pour la population qu’elle logeait. Ainsi des personnes logĂ©es par des bailleurs sociaux peuvent Ă  des conditions intĂ©ressantes accĂ©der Ă  la propriĂ©tĂ©. Certains jeunes en situation professionnelle prĂ©caire ont pu ainsi transformer leur loyer en remboursement de prĂȘt et commencer Ă  accumuler un capital qui leur permettra de passer Ă  l’étape suivante, l’achat d’une maison. 92Ces habitants tentent de tenir Ă  distance et de se distinguer d’une catĂ©gorie d’habitants avec lesquels ils estiment vivre dans une trop grande promiscuitĂ©. Le fait de vivre au mĂȘme endroit que des cas sociaux » ternit leur propre image. Ils ne sont pas hostiles Ă  tous les locataires. Mais ils constatent qu’il y a parmi les habitants HLM des personnes Ă  cĂŽtĂ© desquelles ce n’est pas facile de vivre. Il y a des inconvĂ©nients Ă  habiter au Corbu car il n’y a pas que des gens intĂ©ressants. » Mme Toniolo J’ai des voisins Ă  qui je ne dis pas bonjour car je sais comment ils vivent et je ne suis pas d’accord avec leur façon de vivre. » Mme VillĂšle. 93En termes de sociabilitĂ©, ils ont un rapport ambivalent. Ils sont Ă  la fois impliquĂ©s et distants. Ces propriĂ©taires et locataires investis dans les relations de voisinage font partie de l’association des habitants, ont des enfants et Ă©changent avec d’autres parents. Mais ils ne parlent pas Ă  n’importe qui, ils ne laissent pas leurs enfants sortir seuls car ils pourraient avoir de mauvaises frĂ©quentations. Cette mĂšre de famille envisage de quitter l’immeuble quand ses filles seront adolescentes Non, honnĂȘtement non, parce qu’en plus de ça moi je veux pas faire de sĂ©grĂ©gation au niveau du choix des copains et des copines, et tu vois, je me rends compte que je suis obligĂ©e d’en faire. Y’en a, j’ai pas du tout envie
 ma fille peut ĂȘtre attirĂ©e par des enfants, soit j’ai rien Ă  reprocher aux enfants mais j’ai pas du tout envie qu’elle aille chez eux parce que je sens pas du tout les parents. [...] et y’a des enfants
 Ouais j’ai pas du tout envie qu’elle passe son adolescence avec eux. Mais ça, je pense que c’est le problĂšme des citĂ©s, il faudrait que je sois constamment prĂ©sente, et justement c’est lĂ  que ma fille aurait des raisons de me dire tu commences Ă  me plaire et va voir ailleurs ! quoi
 » Mme Larcher. 94Ils mettent Ă  distance une rĂ©alitĂ© sociale qui les dĂ©range, qui ne correspond pas Ă  leur mode de vie. Ils ont une vie sociale interne Ă  l’immeuble mais des relations choisies et limitĂ©es et ils dĂ©veloppent Ă©galement des sociabilitĂ©s Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble. 95Ils ont une attitude volontaire dans le fait de tenir Ă  distance certains voisins. Ils dĂ©signent explicitement la situation sociale comme cause du rejet des voisins. Oui, ça va, sauf quand ils s’engueulent Ă  cĂŽtĂ©, je les entends, quoi. Ça c’est nul. Mais bon, ce serait dans n’importe quel appart, ce serait pareil, quoi. Mais j’en ai marre d’entendre des voisins s’engueuler. À chaque fois qu’ils s’engueulent, ça m’oppresse, enfin, tu vois ? Je n’aime pas, quoi, ça me bouleverse et je n’ai plus envie d’entendre ça. Et ça, dans une maison, tu ne l’entends pas. » Mme VillĂšle. 20 P. H. Chombart de Lauwe, Famille et Habitation, t. 2, Un essai d’observation expĂ©rimentale, p. 253. 96À la Maison Radieuse, les rĂ©serves Ă  l’encontre des voisins s’expriment comme partout ailleurs dans l’habitat collectif Ă  travers la gĂȘne, le dĂ©rangement qu’ils occasionnent en particulier au niveau du bruit. Cela renvoie plus Ă  la question de l’altĂ©ritĂ© qu’à un rĂ©el problĂšme d’insonorisation. Sur ce rapport au bruit, quelle que soit la pĂ©riode, tous les chercheurs sont d’accord. Pour P-H. Chombart de Lauwe, ce n’est pas une bonne isolation qui fait les relations. L’insonorisation, en diminuant les causes de tension, facilite le dĂ©veloppement d’une vie collective meilleure, mais ne crĂ©e Ă©videmment pas les relations. [...] Les occasions naturelles de rencontre dĂ©pendant beaucoup plus de l’équipement collectif dont disposent les habitants de la citĂ©20. » Et sur cet aspect, les unitĂ©s d’habitation ont fait leur preuve, mĂȘme celle de RezĂ© oĂč, comme nous l’avons vu, on a considĂ©rablement rĂ©duit cet aspect du projet en supprimant la rue marchande. 21 P. Bataille et D. Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation Maison Radieuse, juin 1990, p. 54. 97Dans ce mĂȘme immeuble aprĂšs trente ans d’utilisation, d’usage et d’usure, Philippe Bataille et Daniel Pinson affirment aussi que ce n’est pas une mauvaise isolation qui fait la dĂ©gradation des relations mais la population semble dĂ©sormais Ă©clatĂ©e, Ă©cartelĂ©e par ses origines sociales, des trajets rĂ©sidentiels, des statuts rĂ©sidentiels, des projets rĂ©sidentiels, des anciennetĂ©s rĂ©sidentielles profondĂ©ment diffĂ©rentes21 ». La Maison Radieuse est passĂ©e d’une situation oĂč la population Ă©tait homogĂšne socialement Ă  une situation oĂč elle s’est diversifiĂ©e, ce qui expliquerait le dĂ©veloppement de relations plus tendues. 22 J. -C. Chamboredon et M. Lemaire, ProximitĂ© spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et ... 98L’attitude prĂ©cĂ©demment dĂ©crite montre la difficultĂ© qu’éprouvent certains habitants Ă  vivre une situation dite de mixitĂ© sociale » qui est aussi une situation de proximitĂ© spatiale22. Ce sont les habitants les plus investis dans les relations internes Ă  l’immeuble qui expriment le plus leur mal-ĂȘtre en critiquant des habitants qui ne savent pas vivre en collectivitĂ© ». Ils se situent en ascension sociale et n’ont pas vraiment d’assurance sur leur avenir, pas de certitude sur le fait de pouvoir accĂ©der au rĂȘve pavillonnaire. Symboliquement, il s’agit de sortir de l’habitat social, du collectif HLM. La premiĂšre Ă©tape pour s’en sortir tout en y Ă©tant, c’est peut-ĂȘtre de dire qu’ici, ce n’est pas comme ailleurs. ParallĂšlement Ă  leurs critiques, Ă  leur envie de partir, ils valorisent l’immeuble Le Corbusier, la crĂ©ation d’un architecte, un endroit pas comme les autres, avec une ambiance et des habitants diffĂ©rents. 23 Le documentaire de Christian Rouaud, intitulĂ© Dans la Maison Radieuse » et diffusĂ© sur France 3, ... 99Toute l’ambivalence de la situation est rĂ©introduite dans les relations sociales entre habitants. Vivre au Corbusier permet un certain brouillage car l’immeuble est aujourd’hui Ă  la fois de l’habitat social et porteur, depuis sa conception, de promotion par l’accession Ă  la propriĂ©tĂ©. La difficultĂ© pour certains jeunes propriĂ©taires est peut-ĂȘtre de se retrouver extrĂȘmement proches de la rĂ©alitĂ© Ă  laquelle ils aspirent Ă  Ă©chapper, et pour les locataires qui se voient en futurs accĂ©dants Ă  la propriĂ©tĂ©, de cĂŽtoyer un rĂȘve qu’ils n’ont pas encore atteint. Parfois ils se sentent snobĂ©s » par d’autres habitants. Ils interprĂštent cette attitude Ă  travers la diffĂ©rence locataire/propriĂ©taire. Ils sont atteints dans leur dignitĂ© par un tel comportement et ils sont tentĂ©s de rĂ©pliquer Ă  ceux qui font les fiers », qu’ils ne doivent pas valoir tellement plus qu’eux puisqu’ils vivent tous ensemble dans le mĂȘme endroit. Cette tension entre habitants s’explique par rapport aux reprĂ©sentations qu’ils ont d’un certain ordre social, une hiĂ©rarchie au sein de laquelle chacun aspire Ă  progresser et il y a une marche qui se situe autour du clivage propriĂ©taire/locataire23. 100Les locataires investis dans la vie interne Ă  l’immeuble vivent cette tension plus que les propriĂ©taires qui n’éprouvent pas ce sentiment d’illĂ©gitimitĂ©, plus que ceux qui sont prĂ©sents Ă©pisodiquement Ă  la Maison Radieuse ou qui gardent leurs distances. Et c’est peut-ĂȘtre ces deux premiers types d’attitudes qui donnent aux locataires investis l’impression d’ĂȘtre snobĂ©s », alors que nous l’avons vu, ces attitudes correspondent plus Ă  des modes de vie urbains qu’à un rapport aux autres. 101Cette typologie des attitudes permet de dĂ©passer une contradiction qui se lit d’emblĂ©e dans les donnĂ©es. Un tiers des personnes interrogĂ©es fait rĂ©fĂ©rence Ă  la distinction propriĂ©taire/locataire Ă  propos de la façon dont les relations s’établissent entre habitants et une proportion identique, parfois les mĂȘmes, disent qu’il n’y a pas de diffĂ©rence. 24 J. Guibert, Les locataires de la Maison Radieuse, opinions et pratiques, LERSCO, Nantes, 1987. 102Il existe des rĂ©seaux de sociabilitĂ© liĂ©s Ă  l’anciennetĂ© de rĂ©sidence. Or si les propriĂ©taires sont plus stables que les locataires, il existe aussi, dans cet immeuble, des locataires prĂ©sents depuis plus longtemps que certains nouveaux propriĂ©taires. 42 % des locataires interrogĂ©s par JoĂ«l Guibert en 198724 habitaient la Maison Radieuse depuis plus de 10 ans alors qu’il s’agissait d’une pĂ©riode de forte rotation parmi les locataires en raison des travaux de rĂ©novation des logements HLM. 103MĂȘme s’il existe quelques attitudes individuelles de sĂ©grĂ©gation, l’organisation spatiale et sociale de la Maison Radieuse a rĂ©sistĂ© au fait qu’une coupure nette puisse s’établir autour de la distinction locataire/propriĂ©taire. La population est mixĂ©e, il n’y a pas des rues de propriĂ©taires ou des bouts de rues de propriĂ©taires ou des bouts de rues de locataires. » Mme Auger. 104Depuis 1971, la sociĂ©tĂ© HLM est propriĂ©taire majoritaire, la rĂ©partition entre propriĂ©tĂ©s individuelles et logements sociaux s’est rééquilibrĂ©e peu Ă  peu en faveur des premiĂšres. Les propriĂ©taires sont dissĂ©minĂ©s dans l’ensemble de l’immeuble, mĂȘme si les rues situĂ©es en haut ont plus attirĂ© les acquĂ©reurs en raison de leur situation et de la taille des appartements. Pourtant, il serait faux de faire croire Ă  un Ă©quilibre parfait, bien qu’elle soit diffuse, il y a quand mĂȘme Ă  l’intĂ©rieur de l’immeuble, une organisation sociale de la rĂ©partition spatiale. Non, je connais pas mal de monde [
] beaucoup Ă  la quatriĂšme, entre la quatre, la cinq et la six. Les meilleures rues d’ailleurs. Je pense qu’on peut dire ça, au niveau de la frĂ©quentation, c’est les rues les plus calmes. Il y a des rues mal famĂ©es, la deux n’est pas trĂšs bien
 Elle n’est pas gĂ©niale la deux. » Mme Auger. 105Cette habitante propose un classement en diffĂ©rentes catĂ©gories qui permet de retrouver l’idĂ©e d’une diffĂ©renciation en interne. 25 P. H. Chombart de Lauwe, Famille et Habitation, t. 2, Un essai d’observation expĂ©rimentale, p. 256. 106D’aprĂšs P-H. Chombart de Lauwe25 un processus de sĂ©grĂ©gation a commencĂ© dĂšs le dĂ©but dans les grands ensembles qu’il a Ă©tudiĂ©s Il semblerait que, selon un processus dĂ©jĂ  observĂ© dans d’autres citĂ©s, une lente sĂ©grĂ©gation s’opĂšre par le dĂ©part, puis l’arrivĂ©e, des familles de catĂ©gories socioprofessionnelles diffĂ©rentes. La CitĂ© de la Plaine tendrait Ă  devenir ouvriĂšre [...] À la Maison Radieuse au contraire, le nombre des ouvriers diminuerait par rapport aux autres catĂ©gories socioprofessionnelles. Ce qui se produit Ă  l’échelle des citĂ©s entiĂšres semble jouer Ă©galement Ă  l’intĂ©rieur de celles-ci. De fortes pressions s’exercent pour opĂ©rer une sĂ©grĂ©gation par bĂątiment ou par rue dans le cas de la citĂ© Radieuse. » Donc, s’il y a un phĂ©nomĂšne de sĂ©grĂ©gation interne Ă  l’immeuble, il serait amorcĂ© dĂšs la premiĂšre phase de peuplement. Mais ce processus n’a pas pu aller jusqu’à son terme puisque la loi Chalandon est venu perturber le jeu social en imposant aux habitants de se dĂ©terminer comme acquĂ©reur ou non de leur logement. 107Tous n’étaient pas en capacitĂ© financiĂšre d’acheter leur logement au moment imposĂ©. Ceux qui avaient le plus de possibilitĂ©, les plus nantis, ont peut-ĂȘtre choisi alors la maison individuelle puisque le dĂ©but des annĂ©es soixante-dix est marquĂ© par l’explosion du pavillonnaire comme modĂšle dominant de l’accession Ă  la propriĂ©tĂ©. C’est Ă  ce moment-lĂ  que s’est opĂ©rĂ© vĂ©ritablement un clivage entre les habitants, modifiant la cohĂ©sion du groupe initial. Tout d’abord entre ceux qui partent et ceux qui restent, et c’est seulement ces derniers qui nous intĂ©ressent ici. En restant, que ce soit sous le statut de locataire ou de propriĂ©taire, ils ont ƓuvrĂ© pour maintenir et transmettre l’esprit qui existait au dĂ©part, l’unitĂ© qu’ils avaient vĂ©cue et, malgrĂ© les changements sociaux, leur fidĂ©litĂ© Ă  la Maison Radieuse a certainement contribuĂ© Ă  faire de la vie sociale de cet immeuble ce qu’elle est aujourd’hui. 108Les habitants interrogĂ©s lors de notre enquĂȘte relatent majoritairement une rĂ©elle convivialitĂ© Ă  la Maison Radieuse qu’ils identifient comme spĂ©cifique, et mĂȘme les habitants aux relations limitĂ©es, distantes ou sĂ©grĂ©gatives ne la renient pas. Les attitudes des habitants entre eux sont d’emblĂ©e inscrites dans ce climat a priori positif et communicatif, cependant il convient de nuancer et de montrer que la Maison Radieuse n’est pas un Ăźlot coupĂ© des rĂ©alitĂ©s sociales mĂȘme si les Ă©volutions sociales, les problĂšmes sociaux n’ont pas rĂ©ussi Ă  dĂ©naturer complĂštement le projet initial. 109Cette cohabitation rĂ©ussie et plus harmonieuse qu’ailleurs se donne Ă  lire et s’explique peut-ĂȘtre parce que le projet dans son ensemble c’est-Ă -dire Ă  la fois architectural et social, a Ă©tĂ© et est toujours dĂ©fendu par les acteurs sociaux, dont les habitants et en particulier par ceux qui sont regroupĂ©s au sein de l’association des habitants. Le contexte socio-Ă©conomique a changĂ©, la population a changĂ©, tout le monde n’est pas Ă©galement investi dans la vie collective, associative, mais il reste dans les relations quotidiennes entre les habitants une habitude, un esprit qui a Ă©tĂ© transmis et qui se manifeste Ă  travers une ambiance propre au Corbu ». La dynamique sociale d’une vie collective a traversĂ© les dĂ©cennies et a rĂ©ussi Ă  se maintenir y compris dans des moments de profonde restructuration. Il semble que l’histoire et les activitĂ©s de l’Association des Habitants de la Maison Radieuse Ă©clairent cette rĂ©alitĂ©. L’ASSOCIATION DES HABITANTS DE LA MAISON RADIEUSE 110Les associations formalisent et construisent du lien social. Les travaux de recherche en sciences sociales qui se sont multipliĂ©s autour de la cĂ©lĂ©bration du centenaire de la loi 1901 l’ont largement montrĂ©. Et le tissu associatif apparaĂźt aujourd’hui toujours dynamique, mĂȘme si certains dĂ©plorent la montĂ©e de l’individualisme et la fin de la vie collective. D’une trĂšs grande diversitĂ©, les associations couvrent une multitude d’aspects de la vie sociale en s’adaptant aux Ă©volutions sociĂ©tales loisirs, culture, sport, Ă©ducation, santĂ©, environnement, consommation, cadre de vie, usagers
 C’est par des associations ou des comitĂ©s de quartier, par exemple, que les habitants se saisissent de toutes sortes de problĂšmes relatifs Ă  leur lieu de rĂ©sidence, du raccordement au tout-Ă -l’égout au bus de nuit qui ne vient pas jusqu’à chez eux
 111L’Association des Habitants de la Maison Radieuse AHMR participe de cette logique et son histoire et sa raison d’ĂȘtre sont Ă©troitement liĂ©es Ă  l’immeuble. Si la Maison Radieuse est un village, alors une association, l’AHMR, en est l’ñme collective. Cette particularitĂ© est d’autant plus remarquable que les quatre autres unitĂ©s d’habitation de grandeur conforme de Le Corbusier ont aussi leur association. Toutes ces associations fonctionnement depuis longtemps en rĂ©seau d’échanges et de solidaritĂ© pour dĂ©fendre l’intĂ©gritĂ© de leurs immeubles. Leurs membres s’invitent, s’hĂ©bergent mutuellement autour des Ă©vĂ©nements cĂ©lĂ©brant l’Ɠuvre de Le Corbusier. Une fĂ©dĂ©ration regroupant les associations de Marseille, Briey-la-ForĂȘt, Firminy, RezĂ© et Berlin est en gestation. 112Ces associations existent parce que ces immeubles existent et elles se fĂ©dĂšrent sur un point commun essentiel, l’aspect patrimonial des unitĂ©s. Mais elles ont chacune leur histoire et leur spĂ©cificitĂ© imbriquĂ©e avec l’histoire de leur propre immeuble implantĂ© dans un environnement local particulier. Leur spĂ©cificitĂ© tient aussi Ă  la composition sociale de l’unitĂ© et, dans l’immeuble, Ă  la fraction d’habitants qui s’y investit marquant les sociabilitĂ©s collectives d’une orientation ou d’une autre en fonction des pĂ©riodes. 113À RezĂ©, l’association des habitants est nĂ©e lorsque que l’immeuble sortait de terre. Avant mĂȘme d’y habiter, les locataires-coopĂ©rateurs qui avaient rĂ©servĂ© leur futur logement se rĂ©unissaient et commençaient Ă  construire leur future vie collective ! Les premiers habitants se sont complĂštement appropriĂ© le projet, au point de souhaiter un fonctionnement indĂ©pendant de la Maison Familiale, la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative privĂ©e d’habitations Ă  loyer modĂ©rĂ©, qui a portĂ© le projet. Comment expliquer un tel engouement ? Il semblerait que le projet Le Corbusier rencontrait ici un terreau, un tissu social favorable. DiffĂ©rents Ă©lĂ©ments du contexte social et local nantais dans lequel s’inscrit le projet de l’unitĂ© d’habitation de Nantes-RezĂ©, permettent d’éclairer cette particularitĂ©. 26 J. -P. Le Goff, mai 1968, l’hĂ©ritage impossible, Ă©d. La DĂ©couverte & Syros, Paris, 1998, 2002, p. 2 ... 114Dans les annĂ©es soixante-dix, le modĂšle de location coopĂ©rative flirte avec celui de l’autogestion. La naissance de la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative Maison Radieuse » s’inscrit certainement dans l’ensemble du mouvement social de ce temps, portĂ© dans l’Ouest de la France par les courants humanistes et chrĂ©tiens26 et prĂ©disposant les habitants Ă  cette action collective. Les pratiques sont virulentes avec des engagements dans des rapports de force qui construisent des liens intenses, en particulier dans l’action. La loi Chalandon en 1971 donne un coup d’arrĂȘt brutal au dĂ©veloppement de ce modĂšle qui, aprĂšs un temps de rĂ©sistance, finira par s’effriter au milieu des annĂ©es soixante-dix. 115L’association s’adapte. Elle se replie sur les activitĂ©s d’animation et parvient Ă  les maintenir malgrĂ© un recul de l’engagement des habitants. De nouveaux habitants arrivent, marquĂ©s par un contexte oĂč le chĂŽmage est de plus en plus prĂ©gnant. L’association tente de rĂ©pondre et d’encadrer ces changements sociaux et leurs effets dans l’immeuble. D’autres interlocuteurs, le syndic de co-propriĂ©tĂ©, Loire-Atlantique-Habitation, des associations de locataires, entrent en scĂšne et participent Ă  la construction de la vie collective, Ă  la gestion de l’immeuble. Entre effritement et diversification des sociabilitĂ©s, nous verrons comment la vie collective organisĂ©e au sein de l’immeuble se transforme. Des habitants militants 116Pour comprendre la constitution de cette association, sa composition sociale et son Ă©volution, il faut la situer dans le contexte global de son environnement politique, Ă©conomique et social, Ă  la fois national et local, pour expliquer ce qui se passe Ă  ce niveau micro-social. 117Comme on l’a vu dans le chapitre I, le projet d’unitĂ© de grandeur conforme est portĂ© Ă  RezĂ© par une petite sociĂ©tĂ© d’habitat social, la Maison Familiale. Le projet de cette construction est soutenu par des organismes sociaux comme la Caisse d’Allocation Familiale CAF qui donnent d’emblĂ©e au projet une coloration sociale particuliĂšre. Ces organismes sociaux sont gĂ©rĂ©s par des administrateurs issus d’organisations reprĂ©sentatives des employeurs et du mouvement ouvrier parmi lesquelles des catholiques qui vont jouer un rĂŽle important dans la vie locale, voire nationale. 27 G. Noiriel, Les ouvriers dans la sociĂ©tĂ© française, XIX-XXe siĂšcle, Ă©d. du Seuil, Paris, 1986, p. 1 ... 118Le monde ouvrier dans l’immĂ©diat aprĂšs-guerre est en effet partie prenante de la reconstruction de la France, tant au niveau matĂ©riel, avec la remise en marche de l’ensemble de l’appareil productif, qu’au niveau social. D’ailleurs, les travailleurs de la grande industrie sont portĂ©s aux nues pendant les annĂ©es de reconstruction, parce que le pays a besoin d’eux pour se remettre du cyclone. Et c’est pourquoi on leur accorde nombre d’avantages “statut des mineurs et des dockers, sĂ©curitĂ© sociale, ». Les syndicats crĂ©eront ou consolideront les organismes sociaux, publics ou parapublics, dont la CAF fait partie, et participeront Ă  la reconstruction sociale Ă  travers leur gestion paritaire. 28 N. Roux, Sociologie du monde politique d’ouvriers de l’Ouest, Ă©d. L’Harmattan, Paris, 2002. 119Le mouvement syndical nantais offre une certaine pluralitĂ© de forces en prĂ©sence. Nantes est une ville ouvriĂšre situĂ©e au cƓur d’une rĂ©gion Ă  la fois agricole et industrielle, plutĂŽt conservatrice. Sur ce territoire se juxtaposent des mondes ouvriers, les uns ruraux, encore ouvriers-paysans et les autres urbains, ouvriers de l’industrie lourde. Lors de la phase d’exode rurale des annĂ©es 50-60, les premiers vont venir renforcer les rangs des seconds et tous vont cohabiter dans la ville. Les uns, enracinĂ©s en ville, sont marquĂ©s par une socialisation ouvriĂšre, voire de classe, et les autres, immigrants, ont reçu une Ă©ducation catholique. Dans ce contexte ouvrier, la CFTC trouve une audience significative dans de nombreuses entreprises nantaises. Ce monde ouvrier nantais caractĂ©risĂ© par sa diversitĂ© sociale et syndicale28 va se retrouver dans les organismes sociaux paritaires. 29 J. Ancelin, L’action sociale familiale et les caisses d’Allocations familiales. Un siĂšcle d’histoir ... 30 A. Bovar, Emile DecrĂ©, un grand commerçant chrĂ©tien, Ă©d. SiloĂ©-KerdoĂ©, Paris, 2003. 31 P. Saddy, Le pĂšre de la Maison Radieuse », entretien avec Gabriel ChĂ©reau, Revue 303, revue de la ... 120La Caisse d’Allocation Familiale29 est donc un de ces organismes sociaux Ă  gestion paritaire qui contribue Ă  la reconstruction sociale. Elle est chargĂ©e de tout ce qui concerne les aides sociales aux familles et la qualitĂ© de leur hĂ©bergement fait partie de ses prĂ©rogatives. Localement, outre la CGT et la CGT-FO, la CFTC y occupe une place non nĂ©gligeable. On y trouve Ă©galement des reprĂ©sentants des employeurs, comme Émile DecrĂ©30 et aussi Gabriel ChĂ©reau, avocat nantais spĂ©cialiste du droit maritime et avocat de Le Corbusier31. 32 Entretien rĂ©alisĂ© le 10 octobre 2003 avec Jacques Gauducheau. 33 H. Puel, Économie et humanisme dans le mouvement de la modernitĂ©, Paris, 2004. 34 Le Corbusier est lui aussi proche des dominicains, il rĂ©alisera pour eux le couvent de la Tourette, ... 121Dans un contexte de pĂ©nurie de logements, pour mieux orienter son action, la commission logement de la CAF commande un diagnostic et contacte un cabinet d’étude créé par Jacques Gauducheau32 qui deviendra par la suite directeur de la Maison Familiale. Jacques Gauducheau remet un rapport oĂč il prĂ©conise comme solution pour rĂ©pondre aux besoins de logements, la formule coopĂ©rative qui lui est inspirĂ©e par les formations qu’il a suivies auprĂšs du mouvement Économie et humanisme33 fondĂ© en 1942 par le dominicain, Louis Joseph Lebret 1897-196634. Lors de son diagnostic, Jacques Gauducheau a repĂ©rĂ© un organisme possible pour porter le projet coopĂ©ratif la Maison Familiale MF. 122La Maison Familiale est une SociĂ©tĂ© CoopĂ©rative PrivĂ©e d’Habitations Ă  loyer ModĂ©rĂ©, fondĂ©e en 1911. Son conseil d’administration est composĂ© des reprĂ©sentants au titre de la Caisse d’Allocation Familiale des employeurs, des travailleurs indĂ©pendants, des salariĂ©s appartenant aux trois centrales syndicales et aux associations familiales. Cette ancienne structure endormie » a pour but de favoriser par les moyens les plus divers l’accession Ă  la propriĂ©tĂ© de leurs logements par les travailleurs de Loire-InfĂ©rieure ». Elle sera rĂ©activĂ©e par les militants de la CFTC. Pour le projet de l’unitĂ© d’habitation de grandeur conforme, la CAF y dĂ©lĂšguera plusieurs administrateurs dont MaĂźtre ChĂ©reau. 123Dans cette ville de l’Ouest de la France marquĂ©e par son attachement religieux, des catholiques engagĂ©s, que ce soit au niveau du syndicalisme ouvrier chrĂ©tien ou des dĂ©cideurs provenant de la branche humaniste et progressiste de ce milieu, ont créé le projet de location coopĂ©rative de l’unitĂ© d’habitation de Nantes-RezĂ© pour loger les travailleurs » en s’appuyant sur les organismes sociaux oĂč ils Ă©taient reprĂ©sentĂ©s. Ce projet a rencontrĂ© celui de Le Corbusier, Gabriel ChĂ©reau a fait le lien comme on l’a vu au premier chapitre, mais dĂ©jĂ  un ensemble de conditions, de concordances Ă©taient rĂ©unies pour que la rencontre ait lieu. 124Au-delĂ  des dĂ©cideurs, il fallait aussi que le projet rencontre les habitants, c’est-Ă -dire les persuade de l’intĂ©rĂȘt de s’y investir et d’y consacrer un apport financier. DĂšs 1952, le document d’appel ou de promotion de l’unitĂ© d’habitation est diffusĂ© par la Maison Familiale et s’adresse aux particuliers, dont les allocataires de la CAF qui bĂ©nĂ©ficient de conditions particuliĂšres, et aux employeurs. La sociĂ©tĂ© coopĂ©rative doit trouver 15 % du montant global du projet, l’État ne le finançant qu’à hauteur de 85 %. La MF incite donc le plus tĂŽt possible de futurs sociĂ©taires Ă  rĂ©server leur logement. Ce document a vraisemblablement Ă©tĂ© relayĂ© par les diffĂ©rents membres du conseil d’administration de la MF auprĂšs de leurs organisations respectives, les syndicats et les associations familiales, dont certaines participent au mouvement catholique. La CAF qui est, elle aussi, partie prenante du projet, l’a relayĂ© auprĂšs de ses administrateurs, dont les reprĂ©sentants du mouvement ouvrier nantais, et de ses allocataires. 35 B. BretonniĂšre, F. Colson et J-C. LebossĂ©, Bernard Tharreau, militant paysan, Ă©d. de l’Atelier, Par ... 125Par ce mode de diffusion et de promotion, par son contenu, l’accĂšs progressif Ă  la propriĂ©tĂ© coopĂ©rative de son logement », l’appel a pu toucher nombre de candidats au logement appartenant aux divers rĂ©seaux militants. Ainsi une partie des futurs habitants qui a pu s’approprier ce projet Ă©volue dans un univers social sous influence du mouvement ouvrier catholique local incarnĂ© par des figures emblĂ©matiques comme Gilbert Declercq 1920-2004 pour les ouvriers, et Bernard Lambert 1931-1984 pour les paysans-travailleurs. Eux-mĂȘmes sont issus des mouvements de jeunesse catholiques, JOC et JAC Jeunesse OuvriĂšre ChrĂ©tienne et Jeunesse Agricole ChrĂ©tienne qui ont socialisĂ© nombre de jeunes ouvriers et paysans, qui relaient ensuite l’idĂ©al d’un humanisme et d’un progressisme social Ă  travers leur engagement syndical. Dans ce mouvement, le pragmatisme social est le moteur de l’action. Et le projet de location-coopĂ©rative de logements fait Ă©cho au modĂšle d’organisation de la sociĂ©tĂ© qu’ils prĂ©conisent dans les secteurs de production. Ces ouvriers et ces paysans dĂ©fendent toutes les formes d’auto-organisation collective du travail, et par consĂ©quent les logiques coopĂ©ratives, que ce soit dans les secteurs de production secondaire ou primaire comme la coopĂ©rative agricole la CANA d’Ancenis35 qui se dĂ©veloppent en Loire-Atlantique. Le modĂšle coopĂ©ratif diffusĂ© et expĂ©rimentĂ©, lors de cette pĂ©riode, est portĂ© par des univers sociaux oĂč le syndicalisme prime sur le politique, oĂč le pragmatisme social prime sur l’économique. 36 J. Ancelin, L’action sociale familiale et les caisses d’Allocations familiales. Un siĂšcle d’histoir ... 126Ainsi, il est probable qu’une partie des futurs habitants de l’unitĂ© d’habitation proviennent de cet univers du mouvement ouvrier local et, parmi eux, de la frange supĂ©rieure qui a la capacitĂ© de fournir un apport financier initial. D’aprĂšs J. Ancelin36, la politique de la CAF Ă  l’époque ne s’adresse pas aux moins nantis et favorise l’accession Ă  la propriĂ©tĂ© Ainsi, au cours des dĂ©cennies suivant la fin de la guerre, le champ de compĂ©tence des CAF s’étend considĂ©rablement. AffectĂ©e principalement Ă  l’accession Ă  la propriĂ©tĂ©, l’aide au logement est considĂ©rĂ©e comme facteur de promotion sociale. Elle reprĂ©sente, en 1957, le tiers des dĂ©penses des caisses ». 37 P. Bataille, D. Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation, Maison Radieuse, Plan Construction et Arc ... 38 Archives non classĂ©es, non inventoriĂ©es du syndic de co-propriĂ©tĂ©. 127Les premiers habitants qui entrent le 15 mars 1955 ont donc un profil d’ouvriers et surtout d’employĂ©s, voire de fonctionnaires, plutĂŽt qualifiĂ©s, bĂ©nĂ©ficiant d’un statut stable. Si l’immeuble contient un tissu social populaire, c’est malgrĂ© tout dans le haut du panier qu’il recrute37. » Sur le plan d’attribution des logements, consultĂ© dans les archives du syndic de co-propriĂ©tĂ©38, en plus des noms des habitants figurent des mentions comme DecrĂ© », PTT » montrant que des employeurs ont rĂ©pondu Ă  la proposition de la MF. Les premiers occupants de la Maison Radieuse constituent une population socialement homogĂšne, dans laquelle des militants proches des organisations collectives, syndicats et associations, sont prĂ©sents. Ils sont tous convaincus par l’idĂ©e de coopĂ©rative comme modĂšle alternatif d’accession Ă  la propriĂ©tĂ© Ă©tant donnĂ© leurs moyens. Tous ces Ă©lĂ©ments permettent de supposer qu’ils sont prĂȘts Ă  recevoir le projet tel qu’il est portĂ© et conçu, prĂȘts Ă  se l’approprier et prĂȘts Ă  l’investir, au moins dans sa dimension de gestion collective. 39 L’association dispose d’un fond d’archives non inventoriĂ©. Une lecture de l’ensemble des documents ... 128Et l’on voit en effet que les locataires-coopĂ©rateurs se sentent concernĂ©s par leur futur logis. DĂšs l’hiver 54, quelques futurs habitants se rĂ©unissaient pour Ă©tudier les problĂšmes pratiques de la future collectivitĂ©39 ». TrĂšs vite, ils se mĂȘlent » de tout un ensemble de problĂšmes, que ce soit des questions techniques liĂ©es Ă  la rĂ©alisation de cet immeuble, des questions de gestion ou de l’animation de la vie collective et ils tiennent Ă  ce que l’on prenne en compte leur point de vue. De façon plus ou moins formelle, ils rencontrent les architectes de l’atelier et les gestionnaires de la Maison Familiale. 129Ces premiers contacts constituent l’embryon du regroupement des habitants, mais il faudra attendre qu’ils emmĂ©nagent pour que l’organisation se dote de statuts. À peine trois semaines aprĂšs l’emmĂ©nagement des premiers habitants, une premiĂšre Ă©quipe constitue un bureau provisoire. L’ordre du jour comprend des questions aussi diverses que transport public avec Nantes, laverie, amĂ©nagement du parc, protection de l’étang, programme de l’inauguration fixĂ© au 29 juin, nom de l’immeuble, lavage des vitres, concierge-rĂ©ceptionniste ». Cette premiĂšre liste permet de mesurer l’étendue des questions qui intĂ©ressent collectivement les habitants et qui se rĂ©vĂšlent ĂȘtre des prĂ©occupations prises en compte par Le Corbusier dans la conception de son projet. 130Par exemple, en ce qui concerne le dĂ©senclavement de l’immeuble par rapport au transport urbain, l’urbaniste Le Corbusier concevait des dessertes de transport collectif pour ses citĂ©s radieuses ». L’argumentaire de promotion de l’unitĂ© d’habitation indique que Le centre de Nantes est Ă  moins de 10 minutes d’autobus ». Dans la rĂ©alitĂ©, les habitants devront se mobiliser pour obtenir d’ĂȘtre reliĂ©s Ă  Nantes avec des cadences suffisantes. 131Pour ce qui est du dĂ©veloppement des services internes, si un certain nombre de services sont prĂ©vus par le projet de l’architecte, ils ne sont pas encore tous organisĂ©s. La sociĂ©tĂ© coopĂ©rative MF en a programmĂ© quelques-uns autour de la gestion et de l’entretien de l’immeuble, mais un certain nombre de demandes des habitants seront laissĂ©es Ă  l’initiative et Ă  la charge de la future association. 132Dans l’attention que les habitants portent Ă  la qualitĂ© des espaces communs extĂ©rieurs, on reconnaĂźt la conception de l’architecte. Le pied de l’immeuble ressemble encore Ă  une sorte de terrain vague d’aprĂšs chantier, mais trĂšs vite les habitants vont avoir toutes sortes de projets pour l’amĂ©nager et le vivre comme espace de respiration. 133Enfin ce groupe d’habitants prĂ©parent l’inauguration et la fĂȘte qui y sera associĂ©e durant laquelle, en prĂ©sence de Le Corbusier, on baptisera l’immeuble Maison Radieuse » sur proposition des habitants totalement approuvĂ©s par le concepteur. Par cette manifestation, les habitants montrent combien ils se sont appropriĂ©s le projet qui leur permet d’accĂ©der Ă  un confort enviable. 134Tous les ingrĂ©dients de la future vie collective sont lĂ . Les habitants vont sans cesse solliciter la Maison Familiale sur toutes sortes de problĂšmes. L’association dispose des premiers cahiers de rĂ©unions qui ont gardĂ© la trace de ces rencontres et des discussions engagĂ©es avec le maĂźtre d’ouvrage souvent reprĂ©sentĂ© au dĂ©part par son directeur M. Gauducheau et son conseiller MaĂźtre ChĂ©reau. L’ordre du jour d’une de ces rĂ©unions propose par exemple gestion de l’immeuble le rapport entre l’association des habitants et la Maison Familiale, charges locatives, visites organisĂ©es et inauguration du 2 juillet ». Avant mĂȘme la crĂ©ation de l’association, se pose la question de la co-gestion entre les habitants et la MF. 135Avant mĂȘme de l’habiter, les habitants s’approprient collectivement le projet Le Corbusier rĂ©alisĂ© par la Maison Familiale. Le statut de location coopĂ©rative et le profil social des habitants contribuent Ă  cette entente entre l’unitĂ© d’habitation et ceux qui vont y vivre. Le projet de la Maison Familiale qui consiste Ă  faire de l’habitat social de qualitĂ© et du collectif plutĂŽt que de l’individuel correspond Ă  ce que prĂ©conise Le Corbusier. L’aspect location-coopĂ©rative rĂ©pond Ă  une aspiration dans une frange de la population qui se laisse aussi convaincre par la qualitĂ© proposĂ©e. Finalement cette population va collectivement s’approprier l’immeuble dans toutes ses dimensions et en faire sa Maison Radieuse ». 136L’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale constitutive de l’association se tiendra le 25 juin 1955. AprĂšs l’inauguration en juillet, parmi ses premiĂšres activitĂ©s, figure l’organisation d’une fĂȘte les 1 er et 2 octobre 1955 au profit des lock-outĂ©s » des grĂšves des mĂ©tallos » de l’étĂ© prĂ©cĂ©dent. Les habitants militants provenant de diffĂ©rents horizons dont le mouvement ouvrier et/ou le mouvement catholique, qui participent Ă  l’animation de la vie collective de l’immeuble sont bien lĂ . Ils vont y insuffler un esprit qui pourrait se caractĂ©riser par un ensemble de termes comme solidaritĂ©, entraide, conscience collective, identitĂ© de classe, et donnant suite Ă  la coopĂ©rative, l’autogestion qui va marquer l’ensemble de la vie sociale de l’immeuble jusque dans les annĂ©es soixante-dix. La gestion de la Maison Radieuse par l’Association 137Au sein de l’activitĂ© de l’association, de son organisation et de ses choix se trouvent dissĂ©minĂ©s tout un ensemble d’indices qui permettent de comprendre la maniĂšre dont les habitants militants ont investi la vie collective. La premiĂšre pĂ©riode de la vie associative a donnĂ© une coloration particuliĂšre Ă  la vie collective dans l’immeuble. Cette vie sociale organisĂ©e est consignĂ©e dans des cahiers de comptes-rendus qui contiennent les traces de leurs dĂ©bats, de leurs arbitrages, de leurs projets, rĂ©alisĂ©s ou non, et de leurs difficultĂ©s Ă  rĂ©soudre tel ou tel problĂšme. 138Avant d’entrer dans les dĂ©tails de leurs diverses activitĂ©s, il nous faut comprendre l’organisation de l’association et sa mobilisation autour d’une activitĂ© essentielle pour ces locataires-coopĂ©rateurs, la gestion de l’immeuble, pour apprĂ©hender comment s’est forgĂ©e l’identitĂ© collective des Corbus ». 139Plus de quatre-vingts habitants Ă©taient prĂ©sents Ă  l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale constitutive qui s’est dĂ©roulĂ©e quatre mois aprĂšs les premiers emmĂ©nagements. Dix-sept candidats se prĂ©sentaient au Conseil d’Administration pour neuf postes. Six des neuf membres du bureau provisoire sont officiellement Ă©lus, mais ils ne sont pas tous plĂ©biscitĂ©s, deux ne recueillent qu’un tiers des voix. Trois nouveaux » dont une femme viennent les rejoindre. Ces quelques donnĂ©es reflĂ©tant la participation Ă  la vie associative des premiers habitants montrent qu’une dynamique est en marche. DĂšs le dĂ©part, les ordres du jour des rĂ©unions de bureau et de CA confirment la logique de lancement de l’association et soulignent l’enjeu de ses relations et de son positionnement par rapport Ă  la Maison Familiale. Une des tĂąches de cette premiĂšre Ă©quipe sera donc de dĂ©finir son rĂŽle au sein de l’immeuble et de crĂ©er le cadre de fonctionnement de l’association. 140Devant l’essor des initiatives et des demandes des habitants, lors d’une rĂ©union de bureau le 5 septembre 1955, le CA formalise la crĂ©ation de cinq comitĂ©s le comitĂ© des fĂȘtes, le comitĂ© d’entraide, le comitĂ© de plein air, le comitĂ© art et vie » et le comitĂ© de gestion. Chacun est chargĂ© d’assurer et de gĂ©rer l’encadrement de ses propres activitĂ©s. Le rapport moral, Ă©tabli pour l’AG du 15 juin 1956, entĂ©rine cette organisation et regroupe les diverses activitĂ©s sous ces intitulĂ©s. Le comitĂ© d’entraide s’occupe de l’aspect social et solidaire, prĂȘt d’honneur ou de secours, aide pour trouver un emploi. Le comitĂ© des fĂȘtes, comme son nom l’indique, s’occupe de cet aspect mais aussi, dĂ©jĂ , des visites de l’immeuble. Le comitĂ© de plein air se charge du parc et des activitĂ©s sportives. Le comitĂ© art et vie » regroupe tous les clubs d’animation socioculturelle, bibliothĂšque, musique, confĂ©rences, chorale, disques
 L’association compte alors 241 inscrits et ils seront 174 Ă  participer Ă  la deuxiĂšme AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale et par consĂ©quent Ă  l’élection du nouveau Conseil d’Administration qui reconduira quatre des anciens membres. La prĂ©cĂ©dente Ă©quipe n’est pas dĂ©savouĂ©e, les statuts prĂ©voient en effet un renouvellement par tiers chaque annĂ©e. Au fur et Ă  mesure de leur arrivĂ©e et de leur installation, presque tous les habitants se trouvent en contact avec l’association, et ils rĂ©pondent massivement et positivement pour y prendre part. 141Une nouvelle annĂ©e de fonctionnement conduit les membres du CA Ă  faire le constat qu’ils sont encore dĂ©bordĂ©s par l’hyper-activitĂ© des comitĂ©s dont ils n’arrivent plus Ă  suivre les orientations, les prises de dĂ©cision. Ils s’accordent sur le fait qu’il convient de renforcer le CA. À l’AG suivante en 1957, ils proposent une modification des statuts de l’association qui permet de composer un CA de quinze membres ainsi rĂ©partis cinq du comitĂ© de gestion, trois du comitĂ© d’entraide, deux du comitĂ© art et vie », deux du comitĂ© plein air et trois supplĂ©ants. Le but affichĂ© est de formaliser et de stabiliser les liens entre le CA et les comitĂ©s. Vingt candidats se prĂ©sentent, quinze seront Ă©lus par 95 votants sur 181 inscrits. L’euphorie de l’arrivĂ©e est un peu retombĂ©e, mais la participation reste importante. 142La nouvelle organisation du CA ne portera pas tout de suite ses fruits. En 1958, les comitĂ©s atteignent un niveau de dĂ©veloppement encore plus important et le CA de l’association se vit de plus en plus comme une fĂ©dĂ©ration des comitĂ©s, chaque comitĂ© prenant une autonomie de fonctionnement, voire de financement. Mais en mĂȘme temps, la gestion par les utilisateurs eux-mĂȘmes est souhaitĂ©e par l’association mĂȘme si cela pose quelques problĂšmes les comitĂ©s prenant des dĂ©cisions sans en rĂ©fĂ©rer au bureau, le bureau ne peut plus se faire le relais auprĂšs des autres comitĂ©s » Cahier de fonctionnement et de rĂ©unions, janvier 1958. Cette question sera rĂ©currente encore une annĂ©e puis disparaĂźtra des comptes-rendus. Non pas, parce que le CA aura rĂ©ussi Ă  centraliser les choses, mais parce qu’il adoptera le mode de fonctionnement que lui impose la pratique, parce que les membres du CA eux-mĂȘmes rĂ©partis entre les comitĂ©s joueront finalement assez bien le rĂŽle de relais. Et puis une sorte de routine de fonctionnement s’instaure au fil des annĂ©es, ainsi qu’un climat de confiance avec des habitants qui se connaissent de plus en plus entre eux. 143Les cinq premiĂšres annĂ©es de vie collective au sein de l’association se caractĂ©risent par un dynamisme de crĂ©ation des activitĂ©s et une construction de la structure associative. Elle stabilisera son organisation avec des comitĂ©s ayant un fonctionnement propre et un CA qui assure l’unitĂ© de l’association et la pĂ©rĂ©quation au niveau financier entre les comitĂ©s, mais sans tenir un rĂŽle de contrĂŽle. En AG, les comitĂ©s assument leur part du rapport moral et font Ă©tat des ajustements nĂ©cessaires et de leurs nouvelles demandes. 144Le fonctionnement des comitĂ©s est dĂ©terminĂ© par le degrĂ© d’implication des habitants qui font preuve d’initiatives et prennent leurs responsabilitĂ©s pour rĂ©aliser leurs projets. Les habitants ne sont pas dans la totale dĂ©lĂ©gation au sein de l’organisation, ni dans la consommation du service offert par l’association. Les comitĂ©s sont Ă  la fois indĂ©pendants et liĂ©s Ă  l’association car ils participent tous du mĂȘme projet pour la Maison Radieuse. L’autonomie des comitĂ©s est telle que le comitĂ© de gestion va pouvoir se dĂ©tacher de l’association sans la remettre fondamentalement en cause. En se dĂ©tachant, il prolonge de façon cohĂ©rente la mĂȘme logique conquĂ©rir l’autonomie des habitants par rapport Ă  la Maison Familiale. 145Le problĂšme de gestion occupera une place prĂ©pondĂ©rante au sein de l’association des habitants qui, du fait de leur statut de locataire-coopĂ©rateur, s’estiment directement concernĂ©s par toutes ces questions. DĂšs le 25 aoĂ»t 1955, le premier bureau de l’association envoie Ă  la Maison Familiale une lettre au sujet de tous les problĂšmes restĂ©s en suspens Ă©clairage extĂ©rieur, coupe-vent et amĂ©nagement du hall, gardiennage-rĂ©ception, rĂšglement d’accĂšs au parc, rĂšglement pour l’accĂšs des fournisseurs d’alimentation, protection contre l’incendie, recette postale, laverie, droit de passage, visites, crĂ©ation de ligne d’autobus Nantes-RezĂ© ». Dans cette liste, des problĂšmes dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s prĂ©cĂ©demment sont encore Ă  l’ordre du jour et ils le resteront jusqu’à ce que la question soit rĂ©glĂ©e ou que le projet soit abandonnĂ©. Tous les aspects Ă©voquĂ©s concernent la vie en collectif, les espaces et les services communs. Le comitĂ© de gestion créé en mĂȘme temps que les autres comitĂ©s, a pour mission de rĂ©gler tous les problĂšmes de la vie quotidienne ». D’emblĂ©e cette mission reprĂ©sente une telle somme d’activitĂ©s que l’association affecte cinq des membres de son CA Ă  ce comitĂ© contre deux ou trois pour les autres. 146Cette mission est importante car les habitants s’adressent Ă  l’association quand ils rencontrent telle ou telle difficultĂ© puisqu'elle est sur place, elle regroupe presque tout le monde et elle est en lien avec la Maison Familiale. Les problĂšmes individuels ainsi collectĂ©s prennent une dimension collective. Et le poids du collectif est mis dans la balance pour obtenir gain de cause en particulier auprĂšs de la Maison Familiale. 147La MF est prĂ©sentĂ©e Ă  la fois comme un interlocuteur et un alliĂ©. Par exemple, le premier rapport moral de l’association fait Ă©tat des actions et des dĂ©marches communes Ă  l'AHMR et la MF auprĂšs des autoritĂ©s compĂ©tentes pour obtenir une ligne d’autobus ou l’installation d’une recette postale. Dans ce rapport figure aussi la candidature des membres de l’AHMR comme administrateur de la MF puisqu’il s’agit d’un organisme paritaire, une sociĂ©tĂ© coopĂ©rative privĂ©e d’habitations Ă  loyer modĂ©rĂ© oĂč les syndicats de salariĂ©s et les associations familiales sont reprĂ©sentĂ©s. 40 P. Bataille, D. Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation, Maison Radieuse, Plan Construction et Arc ... 148Les responsables de l’association des habitants entretiennent donc un rapport privilĂ©giĂ© avec la MF et se perçoivent trĂšs rapidement comme co-gestionnaires de la Maison Radieuse. Mais au bout de 5 ans, l’AHMR exprime dĂ©jĂ  le souhait d’ĂȘtre le seul maĂźtre Ă  bord ». Dans le rapport d’activitĂ© pour l’AG du 17 juin 1960, le rapport moral fait Ă©tat sous la rubrique du statut de la location coopĂ©rative » de la demande de sĂ©paration de la Maison Familiale avec reconnaissance du loyer d’équilibre » et le droit de bĂ©nĂ©ficier des conditions d’occupation des logements prĂ©vus pour la location attribution ». Ensuite toutes les annĂ©es soixante sont jalonnĂ©es de rĂ©unions, voire de journĂ©es d’études permettant de comprendre la distinction entre location-attribution et location-coopĂ©rative. Quelques membres de l’AHMR participent au congrĂšs des coopĂ©ratives HLM de fĂ©vrier 1963 et de janvier 1965 oĂč l’esprit coopĂ©ratif apparaĂźt mis Ă  mal par la spĂ©culation immobiliĂšre du modĂšle capitaliste ». En mĂȘme temps, au bout de 10 ans, les habitants commencent Ă  s’interroger sur la rĂ©tribution de leur apport initial », sur son amortissement par rapport au loyer d’équilibre ». Ils se rendent compte que tous les habitants ne sont pas dans la mĂȘme situation certains ont empruntĂ© aux organismes sociaux pour faire leur apport, d’autres ont effectivement fait un apport personnel, certains ont bĂ©nĂ©ficiĂ© du logement par l’intermĂ©diaire de leur employeur
 Quelle part reviendrait aux uns et aux autres si les statuts changent ? Qui a fait un placement immobilier ? Qui s’enrichit ? Philippe Bataille et Daniel Pinson expliquent que, cette fois-lĂ , la rĂ©forme lĂ©gislative servira la cause des habitants La rĂ©forme lĂ©gislative du statut de la coopĂ©ration en 1965 et qui impose aux sociĂ©tĂ©s HLM, une situation juridique par activitĂ©, va indirectement satisfaire ce souhait en obligeant Ă  la restructuration de la SociĂ©tĂ© coopĂ©rative la “Maison Familiale”. En 1968, trois sociĂ©tĂ©s distinctes vont ainsi naĂźtre, mĂȘme si elles continuent Ă  former une mĂȘme entitĂ© Ă©conomique la SociĂ©tĂ© Anonyme HLM de location simple Loire-Atlantique-Habitation, la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative de location attribution la “Maison Familiale”, et enfin la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative de location-coopĂ©rative “la Maison Radieuse” uniquement composĂ©e comme son nom l’indique de l’unitĂ© d’habitation de grandeur conforme de RezĂ©40.» 41 Texte d’exposĂ© de G. Vittu, prĂ©sident de l'AHMR, 15 juin 1985. 149Les habitants les plus actifs sur cette question au sein de l’AHMR et membres du comitĂ© de gestion se retrouveront administrateurs de cette sociĂ©tĂ© coopĂ©rative. En mĂȘme temps, l’association abandonne la fonction de gestion alors que tous les autres comitĂ©s continuent Ă  fonctionner. Neuf des onze administrateurs de la nouvelle sociĂ©tĂ© seront des habitants. Nous sommes entre nous, rien qu’entre nous
 Pour le meilleur et pour le pire ». M. Vittu, discours des 30 ans » en juin 198541. 150À partir de ce moment-lĂ , tout ce qui figure dans les comptes-rendus de l’association est un peu moins prĂ©cis sur cet aspect de la gestion de l’immeuble. Contrairement Ă  ce que croyaient les administrateurs-habitants, leurs relations avec les autres habitants ne vont pas se simplifier. Deux tendances se dĂ©gagent l’une oĂč les habitants se plaignent toujours des gestionnaires et l’autre oĂč ils soutiennent la coopĂ©rative. Auparavant, les habitants gestionnaires pouvaient faire valoir auprĂšs des mĂ©contents qu’ils n’étaient pas majoritaires au sein de la sociĂ©tĂ© Maison Familiale. À prĂ©sent, ils doivent assumer pleinement toutes les dĂ©cisions et les justifier dans l’intĂ©rĂȘt de tous. Et quand il faut augmenter les loyers pour provisionner en prĂ©vision de futurs travaux, les locataires-coopĂ©rateurs ne sont pas toujours d’accord. 151Les nouveaux administrateurs de la Maison Radieuse n’auront pas le temps nĂ©cessaire pour faire leurs preuves et dĂ©montrer l’intĂ©rĂȘt d’une coopĂ©rative autogĂ©rĂ©e. En effet, Ă  peine l’autonomie de gestion est-elle conquise, que la loi Chalandon vient briser le rĂȘve en interdisant ces pratiques coopĂ©ratives. Plusieurs annĂ©es de lutte et de procĂ©dures commencent alors et vont contribuer Ă  construire l’identitĂ© de la coopĂ©rative qui n’a, en fait, Ă©tĂ© de plein exercice que sur deux annĂ©es. Entre 1971 et 1974, la gestion par les habitants continue sous des formes dissidentes ou plutĂŽt de rĂ©sistance. L’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative Maison Radieuse » refuse de se saborder pour se conformer Ă  la loi. La mĂȘme loi impose en cas d’absence de dĂ©cision la transformation en SA d’HLM Ă  forme simple. Et c’est ce statut qui prendra effet le 23 mars 1972. Un conseil liquidateur de la sociĂ©tĂ© composĂ© des anciens administrateurs va permettre de prolonger au maximum la vie de la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative de la Maison Radieuse » qui, aprĂšs une mise en demeure de la PrĂ©fecture, lors d’une AG le 25 juin 1974 concrĂ©tise la transformation. Cette sociĂ©tĂ© finira par fusionner en 1976 avec Loire-Atlantique-Habitations LAH. Pendant toute cette pĂ©riode, les habitants militants vont se battre, mais ne parviendront pas Ă  maintenir cette organisation qui rĂ©alisait l’idĂ©e que l’on pouvait ĂȘtre propriĂ©taire de son logement autrement qu’en propriĂ©tĂ© individuelle. 42 Il y a LIP, mais aussi les ouvriĂšres de CIP, Confection Industrielle du Pas-de-Calais, voir par exe ... 152Ces six annĂ©es de lutte unitaire et solidaire au sein de l’association vont laisser des traces dans la mĂ©moire collective. Elles se dĂ©roulent dans la pĂ©riode de l’aprĂšs-68, avec d’un cĂŽtĂ© un mouvement social actif qui se manifestent par des grĂšves qui prendront par la suite un caractĂšre symbolique car les ouvriers et les ouvriĂšres s’approprient les moyens de production42. En mĂȘme temps, sur la scĂšne politique, ValĂ©ry Giscard d’Estaing est Ă©lu, l’assemblĂ©e parlementaire rĂ©tablit un certain ordre dans les affaires sociales. La lutte des habitants et leur Ă©chec sont significatifs de ce contexte gĂ©nĂ©ral. Ils auront vĂ©cu presque vingt ans de vie collective avec un mĂȘme statut pour tous les habitants, une situation Ă©galitaire, avec l’idĂ©e qu’on ne pouvait pas leur prendre, ou les priver de leur logis, que d’une certaine façon ils Ă©taient enfin chez eux. 153Les locataires-coopĂ©rateurs ont poussĂ© l’expĂ©rience de l’organisation coopĂ©rative jusqu’au bout, c’est-Ă -dire jusqu’à l’autonomie de gestion, en se dĂ©gageant de toutes formes de tutelle. La propriĂ©tĂ© individuelle Ă©tait remise en cause comme modĂšle unique d’organisation sociale et pour autant ils ne faisaient pas la rĂ©volution. 43 Le Corbusier, Vers une architecture, Flammarion, Paris, 1995, p. 236. 154Le Corbusier, pour d’autres raisons que les habitants, avait lui aussi une certaine aversion pour la propriĂ©tĂ© La vieille propriĂ©tĂ© est assise sur des hĂ©ritages et elle ne rĂȘve que d’inertie, que de ne rien changer, que de perpĂ©tuer le statu quo.[
] Sur le principe actuel de propriĂ©tĂ©, il est impossible d’établir un budget de construction qui tienne. Donc on ne bĂątit pas. Mais si les modalitĂ©s de propriĂ©tĂ© changeaient, et elles changent [
] on pourrait bĂątir, on serait enthousiaste Ă  bĂątir et on Ă©viterait la rĂ©volution43.» 155L’association a contribuĂ© Ă  construire vingt ans de vie collective, une vie dynamique, portĂ©e par un grand nombre d’habitants qui sont liĂ©s par un intĂ©rĂȘt commun, par le projet de sociĂ©tĂ© auquel ils ont adhĂ©rĂ© quand ils sont devenus locataires-coopĂ©rateurs. Cette unitĂ©, cette solidaritĂ© vont-t-elles complĂštement voler en Ă©clats dans la suite ? Changement de statut et Ă©volution 156La fin des locataires-coopĂ©rateurs s’impose comme un moment charniĂšre dans l’histoire de la Maison Radieuse et dans l’organisation de la vie collective. L’émergence d’une diffĂ©rence de statut entre les habitants va construire un nouveau paysage associatif, va modifier les relations entre les habitants, ainsi que leurs relations avec les structures de gestion. 157L’AHMR va traverser les trois derniĂšres dĂ©cennies avec des pĂ©riodes plus ou moins actives, une plus ou moins grande reconnaissance de sa reprĂ©sentativitĂ©, des remises en cause plus ou moins virulentes par les autres habitants. Dans cet espace en recomposition sociale, l’association transmet la mĂ©moire d’une histoire collective. Les habitants engagĂ©s dans la vie collective restent toujours prĂ©sents, actifs. Ils continuent Ă  tisser les liens d’une vie sociale commune et partagĂ©e, dans laquelle de nouveaux habitants peuvent s’engager Ă  leur tour. Mais leur forme d’engagement et leurs projets sont probablement un peu diffĂ©rents, dĂ©calĂ©s par rapport Ă  ceux de l’habitant-militant de la pĂ©riode antĂ©rieure, car le contexte social s’est profondĂ©ment modifiĂ©. 44 Intervention pour le 30e anniversaire de la Maison Radieuse de G. Vittu, 15 juin 1985, prĂ©parĂ© av ... 45 P. Bataille, D. Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation, Maison Radieuse, Plan Construction et Arc ... 46 Intervention pour le 30e anniversaire de la Maison Radieuse de G. Vittu, 15 juin 1985, prĂ©parĂ© av ... 47 J. Guibert, Les locataires de la Maison Radieuse, LERSCO, Nantes, 1987. 158Un des premiers effets importants du changement de statut sur la population de l’immeuble a Ă©tĂ© les dĂ©parts. Entre 1957 et 1971, M. Robert et M. Vittu44 estimaient qu’il y avait une quinzaine de dĂ©parts par an pour des raisons familiales, professionnelles ou spĂ©culataires ». Puis, c’est l’hĂ©morragie Ă  raison d’une quarantaine de dĂ©parts par an entre 1972 et 1974, soit 134 familles, environ 45 % des familles de l’UnitĂ© d’Habitation partent. En 1974, les habitants d’origine toujours prĂ©sents doivent se dĂ©terminer. Une minoritĂ©, soit 12 %, devient propriĂ©taire, car mĂȘme avec une revalorisation de leur apport initial, le capital restant Ă  rembourser est lourd45. Et les autres choisissent, soit de partir tout de suite, soit de devenir locataires. Finalement, ces derniers partiront au fur et Ă  mesure puisqu’en 1985, pour les 30 ans de la Maison Radieuse, M. Vittu a fait le recensement suivant 33 appartements sont encore occupĂ©s par des habitants d’origine, et 8 appartements par la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration. Ainsi 15 % des appartements de la Maison Radieuse sont actuellement occupĂ©s par les pionniers de la premiĂšre heure
 ou par leurs enfants. Ils reprĂ©sentent au total 8 Ă  10 % de la population de l’immeuble46. » Cela veut donc dire qu’encore un tiers des habitants de l’immeuble qui Ă©tait lĂ  Ă  l’origine est parti entre 75 et 85. On peut penser que ce sont ceux qui ont optĂ© pour le statut de locataire qui partent. En 1976, 232 logements sont gĂ©rĂ©s par Loire-Atlantique-Habitation. Une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e dix ans plus tard47 auprĂšs de 140 des 230 locataires de LAH donne la rĂ©partition suivante 27 % rĂ©sident lĂ  depuis moins de deux ans, 15 % depuis deux Ă  cinq ans, autant depuis cinq Ă  dix ans et 42 % depuis dix ans et plus dont 25 % depuis plus de vingt ans. On peut supposer qu’il y a une sur-reprĂ©sentation de cette derniĂšre tranche parmi les rĂ©pondants Ă  l’enquĂȘte. MĂȘme ramenĂ© Ă  l’ensemble des locataires, cela reprĂ©sente encore 15 % des locataires qui ont emmĂ©nagĂ© avant la loi Chalandon. Donc les anciens toujours prĂ©sents Ă  la Maison Radieuse en 1985, se trouvent Ă  la fois parmi les propriĂ©taires et les locataires. 159Ces quelques chiffres suffisent Ă  rendre compte de la complĂšte dĂ©structuration du tissu social qui s’était construit au cours des vingt premiĂšres annĂ©es de vie collective. Une autre forme de vie sociale se recompose alors dans la Maison Radieuse avec une population plus hĂ©tĂ©rogĂšne du point de vue du statut d’occupation du logement, de l’anciennetĂ© de rĂ©sidence, des gĂ©nĂ©rations et de l’appartenance sociale. Chacune de ses dimensions dĂ©termine des strates de sociabilitĂ© y compris au sein de l’association qui n’échappe pas au fait de voir bon nombre de ses membres partir sans ĂȘtre forcĂ©ment renouvelĂ©s. Oui, et si vous voulez, avec le renouvellement, les gĂ©nĂ©rations qui partent, pendant longtemps, on a quand mĂȘme fonctionnĂ© en Ă©quipe, des gens ont disparu, sont morts ou sont partis et le remplacement par des militants ne s’est pas forcĂ©ment vraiment effectuĂ© et quand on se sent membre d’une Ă©quipe, la situation est diffĂ©rente. » Mme Boissay. 160Il y a une dĂ©perdition au niveau des adhĂ©sions d’une part, mais surtout au niveau des personnes effectivement actives. En 1969, 80 % des familles adhĂ©raient Ă  l’association. Elle a comptĂ© jusqu’à 265 adhĂ©rents, soit plus de 90 % des mĂ©nages dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente. AprĂšs 1971, les effectifs vont continuellement baisser pour atteindre 65 % des familles en 1981. Ils vont revenir Ă  77 % en 1984, pour retomber Ă  58 % en 1987 et osciller Ă  prĂ©sent au-dessous de 50 %. Au moment de notre enquĂȘte, les tĂ©moignages concordent pour dire que sur 290 familles, une quarantaine participent aux activitĂ©s, et que le nombre de familles adhĂ©rentes est trois fois supĂ©rieur, soit 45 % des mĂ©nages. Mais en 2004, comme en 1984, on constate un regain d’adhĂ©sions et de participation. AprĂšs le trentenaire, le cinquantenaire mobilise Ă  nouveau les habitants. 161Une autre mesure peut s’effectuer Ă  partir du niveau de participation aux AssemblĂ©es GĂ©nĂ©rales annuelles. En 1963, ils n’étaient dĂ©jĂ  plus que 40 participants Ă  l’AG. Jusque dans les annĂ©es soixante-dix, ce rassemblement annuel se rĂ©duit de plus en plus aux seuls membres trĂšs actifs de l’association. AprĂšs la rupture de 71, le nombre des militants actifs prĂ©sents aux AG va encore se rĂ©duire, jusqu’à seulement 15 en 1980, soit les membres du CA et les principaux responsables de clubs. Depuis, les comptes-rendus font apparaĂźtre une oscillation entre une douzaine et une trentaine de personnes, en fonction de regains d’activitĂ©, et autour d’évĂ©nements comme le trentenaire en 1985 et le cinquantenaire en 2005. 162Ces donnĂ©es permettent de rendre compte d’une mutation importante de la population de la Maison Radieuse. Pour plus des trois quarts, ce ne sont pas les mĂȘmes personnes. Ils n’arrivent pas Ă  la Maison Radieuse dans les mĂȘmes conditions que les prĂ©cĂ©dents. Ils ne peuvent pas reproduire et reconstruire le mĂȘme tissu social, y compris au sein de l’association. 163Ce qui se passe autour de la gestion est significatif de ce changement. À chaque statut d’occupation du logement correspond maintenant un interlocuteur diffĂ©rent. Les propriĂ©taires s’adressent au syndic de co-propriĂ©tĂ© oĂč ils ont Ă©lu leur reprĂ©sentant au conseil syndical lors d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale annuelle. LAH est le propriĂ©taire majoritaire qui gĂšre. Les locataires s’adressent Ă  LAH, la sociĂ©tĂ© HLM. D’une certain façon LAH est le gestionnaire incontournable en tant que propriĂ©taire majoritaire et en tant que logeur. Une certaine confusion s’installe dans l’esprit des habitants qui perdure jusque dans les annĂ©es quatre-vingt. L’ensemble des habitants cherche de nouveaux repĂšres que ce soit les uns par rapport aux autres, ou par rapport aux diffĂ©rentes structures et organisations qui rĂ©gissent la vie de l’immeuble LAH, le syndic et l’AHMR. Cette derniĂšre est prise Ă  partie car, dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente, elle a Ă©tĂ© impliquĂ©e dans la gestion de la vie de l’immeuble. Les comptes-rendus trouvĂ©s dans les archives de l’association des habitants reflĂštent bien ce flottement. Un extrait du rapport d’orientation de l’association de janvier 1982 donne le ton Les habitants assimilent le fonctionnement de l’immeuble Ă  celui de l’association, d’oĂč une dĂ©tĂ©rioration des relations entre les habitants quand certains services fonctionnement mal ascenseur, chauffage
. La vie collective n’est plus respectĂ©e, il y a plus de bruit, un laisser-aller aux vide-ordures, plus de salissures des parties communes, le personnel est de plus en plus mĂ©prisĂ© et mal considĂ©rĂ©. Qui gĂšre l’immeuble ? Comment les habitants peuvent-ils trouver des solutions Ă  leurs problĂšmes ? Peut-il y avoir un fonctionnement dĂ©mocratique ? Comment ? OĂč est le pouvoir de dĂ©cision ? Qui reprĂ©sente qui ?» 164Cet extrait concentre toutes les dimensions du mal-ĂȘtre vĂ©cu par les membres de l’AHMR que l’on retrouve de façon rĂ©currente dans la plupart des comptes-rendus de l’époque. Une des dimensions abordĂ©es est la dĂ©tĂ©rioration des comportements pour tout ce qui concerne la vie en commun. Dans ces annĂ©es-lĂ , la majoritĂ© des anciens habitants se retrouvent encore au sein de l’association et y sont plus actifs que les autres. Ils reviennent sans cesse sur le constat qu’avant, le statut de locataire-coopĂ©rateur avait pour effet que les espaces communs Ă©taient considĂ©rĂ©s par les habitants comme faisant partie de chez eux. Or les trois quarts de la population ont changĂ© en 10 ans. Les nouveaux habitants ont un autre rapport Ă  l’immeuble. De plus, dans les annĂ©es quatre-vingt, les personnes logĂ©es par les bailleurs sociaux se sont paupĂ©risĂ©es. Une sorte de tension sociale s’instaure entre les habitants. Mais la difficultĂ© des relations des membres de l’association avec les autres habitants ne relĂšve pas que de cette dimension sociale. En tant que reprĂ©sentants de l’association, ils sont interpellĂ©s, un peu comme les administrateurs-habitants de la sociĂ©tĂ© Maison Radieuse pouvaient l’ĂȘtre auparavant. La sociĂ©tĂ© n’existe plus. Qui doit-on interpeller sur place quand quelque chose ne va pas ? Les propriĂ©taires Ă©lus au conseil de syndic ? La question de la reprĂ©sentation est posĂ©e. Les membres de l’AHMR sont pris Ă  partie sur place, se demandent mĂȘme Ă  qui ils doivent s’adresser pour ĂȘtre entendus au nom de tous les habitants. Cette difficultĂ© n’est jamais apparue dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente. La MF, puis la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative Maison Radieuse, semblaient plus en lien direct avec les habitants et leur association. 165AprĂšs 1971, l’AHMR continue de penser qu’elle peut reprĂ©senter tous les habitants sans distinction de statut. Pourtant, en 1979, l’association est confrontĂ©e Ă  la demande d’une crĂ©ation de commission de locataires. Elle n’y donne pas suite car l’AHMR pour qu’elle puisse fonctionner doit ĂȘtre indĂ©pendante de tout le reste », c’est-Ă -dire du syndic de co-propriĂ©tĂ© et de Loire-Atlantique-Habitation. Or une commission de locataires risque de se spĂ©cialiser dans la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts des locataires contre leur bailleur et donc d’orienter la position de l’association. Quelques annĂ©es aprĂšs, Ă  l’AG de l’association du 15 janvier 1981, figure Ă  l’ordre du jour une discussion sur la crĂ©ation d’une association de locataires dont on se demande si elle sera concurrente de l’AHMR. L’association n’ayant pas rĂ©pondu Ă  la demande des locataires, ceux-ci se tournent vers d’autres organisations reprĂ©sentatives au niveau national et chargĂ©es de dĂ©fendre leur intĂ©rĂȘt. En janvier 1982, le CA de l’association Ă©tudie une demande Ă©manant de LAH pour attribuer une salle de rĂ©union aux locataires de la ConfĂ©dĂ©ration Syndicale des Familles CSF. L’association donne son accord et formule qu’elle se tient Ă  leur disposition pour chercher en commun Ă  rĂ©soudre ou Ă  dĂ©fendre des problĂšmes pratiques ». Dans le mĂȘme mois, un compte-rendu de rĂ©union signale la rencontre de l’AHMR avec ConfĂ©dĂ©ration Syndicale du Cadre de Vie CSCV. Toutes les discussions concernent la dĂ©fense des locataires, la qualitĂ© ou non de l’entretien de leur logement, les loyers, etc. En 1983, le CA de l’association reprend les discussions autour de l’opportunitĂ© ou non de crĂ©er une section des locataires en raison des dispositions de la loi Quillot visant Ă  assurer une meilleure reprĂ©sentation et dĂ©fense des locataires face aux bailleurs. L’extrait du rapport d’orientation de l’AG du 18 mars 1983 prĂ©cise La loi Quillot rĂ©git les rapports entre locataires et propriĂ©taires. Or l’AHMR n’est pas une association de locataires exclusivement. Faut-il faire le choix entre une association de locataires ou une association de plusieurs catĂ©gories d’habitants ?» Le CA fait la proposition d’un projet de modification des statuts de l’association afin d’y faire apparaĂźtre le terme de locataire » qui permettrait d’entrer dans les dispositions de la loi Quillot et donc ferait de l’AHMR un interlocuteur possible, parmi les autres, sur le dossier des relations des locataires avec LAH. Cette modification s’impose d’autant plus que la concurrence associative s’est installĂ©e dans l’immeuble. L’association ne veut pas se voir exclue des dĂ©bats qui vont concerner la majoritĂ© des habitants de la Maison Radieuse. 48 P. Bataille, D. Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation, la Maison Radieuse, juin 1990, Plan const ... 49 Si l’AHMR avait plutĂŽt bien accueilli la CSF Ă  la demande de LAH quelques annĂ©es auparavant quand, ... 50 Presse OcĂ©an, 21 janvier 1988. 166Cette nĂ©cessitĂ© pour les locataires de faire entendre collectivement leur voix s’impose au moment du programme de rĂ©habilitation des logements de LAH en 198548. Une partie des locataires s’est tournĂ©e vers la ConfĂ©dĂ©ration Nationale du Logement CNL car les autres structures ne s’engagent pas avec suffisamment d’élan dans la dĂ©fense des locataires. Philippe Bataille et Daniel Pinson relĂšvent que parmi les trois instances collectives existantes Ă  la Maison Radieuse, la CNL forte de l’adhĂ©sion ou du soutien circonstanciel d’un nombre important d’habitants va en effet mener une autre campagne d’opposition au projet de rĂ©habilitation, la CSF demeurant dĂšs lors dans l’ombre et l’AHMR se contentant d’une prĂ©sence continue mais circonspecte49 ». Dans une note, les auteurs prĂ©cisent La CNL d’implantation plus rĂ©cente Ă  la Maison Radieuse Ă©tait avant les travaux moins reprĂ©sentative que la CSF. Ces deux structures syndicales ne sont jamais parvenues Ă  s’entendre sur une action commune ». D’aprĂšs les auteurs, malgrĂ© la politique de concertation des locataires, malgrĂ© des rĂ©unions d’explication sur la prise en charge de l’augmentation des loyers par les allocations, la CNL proteste. Certains locataires refusent de signer le nouveau contrat de location et menacent de faire la grĂšve des loyers50. 167Au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt, le paysage de la vie collective a changĂ©. Le front unitaire des habitants qui Ă©tait regroupĂ©s au sein de l’association, unique structure collective prĂ©sente dans l’immeuble jusque-lĂ , s’est lĂ©zardĂ©. L’association doit peu Ă  peu prendre en compte la rĂ©alitĂ© des divergences de statuts des habitants qui conditionnent leur rapport Ă  l’immeuble et Ă  sa gestion. Lorsque les travaux engagent un effort financier de la part des propriĂ©taires ou des locataires, il n’est pas vĂ©cu de la mĂȘme façon. Pour les premiers, mĂȘme si cela nĂ©cessite pour eux de faire des emprunts, il contribue Ă  la valorisation de leur patrimoine immobilier. Pour les locataires, le niveau de qualitĂ© obtenu par rapport Ă  ce que cela leur coĂ»te n’est pas satisfaisant. Pour eux, ce n’est pas un investissement. Il y a un conflit d’intĂ©rĂȘt entre les deux statuts, ce qui explique sĂ»rement la difficultĂ© de l’association Ă  prendre fait et cause pour les locataires. MĂȘme si la rĂ©novation entraĂźne une augmentation des loyers, les travaux s’avĂšrent nĂ©cessaires, ils revalorisent l’immeuble comme patrimoine immobilier mais aussi du point de vue de son image sociale et de son peuplement. 51 Philippe Bataille, Daniel Pinson, RezĂ© Ă©volution et rĂ©habilitation, Maison Radieuse, Plan Construct ... 168La dĂ©gradation du climat social entre les habitants prĂ©occupe autant l’association que LAH et le conseil syndical. Cette campagne de rĂ©habilitation sera l’occasion pour LAH d’inflĂ©chir sa politique de peuplement. Pendant toute la pĂ©riode des travaux, les locataires qui partent ne sont pas remplacĂ©s. Une trentaine de logements sont vacants. À la fin du chantier, une rĂ©flexion et une dĂ©marche sont prĂ©conisĂ©es pour prendre en compte des critĂšres qui permettraient l’harmonisation des vies sociales ». Cette dĂ©marche ne sera pas mise en Ɠuvre. Mais comme le soulignent Philippe Bataille et Daniel Pinson Cependant non aboutie pratiquement, il en demeure sans doute la trace d’une attitude diffĂ©rente chez le MaĂźtre d’ouvrage, lisible dans son refus d’une politique de remplissage Ă  tout prix, et dans la façon dont la connaissance statistique se double, chez ses agents plus particuliĂšrement chargĂ©s de la Maison Radieuse, d’une approche intuitive et personnalisĂ©e51.» 169Il apparaĂźt que, malgrĂ© les mutations entraĂźnĂ©es par le changement de statut, mais aussi par les Ă©volutions globales qui dĂ©terminent la population des logements sociaux, l’ensemble des acteurs gestionnaires et associatifs ont le souci de prĂ©server les intĂ©rĂȘts de tous les habitants et leur qualitĂ© de vie. Ils ont le souci de rĂ©ussir une politique de mixitĂ© sociale. Ce souci est un hĂ©ritage de l’histoire sociale de l’immeuble. Aucun des protagonistes ne souhaite que cet immeuble devienne une co-propriĂ©tĂ© comme une autre, perde son caractĂšre social. L’esprit des locataires-coopĂ©rateurs, des premiers habitants-militants est toujours prĂ©sent Ă  travers les structures, y compris les nouvelles associations de locataires. Si vous voulez, c’était beaucoup de militants en fait. Des gens militants parce que le choix de venir ici
 C’était un immeuble particulier Ă  l’époque oĂč ça a Ă©tĂ© construit. C’est
 Les gens hĂ©sitaient Ă  venir
 Je ne sais pas comment vous dire
 En mĂȘme temps, c’était un HLM donc, il y avait un mĂ©lange de populations, encore maintenant
 Mais Ă  l’époque, c’était plus des militants ce qui fait qu’il y avait beaucoup de choses qui se passaient. Et lĂ , j’ai l’impression que les gens fonctionnent un peu plus en
 Comment dire ?
 Ce cĂŽtĂ©-lĂ , il n’existe plus. Ce sont des gens, comme il y a partout en fait. AprĂšs il reste un noyau
 Justement le fait que ça vĂ©hicule un passĂ© associatif assez fort, c’est
 Ça perdure, si vous voulez. Mais j’ai l’impression que ça va disparaĂźtre. Et puis il y a une Ă©volution dans le temps. » M. Richa. 170L’association a perdu de l’audience. Son rĂŽle, sa place ont changĂ© en 50 ans d’existence. Les rapports entre les habitants, les rapports avec et entre les diffĂ©rentes structures se sont recomposĂ©s. Les habitants changent, passent. L’immeuble reste. La matĂ©rialisation du projet social qu’il a Ă©tĂ© s’adapte aux changements sociaux mais ne se dĂ©nature pas. L’association des habitants par sa prĂ©sence et ses activitĂ©s joue un rĂŽle indĂ©niable dans la transmission de la mĂ©moire collective Ă  tous les habitants, y compris les plus Ă©loignĂ©s culturellement des questions architecturales ou d’une culture gĂ©nĂ©rale dans ce domaine. 171Par la suite, nous allons voir que la vie collective qu’elle a animĂ©e et anime encore au quotidien, avec plus ou moins de succĂšs selon les pĂ©riodes, joue un rĂŽle de socialisation des habitants Ă  la Maison Radieuse. Cela en fait un immeuble oĂč les relations entre les habitants sont peut-ĂȘtre plus denses et moins anonymes qu’ailleurs. ANIMER LA MAISON RADIEUSE 172Tout un ensemble de relations sociales ou de sociabilitĂ©s sont Ă©tablies grĂące Ă  l’association des habitants qui anime la vie collective. Dans le passĂ©, son rĂŽle de co-gestionnaire de l’immeuble a eu tendance Ă  supplanter toutes les autres activitĂ©s, en raison des enjeux socio-Ă©conomiques qui lui Ă©taient liĂ©s. À tel point, qu’un bulletin d’information de l’association signale que depuis l’autonomie de gestion, l’association a perdu sa vocation premiĂšre et son rĂŽle actuel a besoin d’ĂȘtre prĂ©cisĂ© ». Une rĂ©union, en octobre 1971 propose le maintien de l’AHMR pour les activitĂ©s services et loisirs » puisque toutes les activitĂ©s de gestion reviennent Ă  la nouvelle sociĂ©tĂ© de location coopĂ©rative La Maison Radieuse ». 173La gestion Ă©tait la vocation fondamentale mais toutes les autres actions de l’association coordonnĂ©es par les diffĂ©rents comitĂ©s le comitĂ© des fĂȘtes, le comitĂ© d’entraide, le comitĂ© de plein air, le comitĂ© art et vie », n’étaient pas pour autant secondaires. L’intĂ©rĂȘt commun des habitants en ce qui concerne la gestion de l’immeuble ne suffit pas Ă  construire toutes les sociabilitĂ©s entre eux. Le comitĂ© de gestion jouait un rĂŽle important, mais il ne produisait pas d’interventions directes auprĂšs des habitants. Il manageait plus qu’il n’animait la vie de l’immeuble. En revanche tous les autres comitĂ©s ont contribuĂ© Ă  crĂ©er et Ă  maintenir des liens sociaux entre les habitants en proposant des services pratiques » ou des loisirs. Dans le cadre de toutes ces activitĂ©s, tous les habitants impliquĂ©s dans l’association, du simple adhĂ©rent au plus engagĂ©, ont une multitude d’occasions de se rencontrer. 174Le comitĂ© art et vie », par exemple, regroupait au dĂ©part tout un ensemble de clubs. Il a Ă©tĂ© agréé par la direction dĂ©partementale de la jeunesse et des sports comme mouvement d’éducation populaire. À sa crĂ©ation en 1957, il inscrit des projets d’activitĂ©s telles que la bibliothĂšque, le club audition de musique et de confĂ©rences, une chorale, un club-disques, un club-photo, et un cinĂ©-club ». 52 M. Verret, La culture ouvriĂšre, ACL Ă©dition, Saint SĂ©bastien sur Loire, 1988, p. 76. 175L’AHMR s’inscrit donc dans le mouvement d’éducation populaire qui se propose d’encadrer et de dĂ©velopper les activitĂ©s pour tous en dehors du temps de travail et du temps scolaire. L’oisivetĂ© Ă©tant la mĂšre de tous les vices », l’idĂ©e d’encadrer le temps libre qui s’étend corrĂ©lativement Ă  la diminution du temps de travail, s’impose contre la crainte du dĂ©sƓuvrement. Le patronat, l’Église, l’État et mĂȘme les organisations politiques et syndicales ont veillĂ© au dĂ©veloppement de structures pour accueillir et canaliser cette oisivetĂ© » du peuple52. 53 Le Corbusier, Urbanisme, p. 204. 54 Ibid., p. 207. 176Le Corbusier avait prĂ©vu l’avĂšnement de cette nouvelle sociĂ©tĂ© dite de loisirs ». Il allait mĂȘme plus loin car il pensait libĂ©rer les habitants des citĂ©s radieuses du temps de travail domestique Si, par une mise en ordre, on vous assurait la presque totalitĂ© de votre libertĂ© domestique que, par l’ordre, vous ayez la libertĂ© ? que l’esclavage moderne soit tuĂ© dans l’Ɠuf53 ? » Pour occuper le temps libĂ©rĂ© pour toute la famille, l’architecte prĂ©voit des espaces dans lesquels peuvent se dĂ©velopper des activitĂ©s Ă  proximitĂ© des logements LĂ -haut encore, se trouvent les gymnases oĂč des maĂźtres de gymnastique feront travailler utilement chaque jour les parents comme les enfants [...] Il y a encore des salles de fĂȘtes qui permettent Ă  chacun de recevoir gaiement et grandement quelques fois dans l’annĂ©e54.» 177À la Maison Radieuse de RezĂ©, la crĂ©ation des espaces pour dĂ©velopper ces activitĂ©s a Ă©tĂ© limitĂ©e. Il y a eu le parc et des salles rĂ©cupĂ©rĂ©es sur des espaces situĂ©s entre deux rues que l’association des habitants va s’approprier. Mais plus que les espaces, l’association s’est appropriĂ© le projet Le Corbusier et elle va le mettre en Ɠuvre, mĂȘme avec un minimum de locaux. 178Aujourd’hui, le temps de loisir, des activitĂ©s sportives et socioculturelles, apparaĂźt comme une Ă©vidence. Dans les annĂ©es cinquante, la nĂ©cessitĂ© de proposer des activitĂ©s et de prendre en charge l’encadrement et l’organisation de ce temps ne va pas encore de soi. Les bibliothĂšques pour tous, les centres de loisirs et autres structures d’accueil ne sont pas encore créés en nombre. L’association avec ses propositions au sein de l’immeuble apparaĂźt comme un prĂ©curseur. C’est comme si les habitants, militants de la premiĂšre heure, prenaient en charge globalement la petite sociĂ©tĂ© qui allait se crĂ©er, en inventant pour elle et pour eux-mĂȘmes une autre façon de vivre. 179Ces activitĂ©s de l’association ne seront jamais remises fondamentalement en cause. À travers elles, 50 annĂ©es d’évolution peuvent ĂȘtre analysĂ©es. Elles ont certainement contribuĂ© Ă  la transmission d’un mode de vie qui peut expliquer en partie le climat actuel dans l’immeuble car la vie collective n’est pas morte avec la fin de la location-coopĂ©rative. 180Ainsi il est possible d’observer la façon dont changent les activitĂ©s de l’association au regard des Ă©volutions sociales, la maniĂšre dont l’animation s’adapte et s’ajuste Ă  une demande interne Ă  l’immeuble alors qu’en mĂȘme temps les habitants trouvent de plus en plus Ă  satisfaire leurs besoins Ă  l’extĂ©rieur. Peu Ă  peu l’association se dĂ©sinvestit des missions qu’elle a initialement prises en charge en particulier en ce qui concerne les services », elle rĂ©investit diffĂ©remment une vie sociale interne et dĂ©veloppe de nouvelles activitĂ©s qui tiennent plus Ă  la particularitĂ© de l’immeuble lui-mĂȘme. L’AHMR a toujours vocation Ă  veiller au bien-ĂȘtre des habitants, mais il semble que l’énergie dĂ©ployĂ©e aujourd’hui vise plutĂŽt Ă  maintenir une dynamique de l’esprit corbusĂ©en. Les raisons d’agir des habitants engagĂ©s dans l’association ont changĂ©, se sont diversifiĂ©es et, nous allons le montrer, ont des effets sur le dĂ©veloppement des sociabilitĂ©s. Des animations socioculturelles pour tous 181Quand les habitants se sont installĂ©s, la vie collective a colonisĂ© tous les locaux qui lui Ă©taient rĂ©servĂ©s et les espaces intermĂ©diaires ou communs ont rapidement Ă©tĂ© submergĂ©s par la vie sociale d’une jeunesse bruyante, expansive et surtout nombreuse. 55 Prolongement du dispositif ARVEJ, AmĂ©nagement du Rythme de Vie des Enfants et des Jeunes, mis en pl ... 56 H. Montagner, Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent, Stock/Pernoud, Paris, 1996. 57 T. Paquot coordination, Le quotidien urbain essai sur les temps en ville, Ă©d. Instituts des Vil ... 182Une des activitĂ©s importante de l’association sera d’occuper plusieurs centaines d’enfants. Au sein de l’association, prendre en charge cette question se traduit par la mise en place des activitĂ©s d’animation socioculturelle et sportive pour occuper ce temps appelĂ© aujourd’hui pĂ©riscolaire. À l’époque, il n’y avait pas de contrats Ă©ducatifs locaux55 » formalisant un partenariat entre collectivitĂ©s et associations afin de gĂ©rer au mieux l’amĂ©nagement du rythme de vie des enfants56. Ces questions s’inscriront Ă  la fin des annĂ©es quatre-vingt-dix dans une problĂ©matique gĂ©nĂ©rale du temps des villes57. L’AHMR apparaĂźt comme un des prĂ©curseurs d’une politique sociale qui prendra de l’ampleur dans les annĂ©es soixante-dix et s’institutionnalisera de plus en plus sous forme de structures municipales ou para-municipales dans les annĂ©es quatre-vingt, avant de nĂ©cessiter une coordination interministĂ©rielle des interventions, dans les annĂ©es quatre-vingt-dix. 58 Entretien collectif des membres de l’association 28 octobre 1959, donnĂ©es de l’enquĂȘte P-H. Chombar ... 183En attendant, il faut s’occuper des gosses ». Les membres de l’association en font trĂšs vite le constat c’est qu’il y a chaque jeudi une centaine de gosses dans le parc », par exemple, le football, il y a seulement 2 fois 11 gosses qui sont occupĂ©s avec un mĂȘme ballon », la plupart du temps les parents ne sont pas lĂ 58 ». 184Il apparaĂźt que dans ces annĂ©es-lĂ , les enfants, dĂšs leur plus jeune Ăąge, circulent trĂšs librement et ce jusque dans le milieu des annĂ©es soixante-dix. DĂšs 6-7 ans, ils commencent Ă  sortir dans l’immeuble et le parc, ils jouent, courent sous la surveillance plus ou moins rapprochĂ©e de l’ensemble des adultes, comme nous l’avons vu dans le chapitre prĂ©cĂ©dent Ă  travers le tĂ©moignage de M. Richa qui a passĂ© son enfance Ă  la Maison Radieuse. 185L’évolution dĂ©mographique va peu Ă  peu rĂ©duire le problĂšme d’encadrement qui se posait Ă  l’association. Il y a moins d’enfants dans l’immeuble car les mĂ©nages ont moins d’enfants. Mais d’autres facteurs explicatifs jouent les parents ne laissent plus leurs jeunes enfants circuler aussi librement aujourd’hui nous l’avons vu prĂ©cĂ©demment le contrĂŽle s’est accru au sein de la famille. Ajoutons, qu’il y a eu un dĂ©veloppement des structures, en particulier les centres de loisirs sans hĂ©bergement, pour accueillir les enfants aprĂšs l’école et pendant les vacances scolaires. Il y a en quelque sorte une externalisation de ce service. 186L’association voit baisser la pression subie par la prĂ©sence de nombreux enfants livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, elle adaptera sa proposition d’animation. Celle-ci prendra plus l’aspect de petits ateliers ou d’animations ponctuelles, Ă  l’encadrement plus familial », au sens oĂč on reste entre soi car elles ne nĂ©cessitent pas l’intervention extĂ©rieure d’un animateur professionnel. Il y avait donc une forte sociabilitĂ© collective interne des enfants, qui aujourd’hui se dĂ©veloppe pour la plupart d’entre eux Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble. Il reste une activitĂ© pour occuper les enfants, qui est plus qualitative, sans prĂ©tention, plus intergĂ©nĂ©rationnelle, comme par exemple, une adolescente qui prend en charge un groupe d’enfants plus jeunes pour danser comme Ă  la Star Academy, une habitante qui s’intĂ©resse Ă  la peinture et propose un encadrement amateur
 187D’autres faits viennent corroborer ce constat Ă  la fois d’externalisation et de recentrage de l’animation. À NoĂ«l par exemple, Ă  la fin des annĂ©es cinquante, l’association organisait des opĂ©rations d’une certaine envergure un spectacle, comme Guignol en 1958, Ă©tait proposĂ© Ă  tous les enfants. Les salles collectives de l’immeuble Ă©taient trop petites et l’association avait recours Ă  une salle municipale Ă  Pont Rousseau, pour recevoir tout le monde. Elle organisait le transport en car des enfants. 188Par la suite ce type de fĂȘte s’est plutĂŽt dĂ©veloppĂ© dans les comitĂ©s d’entreprise, avec la fĂȘte des arbres de NoĂ«l ». Puis le nombre d’enfants a diminuĂ© et l’association a recentrĂ© l’animation au sein de l’immeuble. En 1975, les enfants se retrouvaient avec le club des aĂźnĂ©s pour fabriquer des dĂ©corations de rue ». La fĂȘte des enfants aujourd’hui s’articule autour d’une animation qui dure plusieurs semaines. Les enfants se retrouvent avec des bĂ©nĂ©voles de l’association et aprĂšs plusieurs aprĂšs-midi de fabrication de guirlandes, le dernier mercredi aprĂšs-midi prĂ©vu pour cette animation, ils les installent, avant de se retrouver avec les parents pour un goĂ»ter dans l’ancienne salle du tĂ©lĂ©-club. En 2002, le goĂ»ter a commencĂ© par un petit spectacle de danse prĂ©parĂ© par un groupe d’enfants encadrĂ© par une adolescente. 59 M. Verret, La culture ouvriĂšre, ACL Ă©dition, Saint SĂ©bastien sur Loire, 1988 p. 293. 189Une autre des activitĂ©s culturelles phare » de l’association, la bibliothĂšque, a suivi le mĂȘme mouvement de recentrage de son offre. Lors de son ouverture, elle accueillait adultes et enfants. L’association dĂ©nombrait 120 lecteurs en 1958, puis cinq ou six adultes et une vingtaine d’enfants en 1969, une cinquantaine de familles Ă©taient inscrites en 1975. Avec 52 familles inscrites Ă  la bibliothĂšque en 1979, la Maison Radieuse a un taux d’inscription de sa population proche de celui de l’ensemble des ouvriers et employĂ©s observĂ© lors d’une enquĂȘte nationale sur les pratiques culturelles des Français de 198159. 190Le premier mouvement de dĂ©saffection de la bibliothĂšque est certainement Ă  mettre en partie sur le compte de nouvelles offres de dĂ©tente, comme la tĂ©lĂ©vision. Aujourd’hui, il n’y a plus que vingt familles inscrites Ă  la bibliothĂšque de l’AHMR, mais bien d’autres habitants utilisent ces services culturels en dehors de l’immeuble. Oui, alors lĂ  on s’occupe plus d’acheter [des livres] pour les petits, hein, pour les enfants parce qu’il est certain que pour les adultes, on n’est pas en mesure de supporter la concurrence avec la mĂ©diathĂšque la plus proche, hein, et qui offre toutes les nouveautĂ©s. » Mme Boissay. 191Les adultes trouvent Ă  proximitĂ© ou dans leur entreprise une offre culturelle plus diversifiĂ©e, plus actualisĂ©e car les fonds de la bibliothĂšque de l’AHMR Ă©taient pour l’essentiel constituĂ©s Ă  partir des dons des habitants. Oui, je vais plus Ă  la mĂ©diathĂšque. Avant j’allais Ă  la bibliothĂšque, mais maintenant je n’y vais plus du tout, du tout. Ah oui, je suis une grosse lectrice et j’y allais dans le temps. Mais j’avais arrĂȘtĂ© mĂȘme avant la mĂ©diathĂšque parce qu’à l’hĂŽpital il y en avait une aussi. Mais depuis qu’il y a la mĂ©diathĂšque, je ne vais qu’à la mĂ©diathĂšque, je ne vais plus du tout ici. » Mme Poirel. 192Outre l’effet de la diversification de l’offre culturelle, cette dĂ©sertion correspond aussi Ă  une pĂ©riode de ralentissement de la vie associative qui est liĂ© Ă  diffĂ©rents facteurs dont le recul de la vie militante. 193Aujourd’hui, la bibliothĂšque occupe Ă  la premiĂšre rue un appartement de type 4. Elle a Ă©tĂ© dĂ©poussiĂ©rĂ©e, triĂ©e, rĂ©actualisĂ©e, et derniĂšrement informatisĂ©e. La semaine prochaine, on va faire une foire aux livres dans le hall. Parce qu’on rĂ©organise la bibliothĂšque, c’est une bibliothĂšque qui croule sous les livres dont un tiers n’est pas empruntĂ©. Donc on a virĂ© des choses et on se propose de vendre, mais vraiment maximum Ă  un euro, des livres qui sont en bon Ă©tat, mais qui ne sont pas adaptĂ©s parce que je pense qu’on a ciblĂ© sur les enfants. » Mme Auger. 194Ce sont surtout des enfants qui viennent emprunter des livres. Des bĂ©nĂ©voles ouvrent les permanences deux fois par semaine. Au moment de l’enquĂȘte, cinq jeunes mĂšres de famille se relaient pour les assurer. Les institutrices de l’école maternelle y descendent de temps en temps avec leurs classes. En se spĂ©cialisant pour les enfants, la bibliothĂšque montre qu’elle rĂ©pond Ă  une certaine demande, et la proximitĂ© permet de laisser les enfants y aller seuls. Cette redĂ©finition de son activitĂ© est peut-ĂȘtre Ă  rapprocher de celle des bibliobus » qui sillonnent les villages en zone rurale permettant aux enfants de venir choisir leurs livres. La bibliothĂšque de l’AHMR ne cherche pas Ă  s’imposer face Ă  l’ouverture d’équipements municipaux comme la mĂ©diathĂšque de RezĂ©. Son offre s’adapte Ă  une pratique trĂšs locale Ă  destination du jeune public de la Maison Radieuse qui n’a pas la mĂȘme autonomie de mobilitĂ© dans la ville que les adolescents ou les adultes. Moi je fais de la permanence bibliothĂšque une fois tous les quinze jours et on retrouve les mĂȘmes enfants. Mais ça, ça a un cĂŽtĂ© sympa aussi oĂč on n’a pas besoin de forcĂ©ment sortir. [...] Les enfants apprĂ©cient le service pratique de la bibliothĂšque Ă  cĂŽtĂ©, mais ils apprĂ©cient autant d’aller Ă  la mĂ©diathĂšque quand l’occasion se prĂ©sente, ça c’est autre chose. » Mme Auger. 195Outre le service, et la participation au projet d’éducation populaire, la bibliothĂšque est un lieu de rendez-vous, d’échanges pour les enfants, pour les bĂ©nĂ©voles qui l’animent et tous les membres de l’association qui savent qu’à ce moment-lĂ , il y a un espace ouvert oĂč les rencontres sont possibles. 196Les enfants ne sont pas les seuls bĂ©nĂ©ficiaires des activitĂ©s d’animation socioculturelle interne Ă  l’immeuble. Les comptes-rendus d’activitĂ©s des AssemblĂ©es GĂ©nĂ©rales de l’association donnent diverses indications sur la vie de l’association et permettent d’observer un renouvellement des propositions en fonction de l’intĂ©rĂȘt ou des compĂ©tences de tel ou tel habitant porteur de projet, ou en fonction de tel ou tel contexte militant du moment. L’association vit aussi au rythme de l’engagement des habitants et de leur renouvellement. 197Ainsi, par exemple, le club des modĂšles rĂ©duits est créé en 1969, il compte cinq membres. Les premiĂšres annĂ©es, ce sont des modĂšles rĂ©duits de bateaux pour jouer sur l’étang. Puis viendront les avions. Par la suite, il apparaĂźt sous le nom de club maquette. Puis il disparaĂźtra suite au dĂ©mĂ©nagement de son membre le plus actif. 198Dans l’inventaire des activitĂ©s en 1969, on a un club-Ă©checs quinze joueurs, un club-guitare neuf personnes et un club reliure douze personnes. Ce dernier aura une certaine longĂ©vitĂ©, le vieillissement de la principale animatrice mettra fin Ă  cette activitĂ©. 199En 1975 un club des aĂźnĂ©s est composĂ© de vingt-huit adhĂ©rents. Ils se retrouvent autour de boissons chaudes, de jeux et pour la conversation ». En 1979, ils ne sont plus que dix et pourtant la population a vieilli, mais comme pour les activitĂ©s qui concernent les enfants, il y a maintenant une offre Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble qui apparaĂźt plus intĂ©ressante et diversifiĂ©e. 200Des activitĂ©s de mini-conseils » ont trois annĂ©es d’existence d’aprĂšs le rapport d’activitĂ© de 1978. Il s’agit de lieux d’échanges. En novembre 1977, les habitants se retrouvent autour d’un film de la MGEN sur la contraception et l’avortement, 60 personnes sont prĂ©sentes. En dĂ©cembre, c’est sur l’accouchement non-violent. Les thĂšmes abordĂ©s sont en phase avec les prĂ©occupations sociĂ©tales du moment, avec le militantisme fĂ©ministe des annĂ©es soixante-dix, le dĂ©veloppement du planning familial. Il s’agit d’une Ă©poque militante aujourd’hui rĂ©volue. Les investigations dans les archives n’ont pas permis de trouver de traces de ce genre de rendez-vous dans les annĂ©es 80-90. 60 J. Ion, La fin des militants, Éditions de l’Atelier/Éditions OuvriĂšres, Paris, 1997. 201Cette pĂ©riode militante est Ă©galement marquĂ©e par l’émergence du mouvement Ă©cologiste qui verra pour la premiĂšre fois un candidat, RenĂ© Dumont, se prĂ©senter aux prĂ©sidentielles en 1974. À la Maison Radieuse, cela se traduit par un programme de confĂ©rences de 1978-1979 centrĂ© sur les coopĂ©ratives biologiques. Cinq chaĂźnes d’approvisionnement en produits biologiques existent et une sixiĂšme pour les lĂ©gumes est Ă  l’étude. Les habitants-militants se regroupent autour de projets de ravitaillement qui prennent une autre dimension que celle imaginĂ©e par Le Corbusier, uniquement soucieux pour sa part du service de proximitĂ©. Avec l’arrivĂ©e des produits bio » dans les grandes surfaces et la vente directe des producteurs sur les marchĂ©s, cette activitĂ© va peu Ă  peu pĂ©ricliter. Mais la disparition de toutes ces activitĂ©s est surtout concomitante au recul de l’engagement militant60 observĂ© au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt dans l’ensemble social. Bon, de toute façon, le problĂšme du bĂ©nĂ©volat d’abord, il est le mĂȘme dans toutes les associations Corbusier ou pas Corbusier
 C’est vrai que l’association, elle tourne avec une poignĂ©e de bĂ©nĂ©voles et qu’on a un peu de mal Ă  recruter. Est-ce que ça marche moins bien ? C’est difficile, parce que c’est vrai que nous on a un peu un certain souvenir de l’ñge d’or [rires]
 » Mme Bialas. 202Le club-photo est une activitĂ© qui durera assez longtemps avec des pĂ©riodes plus ou moins actives. Jusqu’au dĂ©but de notre enquĂȘte, ce club vivotait en fonction des volontaires pour l’animer. Le dĂ©cĂšs de son animateur va suspendre l’activitĂ© Ă  une Ă©ventuelle reprise. En 2003, aprĂšs inventaire, il est dĂ©cidĂ© de vendre un ou deux agrandisseurs. Une journĂ©e d’initiation au dĂ©veloppement est programmĂ©e. Mais avec l’arrivĂ©e du numĂ©rique, ce club va devoir s’adapter. 203Le tĂ©lĂ©-club est un de ceux qui va durablement marquer les esprits. Il ouvrira en 1958 et en septembre de la mĂȘme annĂ©e, l’association reçoit dĂ©jĂ  quatre demandes d’antenne individuelle. 98 familles sont inscrites en mai 1959. La matinĂ©e du jeudi est rĂ©servĂ©e aux enfants. En 1969, 330 cartes d’accĂšs sont dĂ©livrĂ©es et on dĂ©nombre 1 650 entrĂ©es dans l’annĂ©e. Ensuite en quelques annĂ©es, l’activitĂ© va pĂ©ricliter. L’immeuble va s’équiper d’une antenne collective, les mĂ©nages vont s’équiper individuellement. 61 INSEE, enquĂȘte Budget, consommation alimentaire et Ă©quipement des mĂ©nages. 204Au niveau national, les donnĂ©s de l’INSEE61 permettent de mesurer la progression suivante en 1954, 1 % des mĂ©nages est Ă©quipĂ© d’un tĂ©lĂ©viseur, en 1957, 6,1 %, en 1960, 13,1 %, en 1965, 45,6 %, en 1970, 74,2 %, en 1975, 84,2 % et en 1980, 90,11 %. On comprend donc qu’en 1975, le rapport d’activitĂ© de l’association ne fait plus Ă©tat que de 5 participants au tĂ©lĂ©-club. L’association dĂ©cide de continuer Ă  le laisser fonctionner jusqu’à ce que le poste de tĂ©lĂ©vision tombe en panne. En 1983, il n’y a plus personne pour en prendre la responsabilitĂ©. En 1986, une proposition de relance de l’activitĂ© est faite avec l’idĂ©e d’un abonnement Ă  Canal + qui restera sans suite. En 1987, l’association ne renouvelle pas le paiement de la redevance. Aujourd’hui encore le tĂ©lĂ©-club reste une rĂ©fĂ©rence dans la mĂ©moire des habitants, comme si, il symbolisait un temps oĂč on vivait de façon plus communautaire. La salle qui l’accueillait continue Ă  s’appeler le tĂ©lĂ©-club. Sa disparition coĂŻncide avec la fin de la location-coopĂ©rative. Le mĂȘme phĂ©nomĂšne social que celui observĂ© autour du taxiphone se renouvelle, l’équipement individuel des mĂ©nages fait disparaĂźtre une sociabilitĂ© qui existait autour d’un Ă©quipement partagĂ©. Et aucune activitĂ© ne vient se substituer Ă  ce rendez-vous rĂ©gulier qui permettait aux habitants de se retrouver. Certains nouveaux habitants trouvent mĂȘme qu’on pourrait le rĂ©investir pour reconstruire des liens sociaux. Moi, le tĂ©lĂ©-club, je serais tout Ă  fait partisane pour qu’il revienne Ă  son utilisation initiale de tĂ©lĂ©-club. Il y avait eu un vague projet d’aborder les problĂšmes concernant cette salle, de l’équiper en siĂšges et puis en matĂ©riel, de la sĂ©curiser au niveau alarme et puis d’en faire une salle qui pourrait permettre Ă  des enfants de se retrouver, admettons le mercredi ou le dimanche pour se regarder une cassette ou un DVD ensemble. Et puis peut-ĂȘtre Ă  des adultes de se retrouver
 Moi je sais que quand je suis seule, un week-end sur deux, je ne trouverais pas dĂ©sagrĂ©able de se retrouver Ă  plusieurs, de se regarder un truc ensemble, des films sur un thĂšme ou mĂȘme des hommes qui se retrouvent Ă  regarder leur soirĂ©e foot ou leur soirĂ©e boxe. Il y en a certains qui sont foyers d’accueil et il y a cinq, six mecs qui se retrouvent. Ça pourrait ĂȘtre l’occasion de se retrouver Ă  plusieurs autour d’un mĂȘme thĂšme. » Mme Auger. 205L’association fait un certain nombre de propositions d’animations, mais les habitants ont maintenant bien des offres dans la proximitĂ©. Certaines activitĂ©s danse, musique, théùtre, sport
 et leur encadrement par des professionnels les entraĂźnent de plus en plus vers l’extĂ©rieur. Donc les gamins de RezĂ©, ils se retrouvent tous par les activitĂ©s diversifiĂ©es du ChĂąteau de RezĂ© et puis les mamans, on se parle. [...] En fait, [je vais] au chĂąteau de RezĂ©, la MJC, oĂč ils organisent plein de choses, des concerts, etc. etc. Et Ă  cĂŽtĂ©, il y a l’espace convivial oĂč lĂ  il y a aussi des animateurs
 » Mme Saulnier. 206Au dĂ©part, l’offre en extĂ©rieur Ă©tait faible et la mobilitĂ© n’était pas aussi Ă©vidente, les activitĂ©s de l’association remportaient un certain succĂšs. Au cours des annĂ©es quatre-vingt, l’association, tout en perdant des militants et en voyant baisser la frĂ©quentation de ses clubs, a su s’adapter, pĂ©renniser certaines activitĂ©s et en proposer de nouvelles en fonction des opportunitĂ©s offertes par les habitants eux-mĂȘmes. 207L’époque actuelle amĂšne Ă©galement de nouvelles propositions. Par exemple en 2002, il y avait un nouveau club forme » et un club de conversation en espagnol succĂšdant Ă  un club d’anglais qui a Ă©tĂ© trĂšs actif et a permis la naissance d’amitiĂ©s. Quant au club d’espagnol actuellement on est une petite poignĂ©e de gens dont je fais partie, on discute en espagnol, voilĂ . Bah ça va repartir parce que lĂ  j’ai volontairement arrĂȘtĂ© pendant un mois, un mois et demi parce que je pouvais plus, mais ça va repartir mi-fĂ©vrier. Bah ils peuvent continuer mĂȘme sans moi, mais bon
 Bref
 Autrement, moi je me souviens, j’avais fait un club d’anglais et d’espagnol, y’a six ans. D’ailleurs, y’a une mĂȘme personne qui revient au club d’espagnol, [...] elle est mordue d’AmĂ©rique latine. Et puis on avait un club d’anglais et d’espagnol, et puis tu vois le club d’anglais on Ă©tait sept personne, je me souviens, et il a tournĂ© pendant plus de deux ans, mais hyper
 trĂšs Ă©nergique, c’est un club vraiment
 [...] Le club d’anglais, on venait, on parlait en anglais, on faisait de l’anglais, mais en conversation. Et on s’est liĂ© d’amitiĂ©, un groupe de gens, sept personnes, si tu veux de tous horizons, et on a terminĂ© notre club par un voyage Ă  Londres. Tu vois, on est parti une semaine, on est parti du Corbu, par contre, on a payĂ© chacun notre voyage, c’était pas l’association, mais ça part d’un club, et on a des souvenirs fabuleux ! » Mme Meira. 208Pour le club-forme, c’est une habitante qui met Ă  disposition des membres de l’association son propre matĂ©riel dans une des salles communes. Deux habitantes ont la clĂ© que viennent chercher les personnes qui veulent y aller. Oui. Tout le matĂ©riel est Ă  moi, il est toujours Ă  moi, je n’en ai pas fait don Ă  l’association. [...] En plus, ce matĂ©riel-lĂ  commençait Ă  m’encombrer donc j’ai demandĂ© Ă  la prĂ©sidente de l’association s’il n’y avait pas une salle Ă©ventuellement. C’était un essai, soit ça marchait, soit ça ne marchait pas, auquel cas je ramenais mon matĂ©riel chez moi et puis je faisais comme avant. Donc, j’ai dĂ» installer ça au mois de mai et moi je ne suis pas prof de sport donc je ne prends pas la responsabilitĂ© de donner des cours. Je peux donner des conseils Ă  certaines personnes parce que j’ai frĂ©quentĂ© des salles de sport pendant deux ans donc il y a des petites choses qu’on apprend, mais c’est vraiment sous la seule responsabilitĂ© de chacun. Le matĂ©riel est mis Ă  disposition et aprĂšs les gens
 Je tenais pas non plus Ă  instaurer une permanence parce que j’ai pas envie de me bloquer tel jour Ă  telle heure. » Mme Auger. 209En 2003, le rapport d’activitĂ© prĂ©cise qu’une vingtaine de personnes dont un noyau de cinq Ă  six hommes utilisent le matĂ©riel et que le club s’est enrichi de quatre nouveaux tapis de sol achetĂ©s pour un montant de huit euros par l’AHMR, d’un abdo trainer » donnĂ© par une habitante et d’un autre vĂ©lo d’appartement donnĂ© Ă©galement par une habitante ». Le succĂšs de ce club tient Ă  la fois aux nouvelles pratiques physiques qui relĂšvent plus de l’entretien du corps que de la pratique sportive elle-mĂȘme, et de sa facilitĂ© d’accĂšs. Il suffit de rĂ©server un crĂ©neau, de s’organiser pour passer prendre la clĂ©, on sort de chez soi en tenue et ensuite on rentre directement prendre sa douche Ă  la maison. 210En 2004, le club-peinture, accueille cinq habitants ; le club-brico-dĂ©co a vu passer une vingtaine de personnes. Dans la plupart des cas, l’animation est gĂ©rĂ©e de façon autonome par les membres du club, et les habitants, selon leur disponibilitĂ©, peuvent accĂ©der aux locaux. 211Il y a donc jusqu’à aujourd’hui toute une vie collective autour de l’animation socioculturelle. Jusque dans les annĂ©es soixante-dix, elle touchait plus d’habitants, elle Ă©tait plus organisĂ©e et plus militante. Aujourd’hui, la demande relĂšve de plus en plus du registre de la consommation d’un service comme un autre, qui est offert par un service public bibliothĂšque ou commercial centre de remise en forme et parfois par des associations du mouvement d’éducation populaire implantĂ©e Ă  l’échelle du quartier amicale laĂŻque, associations de quartier, maison pour tous
. Les habitants peuvent plus facilement satisfaire leurs besoins de loisirs Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble car ils sont plus mobiles et l’offre est plus diversifiĂ©e. L’association adapte ses propositions en essayant de les organiser par rapport Ă  la spĂ©cificitĂ© et Ă  l’intĂ©rĂȘt d’une activitĂ© interne Ă  la Maison Radieuse. La facilitĂ© d’accĂšs, un fonctionnement souple, l’interconnaissance sont autant d’atouts qui permettent de garder une certaine attractivitĂ© par rapport Ă  l’extĂ©rieur. 62 A. Degenne, Un langage pour l’étude des rĂ©seaux sociaux », dans Collectif, L’esprit des lieux. Lo ... 212En cumulant tous les petits groupes, l’association finit par toucher les membres d’une quarantaine de familles qui, en se retrouvant rĂ©guliĂšrement, tissent des liens sociaux durables voire d’amitiĂ© comme nous l’avons vu avec le club de langue. Une sorte de rĂ©seau de sociabilitĂ©s spĂ©cifiques internes Ă  l’immeuble existe et ce type de relations dĂ©passe le cadre d’un simple bon voisinage ». Dans sa typologie, Alain Degenne62 isole des relations qualifiĂ©es de nĂ©o-conviviales » qui prennent appui sur la vie associative et permettent de tisser des liens nombreux et peu intenses. Si cela peut ĂȘtre vrai pour la vie associative externe Ă  l’immeuble, en ce qui concerne l’AHMR, il faut inventer un nouveau type car la proximitĂ©, la durĂ©e, la fidĂ©litĂ© et l’anciennetĂ© caractĂ©risent au contraire des liens d’une certaine intensitĂ©, d’une certaine implication, d’un rĂ©el engagement. De la solidaritĂ© de classe Ă  l’aide sociale 63 Cette rĂ©partition des rĂŽles de sexe est trĂšs largement dĂ©montrĂ©e par ailleurs dans de nombreux trav ... 213Le comitĂ© d’Entraide en 1956 est le seul qui, au niveau du CA de l’association, est composĂ© d’une Ă©quipe mixte, les autres comitĂ©s sont masculins. Parmi les neuf Ă©lus au conseil d’administration de l’association, jusque dans les annĂ©es 70-80, il y aura toujours entre une et trois femmes Ă©lues qui prendront en charge ce qui relĂšve du social63. Pendant plusieurs annĂ©es, ce comitĂ© est renforcĂ© par le soutien de deux habitantes assistantes sociales. 214Le comitĂ© s’occupe au dĂ©but des problĂšmes posĂ©s par les grandes grĂšves de 55. Sous forme de prĂȘts d’honneur ou de prĂȘts de secours, il permet aux familles prises dans la tourmente du mouvement social de subvenir Ă  leurs besoins. L’argent prĂȘtĂ© est puisĂ© dans la rĂ©serve constituĂ©e par les recettes des fĂȘtes. Une aide individualisĂ©e est proposĂ©e aux familles. 64 R. Castel, Les mĂ©tamorphoses de la question sociale, une chronique du salariat, Ă©d. Fayard, Paris, ... 215En mai 1959, l’association dĂ©cide de mettre fin aux prĂȘts d’argent et opte pour l’organisation de dons sous forme de colis. À ce moment, le refus de se substituer Ă  ce qui pourrait s’apparenter Ă  une caisse de grĂšve est nettement affichĂ©. Par contre, une activitĂ© de solidaritĂ© de proximitĂ©, sur le modĂšle du secours populaire, ou du secours catholique, est maintenue. Tout se passe comme si une forme de solidaritĂ© de classe disparaissait au profit de l’aide sociale. Le mouvement syndical Ɠuvre par ailleurs pour assurer le dĂ©veloppement des organismes sociaux chargĂ©s de redistribuer, sous diverses formes d’allocations, des aides sociales64 le soutien direct entre soi est peu Ă  peu mis Ă  distance par diverses formes d’institutionnalisation. 216Alors qu’à sa crĂ©ation, le comitĂ© semble avoir une vocation de solidaritĂ© assez large, trĂšs vite elle est abandonnĂ©e au profit d’un certain pragmatisme social de soutien. Il ne s’agit plus de se serrer les coudes dans la lutte et donc, d’une certaine façon, de soutenir la lutte mais de s’aider entre voisins. L’identitĂ© d’habitant vient supplanter l’identitĂ© de classe. Les grĂšves de l’étĂ© 55 ont eu une rĂ©sonance dans l’immeuble, mais il semble qu’on n’entendra plus ce genre d’échos par la suite. Par exemple, autour de mai 1968, aucun Ă©lĂ©ment dans les archives de l’association ne nous indique qu’il y a de l’agitation dans le monde social. Pourtant le militantisme n’a pas complĂštement disparu puisque les mouvements fĂ©ministes et Ă©cologistes font entendre leur voix dans l’immeuble au cours des annĂ©es soixante-dix. 65 Le dĂ©pouillement des archives de l’association a Ă©tĂ© effectuĂ© dans la cuisine de l’appartement serv ... 217Peu Ă  peu, les formes de solidaritĂ© interne prendront l’aspect d’échanges de services entre femmes, voire de services sociaux. DiffĂ©rentes formes de soutien sont organisĂ©es. Ce comitĂ© proposera des cours de couture, une permanence mĂ©nagĂšre, une permanence pour la mise Ă  jour des vaccins des enfants. En ce qui concerne le prĂȘt Ă©lectromĂ©nager, il y aura quelques propositions, par exemple, l’acquisition d’aspirateurs, de machines Ă  tricoter mais cela ne sera pas concrĂ©tisĂ©, contrairement au service des cireuses qui a fonctionnĂ© dĂšs le dĂ©part. Il s’agissait d’un parc de machines utiles et adaptĂ©es Ă  l’entretien du sol qui existait dans les appartements avant que le carrelage et la moquette viennent le recouvrir. En 1969, il y a toujours 63 utilisateurs habituels, ce qui conduit Ă  assurer un renouvellement et un entretien des machines. En 1975, on en dĂ©nombre encore 44. Aujourd’hui, il existe toujours une cireuse qui n’est plus utilisĂ©e par personne. En Ă©lectromĂ©nager, l’association dispose encore d’une machine Ă  coudre, utilisĂ©e ponctuellement, par exemple par une mĂšre de famille pour faire les dĂ©guisements de ses enfants65. 218Tous les services de ce comitĂ© ont peu Ă  peu disparu, une seule activitĂ© a rĂ©ussi Ă  traverser les cinq dĂ©cennies le vestiaire », créé en 1959. Il deviendra, en 1975, le club-vĂȘtements ». On y Ă©change des vĂȘtements et des jouets. Dans les tĂ©moignages recueillis lors de notre enquĂȘte en 2002-2003, quelques personnes tiennent Ă  prĂ©ciser qu’elles donnent au club, comme s’il Ă©tait nĂ©cessaire de se dĂ©marquer de ceux qui reçoivent. Bon, bah, c’est vrai que par exemple le local Troc des vĂȘtements » nous on est plutĂŽt dans le donner que dans le recevoir. Donc on va donner des vĂȘtements, mais c’est vrai qu’on ne frĂ©quente pas dans l’autre sens quoi. » M. Marlin. 219Peu Ă  peu l’esprit de solidaritĂ© qui existait entre Ă©gaux a Ă©tĂ© supplantĂ© par une relation plus inĂ©galitaire oĂč les donateurs souhaitent se distinguer de ceux qui sont dans le besoin. Dans notre enquĂȘte, les premiers sont plutĂŽt propriĂ©taires. Parmi les seconds, une femme vivant seule avec deux petites filles, sans emploi, locataire, souligne que ce club Ă©tait pratique » pour tous les vĂȘtements d’enfants, pour faire des Ă©changes ». Elle prĂ©cise que souvent les enfants ont grandi avant d’avoir usĂ© leur vĂȘtement et qu’elle s’y rend comme dans une bourse aux Ă©changes dans l’esprit de ce qu’a voulu l’association. Ah oui, parce que je ne peux pas encore ĂȘtre bĂ©nĂ©vole, mais on y va rĂ©guliĂšrement, presque toutes les semaines au dĂ©pĂŽt de vĂȘtements, on dĂ©pose des sacs. Enfin, lĂ , j’y vais un peu moins parce que maintenant, comme mes filles, elles ont grandi, c’est moche. On trouve surtout pour les bĂ©bĂ©s, enfin, on trouve pour les plus grands mais c’est
 [
] C’est un systĂšme d’échanges, mais c’est vrai que c’est des vĂȘtements classiques donc quand ils arrivent Ă  onze ans, des fois, c’est plus difficile. Ou alors on va trouver un t-shirt qui va plaire mais
 Il y a beaucoup plus, pour les garçons, c’est plus facile, je trouve. » Mme Simon. 220Autour de cette activitĂ©, cohabitent des pratiques qui se diffĂ©rencient, mais aussi des valeurs et des raisons d’agir tout aussi diffĂ©rentes. Les uns sont dans le registre de la charitĂ©, les autres se situent plus au niveau de la solidaritĂ© et enfin il y a les bĂ©nĂ©ficiaires » de cette aide. Mais ces derniers, mĂȘme s’ils participent pour des raisons Ă©conomiques, assument dans le registre du don/contre don on ne vient pas uniquement pour consommer de l’aide, on apporte aussi sa contribution. L’évolution de la composition sociale des habitants a conduit Ă  cette situation on est passĂ© d’une situation oĂč l’homogĂ©nĂ©itĂ© sociale permettait de se situer dans le registre de l’entraide, Ă  une situation d’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© sociale autour d’un clivage entre aidants et aidĂ©s. 221Le rapport d’activitĂ© de 2004 signale que les dons de vĂȘtements sont toujours importants. Plusieurs fois dans l’annĂ©e des dizaines de sacs sont remis Ă  EmmaĂŒs et au Relais ». Le club change peu Ă  peu de nature avec une solidaritĂ© qui sort de l’immeuble vers d’autres associations. Mais on perçoit aussi diverses Ă©volutions sociales avec des enfants qui, adolescents, ne veulent pas porter de l’occasion » mais des vĂȘtements neufs, Ă  la mode et de prĂ©fĂ©rence dont on peut reconnaĂźtre la marque ». Le club-vĂȘtements devient une sorte de centre de tri et de rĂ©cupĂ©ration qui bientĂŽt ne pourra mĂȘme plus Ă©couler ses surplus. Le recyclage des vĂȘtements devient plus cher que le neuf Ă  bas prix importĂ© de diffĂ©rents pays en voie de dĂ©veloppement oĂč la production s’est dĂ©localisĂ©e. 222On peut lire, autour de l’évolution des activitĂ©s de ce comitĂ©, diffĂ©rents glissements dans l’organisation de la vie collective. Comme pour les autres comitĂ©s, il y a eu un phĂ©nomĂšne d’externalisation de la solidaritĂ©, en particulier de celle qui est liĂ©e aux conflits du travail. L’association s’est spĂ©cialisĂ©e » dans la solidaritĂ© de proximitĂ©, l’organisation du soutien entre soi, entre voisins qui Ă©taient des Ă©gaux ». Aujourd’hui, on a plutĂŽt affaire Ă  des inĂ©gaux », les uns donnant Ă  ceux qui ont moins. Un Ă©cart social s’est creusĂ© entre les habitants. Mais, dans l’association, il reste un esprit et une volontĂ© de niveler cet Ă©cart par le dĂ©veloppement des activitĂ©s de rencontres et d’échanges entre tous les habitants, quel que soit leur statut. MĂȘme si l’association parvient Ă  faire en sorte que des contacts s’établissent entre les catĂ©gories d’habitants, la volontĂ© ne suffit pas toujours Ă  faire tomber les barriĂšres sociales, en particulier pour tous ceux qui restent en dehors de l’association et ne se retrouvent donc pas confrontĂ©s Ă  cette forme de sociabilitĂ© qui permet une prise de contact qui dĂ©passe les clivages sociaux habituels. Vie en plein air et nature 223Le parc Ă©voquĂ© Ă  plusieurs reprises comme lieu de sociabilitĂ©s dans les chapitres prĂ©cĂ©dents est aussi un espace qui a permis Ă  l’association de dĂ©velopper diffĂ©rents types d’activitĂ©s qui relĂšvent d’un autre registre que le simple niveau d’échanges et de rencontres entre habitants. 224Au dĂ©part, le comitĂ© de plein air est chargĂ© de l’amĂ©nagement du parc et du dĂ©veloppement des activitĂ©s sportives. Le terrain vague d’aprĂšs chantier se transforme peu Ă  peu en un lieu de vie possible. Un nettoyage gĂ©nĂ©ral de l’étang et du parc s’impose. L’équipe en charge du dossier prĂ©pare des propositions d’amĂ©nagement sur plans et les expose dans le hall pour avis et consultation des habitants. Ils auront trois ou quatre lettres de remarques en retour. En 1956 comme aujourd’hui, les enquĂȘtes consultatives des habitants n’ont rien d’évident. Et pourtant, nous aurions pu croire qu’à l’époque les citoyens participaient davantage, surtout dans cet immeuble oĂč ils semblent plus militants », oĂč on les supposerait plus concernĂ©s en raison de leur statut de locataire-coopĂ©rateur. En fait, quelques-uns sont particuliĂšrement actifs et entraĂźnent une dynamique qui trouve ses limites quand ils demandent Ă  l’ensemble des habitants de participer. Devant l’ampleur de la tĂąche, dans un contexte oĂč l’AHMR cherche ses marques et n’est pas encore prĂȘte Ă  gĂ©rer un Ă©quipement de ce type, trĂšs vite, dĂšs 1957, la responsabilitĂ© de l’amĂ©nagement du parc est cĂ©dĂ©e Ă  la Maison Familiale MF. Sur cette question, l’association se limitera Ă  un rĂŽle de force de propositions » au nom des habitants auprĂšs de la MF, avant de reprendre la main dans les annĂ©es soixante-dix. 66 Extrait du rapport moral, AG 21 juin 1957. 225MĂȘme si, dans un premier temps, l’association abandonne la responsabilitĂ© de l’amĂ©nagement, elle continue Ă  se soucier de l’animation de cet espace. Le souci hygiĂ©niste » de l’architecte est relayĂ© par l’AHMR, en particulier pour les enfants, dont la bonne santĂ© et la bonne Ă©ducation passent de plus en plus, dans les annĂ©es cinquante, par une activitĂ© physique en plein air Dans l’immeuble vivent 600 enfants de moins de 12 ans dont nous sommes collectivement responsables et Ă  qui nous devons assurer, dans les prochaines annĂ©es, des loisirs sains. [...] Nos gosses nous regardent vivre et sauront bien nous juger sur nos rĂ©alisations66. » L’enjeu immĂ©diat pour l’association est d’offrir Ă  tous ces enfants des espaces oĂč ils seront occupĂ©s, oĂč ils pourront se dĂ©fouler dans un contexte oĂč l’offre d’activitĂ©s sportives en dehors est limitĂ©e. 226Le parc fera l’objet dans un premier temps d’amĂ©nagements classiques comme la plantation d’arbres et le montage d’un portique. Puis l’association fera pression sur la MF pour un choix d’investissement plus ambitieux avec la crĂ©ation de 1000 m2 en agglomĂ©rĂ© Ă  chaud » pour pouvoir faire du skating, rink-hocket » sic, basket, volley-ball et handball piste unique dans la rĂ©gion par ses dimensions, son confort et son cadre ». Mais l’équipement ne fait pas tout et le skating n’est pas beaucoup utilisĂ©. En 1961, toujours dans l’euphorie de l’amĂ©nagement, diffĂ©rents projets sont Ă©tudiĂ©s un stade, une piscine, mais ils ne seront jamais concrĂ©tisĂ©s. 227Par ailleurs, de façon concomitante, l’association dĂ©cide d’apporter son soutien Ă  la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© omnisports pour l’agglomĂ©ration RezĂ©-bourg. L’AHMR montre ici qu’elle externalise son investissement dans cet aspect de la vie sociale. 228Dans l’idĂ©al de la citĂ© radieuse, certains Ă©quipements devaient ĂȘtre communs Ă  un ensemble d’unitĂ©s d’habitation et non pas ĂȘtre propres Ă  un seul immeuble. Par consĂ©quent, l’association abandonne l’organisation des activitĂ©s physiques et sportives au profit des associations sportives spĂ©cialisĂ©es et renonce Ă  la crĂ©ation des Ă©quipements qui relĂšve dorĂ©navant de la responsabilitĂ© et de l’investissement des collectivitĂ©s territoriales. 67 G. Ragot et M. Dion, Le Corbusier en France, projets et rĂ©alisation, Ă©d. le Moniteur, Paris, 1997, ... 229L’association, lors de ses premiĂšres annĂ©es d’existence, prend en charge la totalitĂ© des problĂšmes, autant dans leur dimension pratique que philosophique ». Puis peu Ă  peu, le dĂ©veloppement des services Ă  l’extĂ©rieur de la Maison Radieuse, qu’elle soutient, l’amĂšne Ă  se dĂ©gager d’un certain nombre de responsabilitĂ©s pour se consacrer Ă  des activitĂ©s rĂ©servĂ©es aux seuls habitants. En faisant ce choix, l’association est fidĂšle au projet global de Le Corbusier67. L’AHMR a assurĂ© l’émergence pour ses habitants des services et ensuite elle a soutenu le dĂ©veloppement des activitĂ©s et des Ă©quipements pour tous les habitants Ă  l’échelle du quartier, de la commune. Pour certaines pratiques sportives, comme pour les pratiques socioculturelles, les habitants sont amenĂ©s Ă  Ă©tendre leur rĂ©seau de sociabilitĂ© en dehors de la Maison Radieuse et cela empĂȘche un esprit communautaire, clanique de s’installer au profit d’une ouverture enrichissante. Cette politique de l’association est conforme aux prĂ©conisations de Le Corbusier. 230Mais le parc n’avait pas pour seule utilitĂ© de permettre les activitĂ©s physiques et sportives. Les habitants l’utilisent au quotidien de façon informelle, pour s’y promener. Il sera aussi investi par des activitĂ©s de plein air d’une autre nature. 231Ainsi dĂšs le dĂ©but il y a une animation autour de l’étang. En 1960, deux journĂ©es de pĂȘche ont rassemblĂ© les amateurs. Un groupe d’habitants s’occupe de son entretien et de son alevinage. MĂȘme si, par la suite, quelques parties de pĂȘche sont encore organisĂ©es au moment de la fĂȘte des habitants, l’activitĂ© qui rĂ©gnait autour de l’étang va perdre de son intensitĂ©. 232Peu Ă  peu, l’étang devient une mare aux canards. La multiplication des oiseaux va entraĂźner quelques problĂšmes. Un habitant ayant des fenĂȘtres qui donnent au-dessus de la mare, ne supporte plus de les entendre cancaner Ă  longueur de temps et va tenir l’association pour responsable de son inconfort. À dĂ©faut de trouver un terrain d’entente, il menacera de les tuer Ă  coups de fusil. Quelques oiseaux seront retrouvĂ©s morts. L’association dĂ©pose une plainte, mais aprĂšs enquĂȘte, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas morts par balles ! 233Ces faits montrent l’existence d’une vie villageoise avec parfois des conflits d’intĂ©rĂȘts. Ils rappellent le rĂŽle de co-gestionnaire de l’association qui s’est engagĂ©e dans ses statuts Ă  veiller au bien-ĂȘtre des habitants et qui est prise Ă  partie sur tous les aspects de la vie collective. 68 Ouest-France, 28 mars 2005. Avec l’approche du cinquantenaire, la presse locale consacre rĂ©guliĂšrem ... 234Avec la pĂȘche, les oiseaux, l’idĂ©e que la nature est dans la ville s’impose. Et cela deviendra une prĂ©occupation Ă  part entiĂšre d’un des clubs de l’association. Le club-nature » regroupant les activitĂ©s autour du parc et son amĂ©nagement est créé depuis 1971. Il est tournĂ© vers les questions Ă©cologiques et en particulier l’accueil et l’observation des oiseaux. Il obtiendra en 1972 de la Ligue de la protection des oiseaux que le parc soit reconnu comme refuge. Il s’agit de la pĂ©riode la plus militante de la Maison Radieuse qui laissera en hĂ©ritage ce classement aux gĂ©nĂ©rations futures. Un habitant membre de la Ligue de protection des oiseaux les observe et les recense encore aujourd’hui Il a comptĂ© pas moins de six espĂšces de mĂ©sanges, trois sortes de pics et de bergeronnettes. Il a Ă©galement aperçu des grives, des huppes [
] des hĂ©rons, des aigrettes, des cormorans, des grues cendrĂ©es. [
] Autre curiositĂ© des perroquets et des perruches Ă©chappĂ©s de leur captivitĂ© ont trouvĂ© Ă  s’adapter68. » 235De l’activitĂ© pĂȘche Ă  la protection des oiseaux, le rapport Ă  la nature a changĂ© et il est devenu plus de l’ordre de la protection de l’environnement. Ce souci de la prĂ©servation des espaces naturels va cristalliser un conflit au sein de l’association en particulier contre l’envahissement des automobiles. Comme nous l’avons vu au chapitre II, un problĂšme d’extension du parking va se poser et en fait, il se cristallisera, au sein de l’association, autour d’une opposition entre les gestionnaires et le club-nature. 236Ensuite, les activitĂ©s en extĂ©rieur vont se diversifier. Le club-nature assure, avec l’aide des habitants, l’entretien du parc. Cette activitĂ© nĂ©cessite des moyens et suscite des dĂ©bats. Un nouvel habitant qui rĂ©sidait depuis son enfance Ă  proximitĂ© de l’immeuble est entrĂ© Ă  la Maison Radieuse par le biais de son activitĂ© militante pour l’environnement En fait, j’habitais avant juste Ă  cĂŽtĂ©, et ce bĂątiment [
] je le connais, depuis tout petit, mais je n’avais jamais pensĂ© qu’un jour j’aurais pu y habiter, quoi. C’est en fait en septembre 1998, j’avais lancĂ© une opĂ©ration de nettoyage sur l’environnement, et quelqu’un qui habite ici avait fait la mĂȘme chose. Moi mon projet Ă©tait passĂ© avec comme sponsor le Leclerc Ă  Atout Sud Ă  cĂŽtĂ©, et la personne qui travaillait ici n’avait pas eu ce sponsor. En fait, c’était moi qui l’avait eu et donc aprĂšs il m’avait contactĂ© et par le biais de cette personne, en fait en octobre 1998, j’ai commencĂ© en fait Ă  m’occuper du club-nature ici. Et ensuite en janvier 1999 pour une raison personnelle, en fait j’ai emmĂ©nagĂ© ici, et j’ai continuĂ© Ă  m’occuper du club-nature ici. » M. Kerhoas. 237Des campagnes de sensibilisation amĂšnent les citoyens les plus actifs Ă  dĂ©velopper des projets, des initiatives qui trouvent un soutien matĂ©riel auprĂšs d’entreprises, de groupes ou d’enseignes commerciales. Ces derniĂšres dĂ©veloppent aussi de nouvelles pratiques, comme la suppression des sacs plastiques, qui visent tout autant Ă  protĂ©ger l’environnement qu’à leur assurer une image positive en termes de communication marketing. Avec cet exemple trĂšs local, on observe le passage de la dimension Ă©cologique Ă  la dimension environnementaliste et l’intĂ©gration de cette problĂ©matique Ă  un espace socio-Ă©conomique beaucoup plus large que le militantisme Ă©cologique plus politique de la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente. 238Le militantisme politique des annĂ©es soixante-dix a disparu, mais le club-nature apparaĂźt encore aujourd’hui comme celui oĂč se confrontent des habitants autour de systĂšmes de valeurs qui pourraient apparaĂźtre comme politiques mais qui, au fond, sont plutĂŽt des oppositions sociales et culturelles. Des Ă©cologistes de salon, Ă  mon avis, ce sont des gens qui ont
 qui vont chercher leurs leçons dans des bouquins, mais qui restent thĂ©oriques, qui ont aucun sens pratique, aucun savoir pratique. Par exemple la nature, elle se respecte ; mais elle s’amĂ©nage. Par exemple, ici, j’avais pris l’initiative de faire un Ă©lagage des arbres pour donner de la perspective euh
 couper les ronces qui prolifĂšrent autour du champ. Bah vous voyez, c’est un scandale si vous coupez un brin de ronce ou un rien euh
 c’est un scandale. Alors ce que j’appelle ce type de personnes, je les appelle des Ă©cologistes intĂ©gristes. [Rires] Ils ne comprennent rien Ă  l’environnement. Alors moi, travailler
 Moi je suis un homme de pratique, un homme de terrain, travailler avec ce genre de personnes qui ramĂšnent leur science devant tout le monde et qui sont complĂštement Ă  cĂŽtĂ© de la plaque, alors moi, j’ai laissĂ© courir ! » M. Chatillon. 239Les habitants n’ont pas tous le mĂȘme point de vue sur la façon d’entretenir le parc. Cet habitant dit avoir le sens pratique, et ĂȘtre partisan d’un nettoyage systĂ©matique. D’autres ont des thĂ©ories sur la nature sauvage et proposent des expĂ©rimentations pour un parc plus naturel. Un entretien sommaire permet Ă  la nature de reprendre ses droits et au parc de jouer son rĂŽle de rĂ©serve pour les oiseaux. Cette conception dĂ©fendue par le club-nature est opposĂ©e Ă  celle de M. Chatillon dont la logique serait plus celle du jardin public urbain. Mais l’hostilitĂ© que ce dernier exprime Ă  l’égard des livres, de la thĂ©orie, auxquels il oppose sa pratique, son expĂ©rience de terrain rĂ©vĂšle qu’il y a aussi une opposition sociale, culturelle, en fait une opposition de classe et de gĂ©nĂ©ration. 240Cette opposition se retrouve dans la conception des jardins familiaux. Avec le club-nature, le projet des jardins familiaux est revenu au goĂ»t du jour en 2003. Les habitants ont commencĂ© par se rĂ©approprier et nettoyer l’espace au fond du parc qui avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ© au milieu des annĂ©es soixante-dix pour le stationnement des caravanes. Depuis quelques annĂ©es, il Ă©tait laissĂ© en friche, les habitants, suite Ă  divers actes de vandalisme, ayant prĂ©fĂ©rĂ© parquer leurs caravanes et, maintenant, leurs camping-cars dans des hangars fermĂ©s. Donc, aprĂšs une dĂ©cennie, voire deux d’abandon, cet espace est revenu Ă  la nature. Il a Ă©tĂ© bĂȘchĂ© collectivement et divisĂ© en un nombre de parcelles Ă©quivalant au nombre de familles intĂ©ressĂ©es par l’activitĂ©, plus une pour l’école. Une vingtaine de petits carrĂ©s d’environ 4 mĂštres sur 4 sont dessinĂ©s et attribuĂ©s. D’un cĂŽtĂ©, on voit sortir de terre des rangs de lĂ©gumes bien alignĂ©s, la majoritĂ© des habitants optant pour un potager classique. De l’autre, quatre familles dĂ©cident de regrouper leurs parcelles pour faire un jardin commun, mais un jardin d’agrĂ©ment. Elles commencent par faire du terrassement, elles creusent des chemins et amĂ©nagent des monticules sur lesquels elles plantent et sĂšment un mĂ©lange de fleurs et de lĂ©gumes. Quelques Ă©changes avec les uns et les autres permettent de repĂ©rer que ces familles sont plus jeunes, plus diplĂŽmĂ©es que les autres et propriĂ©taires. Les premiers sont plus ĂągĂ©s, plutĂŽt locataires ou anciens habitants. Leur diffĂ©rence de pratique fait l’objet d’échanges, de moqueries bon enfant », de part et d’autre, chacun prodiguant des conseils Ă  sa façon. Dans cette pratique, on peut lire la diffĂ©renciation sociale, mais il est surtout intĂ©ressant et rare de pouvoir observer leur cohabitation, leur proximitĂ©. Les habitants eux-mĂȘmes la perçoivent, mais ils n’en font pas une lecture idĂ©ologique en termes d’opposition de classe, soit parce que le fait qu’ils appartiennent au mĂȘme monde social leur apparaĂźt Ă©vident, ou alors parce que, en tant que membre de l’association, ils sont porteurs d’un systĂšme de valeurs commun Ă©galitaire. 241Quelle que soit l’activitĂ© observĂ©e, l’externalisation, les Ă©volutions militantes, sociales et politiques sont significatives pour comprendre les sociabilitĂ©s collectives d’aujourd’hui. Les membres de l’association ont une façon de vivre ensemble dans l’immeuble comme une grande famille » qui tente sans cesse d’intĂ©grer autant que possible le plus grand nombre d’habitants. La salle polyvalente et les fĂȘtes 242L’association fait en sorte que les habitants se rencontrent au cours d’activitĂ©s diverses mais elle propose aussi des rencontres Ă©largies sans condition d’adhĂ©sion dans un cadre festif. Elle disposait auparavant d’un Ă©quipement trĂšs utile pour remplir cette fonction la salle polyvalente. Ce n’est pas Le Corbusier qui a dessinĂ© ce petit hangar, aujourd’hui trĂšs vĂ©tuste, situĂ© Ă  proximitĂ© du parking Nord. Pourtant, il a imaginĂ© qu’aux pieds des immeubles, on devait trouver ce type de lieu. 243Cette salle a rempli plusieurs fonctions un espace de renvoi pour bricoler les habitants ne disposant pas de garages individuels ou de cave, l’accueil de la vie associative mais aussi l’accueil de toutes sortes de fĂȘtes familiales privĂ©es. Elle a servi, oui, oui, d’abord il y a le gros bricolage lĂ , il y a un atelier, et puis elle Ă©tait louĂ©e pour des fĂȘtes de famille aux adhĂ©rents de l’association, hein, parce que effectivement on peut difficilement avoir quinze personnes Ă  manger dans les appartements, c’est impossible
 [...] Il y avait une demande, elle Ă©tait louĂ©e pour des baptĂȘmes, des communions, des mariages. On a fait le vin d’honneur du mariage de ma sƓur dans cette salle, c’était pratique. Mais il y a un manque lĂ , bon y’a un projet de rĂ©novation etc. Mais c’est vrai que je pense qu’il y avait une vraie utilitĂ©, oui, et puis elle a le mĂ©rite d’ĂȘtre Ă  l’extĂ©rieur, au niveau du bruit on n’a pas les mĂȘmes nuisances que dans les locaux intĂ©rieurs. » Mme Bialas. 244Les habitants pouvaient ainsi recevoir toute leur famille. La vie en appartement en ville ne permet pas de pĂ©renniser ce genre de sociabilitĂ© familiale oĂč la famille Ă©largie peut se retrouver autour d’évĂ©nements importants. Pour la population migrante, dĂ©racinĂ©e, pouvoir bĂ©nĂ©ficier prĂšs de chez soi d’un lieu pour accueillir tous les siens contribue Ă  valoriser leur nouvelle vie, son confort, sa qualitĂ©. Et indirectement, tous les voisins participent Ă  cette fĂȘte qui jalonne un Ă©vĂ©nement de la vie familiale. Il y a eu aussi des rĂ©veillons du premier de l’an, organisĂ©s par l’association. Dans les cahiers de comptes-rendus, on en trouve la trace en particulier dans les annĂ©es quatre-vingt par exemple 39 personnes sont inscrites en 1985. Cette vie sociale va disparaĂźtre avec la limitation de l’accĂšs Ă  cette salle pour des raisons de sĂ©curitĂ©. 245Actuellement, elle ne sert qu’exceptionnellement. C’est lĂ  par exemple que se sont retrouvĂ©s les habitants pour confectionner les grandes banderoles qui ont Ă©tĂ© accrochĂ©es aux façades pour protester contre la fermeture de la Poste. C’est lĂ  aussi que viennent encore de temps en temps les bricoleurs » qui entreprennent des gros travaux et n’ont pas de place dans leur appartement, ni d’espaces de renvoi. C’est aussi lĂ  que l’association stocke bancs, trĂ©teaux et planches que l’on sort pour la fĂȘte des habitants en juin. 246Ce local ne rĂ©pond plus aux normes de sĂ©curitĂ© exigĂ©es aujourd’hui. Pourtant les habitants le regrettent car il Ă©tait possible d’y faire des activitĂ©s plus bruyantes que dans les salles communes situĂ©es dans l’immeuble, il Ă©tait possible d’y ĂȘtre plus nombreux. Le Corbusier avait imaginĂ© ce type d’équipement pour ses citĂ©s, mais jamais il n’a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© alors qu'il correspond manifestement Ă  un besoin et Ă  une demande qui ne se sont pas dĂ©mentis au fil du temps. [La salle du] niveau onze [ex tĂ©lĂ©-club], c’est-Ă -dire deux niveaux en dessous de celui-ci, oĂč quand on fait la fĂȘte des enfants au mois de dĂ©cembre
 [
] Ça caille un peu et puis c’est surtout que ça rĂ©sonne quoi. Mais lors de la fĂȘte des enfants, il faut reconnaĂźtre que c’est, enfin, moi, c’est mon avis mais je ne pense pas ĂȘtre la seule Ă  penser ça, c’est assez dĂ©sagrĂ©able parce que les gamins sont lĂ  pour s’amuser donc ils parlent, ils crient, ils rient, et ça rĂ©sonne vite et on en a vite ras le bol. [
] Ah bah moi, la salle polyvalente, je la trouve magnifique. Comme ça, juste comme ça, parce que ça avait soulevĂ© une grosse polĂ©mique au moment de la fĂȘte des enfants parce que deux ou trois personnes Ă©taient d’accord pour faire le nĂ©cessaire dans la salle polyvalente, la dĂ©corer pour accueillir les enfants, qu’il y ait de l’espace. Et puis on a senti une certaine rĂ©sistance d’autres personnes pour que ça ait encore lieu dans cette salle du niveau onze dans les mĂȘmes conditions que les autres annĂ©es. [
] Je pense que rĂ©nover la salle polyvalente ça pourrait ĂȘtre quelque chose de trĂšs, trĂšs sympa, oui. » Mme Auger. 69 Proposition soumise par la vice-prĂ©sidente du conseil syndical, octobre 2002. 247Au moment de l’enquĂȘte, le thĂšme de la salle polyvalente » revient souvent dans les propos des personnes interrogĂ©es car des discussions sont en cours au syndic pour la mettre aux normes ou en construire une autre. Une habitante Ă©lue au syndic propose au conseil un projet permettant de revisiter et de traiter » en vue du cinquantenaire, l’ensemble des espaces communs et en particulier les espaces extĂ©rieurs Projet pour la Maison Radieuse de RezĂ©, Cinquante ans l’ñge idĂ©al pour un lifting69 ». Dans ce projet l’idĂ©e de maintenir l’actuelle salle polyvalente dans ses fonctions est abandonnĂ©e un transfert des garages Ă  vĂ©los est proposĂ©, un de ces derniers pouvant ĂȘtre transformĂ© en local de rĂ©purgation et l’autre dĂ©truit pour y implanter une nouvelle salle. Nous pourrions imaginer qu’elle soit Ă©quipĂ©e d’un bar gĂ©rĂ© par l’AHMR et d’un espace modulable permettant Ă  la fois d’organiser des fĂȘtes, rĂ©unions, spectacles. Ce pourrait ĂȘtre un lieu convivial ouvert pendant certains crĂ©neaux horaires les week-ends oĂč les habitants pourraient venir prendre un cafĂ© ou une boisson sans alcool. Elle pourrait Ă©galement comme cela se faisait par le passĂ© ĂȘtre louĂ©e aux habitants pour les rĂ©unions familiales ». Il n’est donc pas question d’abandonner l’idĂ©e d’avoir un lieu de vie collective. Ce projet optimiste soulignait qu’il restait 30 mois avant le cinquantenaire pour le rĂ©aliser, mais c’était sans compter sur diverses rĂ©sistances et notamment Ă  propos de son coĂ»t. En rĂ©ponse Ă  cette difficultĂ©, les habitants vont se tourner vers la mairie. Mais ces discussions n’aboutiront pas, en partie parce que se pose alors le problĂšme de savoir si on fait une salle de quartier ou une salle rĂ©servĂ©e Ă  l’usage des habitants. Parce que oui, je voudrais bien une salle en bas mais qui soit faite par la mairie de RezĂ©. Qui soit construite par la mairie de RezĂ©, qui soit ouverte Ă  tout le quartier et que ce soit une salle associative oĂč les jeunes puissent aller au lieu de traĂźner dans les couloirs. Ça je suis vraiment pour qu’il y en ait une mais je suis absolument contre que ce soit les habitants du Corbusier qui la fassent construire, qui la payent et qu’elle soit rĂ©servĂ©e uniquement pour eux. » Mme VillĂšle. 248Un peu comme le hall dĂ©sertĂ©, cette salle est comme le vestige d’une pĂ©riode passĂ©e oĂč se dĂ©roulait une vie sociale plus dense. Mais cette forme de vie collective n’a pas totalement disparu avec l’impossibilitĂ© utiliser cette salle. Heureusement, la fĂȘte des habitants se passe en Ă©tĂ© et en extĂ©rieur, par consĂ©quent son dĂ©roulement n’a pas Ă©tĂ© remis en cause mĂȘme si il s’est modifiĂ©. 70 Nous avons vu prĂ©cĂ©demment qu’à cette pĂ©riode cela avait servi Ă  financer l’aide aux grĂ©vistes et p ... 71 Extrait du compte-rendu du CA du 8 septembre 1981, intitulĂ© dĂ©roulement de la fĂȘte de septembre » 249En effet, tous les ans depuis la fĂȘte de l’inauguration, ce rendez-vous a lieu. Le rapport moral de juin 1957 fait Ă©tat d’un Ă©chec de la fĂȘte de juin 1956 qui se rĂ©vĂšle dĂ©ficitaire et il rappelle la prĂ©occupation de l’équilibre des ressources de l’association70. Dans ces fĂȘtes, l’association tient un bar payant ou vend des mets » comme des pĂątisseries maison, des sandwichs, ce qui sert Ă  financer les activitĂ©s de l’association. Jusqu’au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt, les fĂȘtes se dĂ©rouleront sur tout un week-end plus ou moins sous la forme suivante le samedi aprĂšs-midi toutes sortes d’activitĂ©s se chevauchent, se succĂšdent il y a un concours de pĂȘche dans l’étang inscription 1franc pour les enfants et 2 francs pour les adultes ; en mĂȘme temps se dĂ©roule le marchĂ© biologique ; Ă  15 h 00, un match de volley-ball inscription 1franc par personne se dĂ©roule ainsi qu’un concours de boules et un Gymkhana 1 franc par personne. Un buffet et une buvette sont tenus et une sonorisation de la fĂȘte assurĂ©e par Radio Atlantique. De 20 h 30 Ă  1 h 00 du matin, c’est le bal du samedi soir. Le dimanche, on organise un pique-nique et des animations pour les enfants71. 250Aujourd’hui, les habitants ne se retrouvent qu’un seul jour. Ils dressent contre le pignon extĂ©rieur de la salle polyvalente quelques armatures en fer pour y installer le bar et le stand de la sono. On sort les barbecues Ă  l’usage de tous, des bidons coupĂ©s en deux et montĂ©s sur des pieds. On dispose les bancs et les tables sous les arbres. Le matin, les enfants sont invitĂ©s Ă  participer Ă  une bourse aux jouets », l’aprĂšs-midi un tournoi de pĂ©tanque et des tours de poneys dans le parc occupent ceux qui le souhaitent, les autres surtout des femmes restant palabrer » Ă  l’ombre sous les arbres. Ce rendez-vous annuel permet Ă  une cinquantaine de personnes de se retrouver. Ils Ă©taient un peu plus nombreux au cours de l’étĂ© 2004. Bah, chaque annĂ©e il y a la fĂȘte au mois de juin, oĂč il y a en fait un rassemblement en bas de l’immeuble, oĂč il y a un pique-nique qui est organisĂ©, pour l’arrivĂ©e des nouveaux habitants, et ça se passe toujours bien. Non, de toute façon c’est en train de revenir au goĂ»t du jour les relations entre voisins dans un mĂȘme immeuble. Je crois qu’il y avait la fĂȘte des voisins, il n’y a pas longtemps. Et c’est en train de revenir, donc je pense que le concept, il continuera, bon aprĂšs dans le temps je ne sais pas ce que ça peut donner
 » M. Kerhoas. 251Au Corbusier, il y a toujours eu cette fĂȘte de l’immeuble portĂ©e par l’association. Tous les nouveaux habitants y sont invitĂ©s personnellement par une dĂ©marche d’un membre de l’association. Au fil des annĂ©es, les rendez-vous entre habitants ont changĂ© dans leur dĂ©roulement et en nombre de participants. Sur les deux aspects, tout est revu Ă  la baisse. Le dĂ©clin se fait tout au long des annĂ©es quatre-vingt et, depuis, les fĂȘtes entre habitants ont une plus petite dimension. Mais la vie collective est maintenue par la volontĂ© de ceux qui restent actifs dans l’association et pour cette raison, malgrĂ© la baisse de frĂ©quentation, les cinq dĂ©cennies ont pu ĂȘtre traversĂ©es. Il se peut que le sens de ces rĂ©unions se trouve renouvelĂ© par le besoin actuel de sociabilitĂ© de voisinage qu’on voit se dĂ©velopper un peu partout en milieu urbain. 252Les Ă©quipements ne font pas tout, mĂȘme s’ils sont nĂ©cessaires au dĂ©veloppement d’une vie collective. À la Maison Radieuse, avec un Ă©quipement minimum, l’association est parvenue Ă  dĂ©velopper une forme de vie sociale active et en assurer le maintien pendant 50 ans, y compris quand la pratique militante elle-mĂȘme s’affaiblit. Pour que cette dynamique se maintienne, s’adapte, l’engagement continu d’une partie des habitants a Ă©tĂ© nĂ©cessaire et mĂȘme si tout change, le contexte, la forme d’engagement et le groupe lui-mĂȘme, un Ă©lĂ©ment commun assure cette continuitĂ© l’attachement Ă  la Maison Radieuse, un attachement partagĂ© qui forge une identitĂ© collective. Le patrimoine, fĂȘtes et luttes collectives 253Depuis ses dĂ©buts, l’AHMR a des activitĂ©s qui concernent directement la promotion » de l’immeuble lui-mĂȘme. Elles vont jouer un rĂŽle important dans la construction du rapport entre les habitants de l’association et leur Maison Radieuse. Plus que du lien entre eux, une identitĂ© commune se forge. Et quand leur groupe se dĂ©sagrĂšge, s’affaiblit, se recompose, Ă  chaque fois, ceux qui restent, conservent leur attachement Ă  l’immeuble et le transmettent. Plus que le groupe de militants lui-mĂȘme, l’attachement de chacun d’entre eux Ă  l’immeuble permet de pĂ©renniser la vie collective. Cet attachement du dĂ©part n’est pas le mĂȘme aujourd’hui. Les nouveaux habitants actifs dans l’association ne le sont pas pour les mĂȘmes raisons que leurs prĂ©dĂ©cesseurs et les arguments de promotion de la Maison Radieuse ont changĂ©. Cela se voit tout particuliĂšrement Ă  propos de la promotion de l’architecture de l’immeuble. 254L’association, dĂšs l’ouverture, a pris en charge l’organisation des visites. Un appartement tĂ©moin permettait de montrer tout le confort moderne dont bĂ©nĂ©ficient les habitants. Jusqu’en 1960, une employĂ©e Ă©tait rĂ©munĂ©rĂ©e par l’association pour assurer cette fonction. Les visites ont ensuite Ă©tĂ© assurĂ©es par les habitants bĂ©nĂ©voles 550 visites en 1976, 282 en 1977 et 277 en 1978. La baisse de cette activitĂ© est continue Ă  partir du milieu des annĂ©es soixante-dix et en 1979, le rapport d’activitĂ© de l’association prĂ©cise qu’il lui faut trouver un responsable et de nouveaux volontaires pour pouvoir continuer. Les difficultĂ©s Ă  trouver des personnes disponibles pour faire les visites et entretenir l’appartement tĂ©moin, contraignent l’association Ă  se tourner vers la mairie. Dans un premier temps, la mairie prendra Ă  sa charge le salaire d’un guide puis finira par gĂ©rer complĂštement cette activitĂ© et versera en contrepartie de la perte de revenu pour l’association une subvention complĂ©mentaire, puis la mairie achĂštera l’appartement tĂ©moin. L’association ne pouvant plus assurer bĂ©nĂ©volement cette activitĂ© se dĂ©sinvestit de l’organisation des visites rĂ©alisĂ©es depuis par le syndicat d’initiatives. En 1987, la ville prend un engagement financier afin de permettre l’accueil de visiteurs en plus grand nombre. 255Deux phĂ©nomĂšnes se conjuguent pour expliquer le dĂ©sengagement de l’AHMR de cette activitĂ©. Tout d’abord, il y a le recul de l’implication des habitants dans l’association au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt oĂč en mĂȘme temps l’immeuble n’offre plus la mĂȘme image valorisante qu’à ses dĂ©buts. Ensuite, un tournant patrimonial est pris, et tout se passe comme si les visites, au fur et Ă  mesure de la reconnaissance publique de cet immeuble comme patrimoine et comme pĂŽle d’attraction touristique local, ne supportaient plus un certain amateurisme ». 256Pourtant l’AHMR revendique que le fait d’habiter l’immeuble donne Ă  ses occupants une compĂ©tence liĂ©e Ă  la pratique, Ă  l’expĂ©rience d’habiter, une habilitation » Ă  parler de la vie de l’immeuble qu’un guide extĂ©rieur ne peut pas avoir. Le rapport d’activitĂ© de l’AHMR, de 2003 rappelle qu’ une convention nous lie Ă  la ville pour l’organisation des visites de la Maison Radieuse. L’AHMR a toujours revendiquĂ© son droit de regard sur les visites. Ne sommes-nous pas les mieux informĂ©s et les plus habilitĂ©s Ă  parler de la vie de l’immeuble ? [
] Le nombre de visites enregistrĂ©es par la ville est de 1 236 contre 1 552 en 2002. Il faut y ajouter les visiteurs de la JournĂ©e du Patrimoine et le nombre de visites que nous assurons nous-mĂȘmes ». 257Pour l’association, les visites sont aussi une source de revenu, d’abord directe puis sous forme de subventions, qui lui permet de dĂ©velopper et de financer ses autres activitĂ©s. Cet immeuble offre Ă  l’AHMR une double rĂ©tribution Ă  la fois symbolique et pĂ©cuniaire qui n’est pas sans effet sur le dĂ©veloppement de la vie collective. MĂȘme si contrairement aux prĂ©cĂ©dentes activitĂ©s qui animent la Maison Radieuse, celle-ci n’est pas directement un vecteur de sociabilitĂ© entre habitants, elle participe Ă  la construction de l’identitĂ© des habitants. 258Au dĂ©part, il y a une fiertĂ© Ă  habiter dans un immeuble neuf, moderne, original, conçu par un architecte de renom. À la fin des annĂ©es soixante-dix et au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt, cette idĂ©e s’est Ă©moussĂ©e dans l’esprit des habitants. Les militants s’essoufflent, quelques-uns assurent la continuitĂ©. Puis en 85-87, suite Ă  la rĂ©novation de façade, puis Ă  celle des appartements HLM, une nouvelle fiertĂ© Ă  vivre ici s’impose, celle d’habiter un immeuble patrimonial. Plus encore que cette activitĂ© continue d’accueil d’un public extĂ©rieur, les fĂȘtes de cĂ©lĂ©brations et/ou anniversaires sont des moments de mobilisation des habitants qui resserrent et dĂ©veloppent les liens entre eux. 259L’association a toujours pris une part active dans leur organisation et leur animation depuis l’inauguration jusqu’au cinquantenaire. Il s’agit de rendez-vous qui permettent de mettre Ă  l’honneur leur immeuble ou/et son architecte, de faire la promotion de la qualitĂ© de leur lieu de vie. Ces fĂȘtes-Ă©vĂ©nements prendront peu Ă  peu un tournant patrimonial. 260Au dĂ©part, on fĂȘte la modernitĂ©, l’avant-garde. La premiĂšre quinzaine de juillet 1957 est marquĂ©e par un festival de l’Art d’avant-garde sous le haut patronage » de personnalitĂ©s politiques et culturelles de l’époque. Peintres, sculpteurs, spectacles de théùtre et de musique, cinĂ©ma, toutes les formes d’expressions artistiques sont invitĂ©es. Dans les archives, le programme dĂ©taillĂ© atteste de la qualitĂ© culturelle de l’évĂ©nement d’un niveau plutĂŽt relevĂ© deux soirĂ©es musicales sont signalĂ©es, un concert de Jazz moderne et un concert de musique de chambre. Le programme cinĂ©matographique intitulĂ© L’avant-garde internationale » permet de dĂ©couvrir une sĂ©rie de films muets datant de 1910 Ă  1929 et une pĂ©riode parlante oĂč s’affichent comme films les plus rĂ©cents O dreamland de L. Anderson, 1956 et un film d’Alain Resnais, Van Gogh. Dans les cahiers de l’association, on trouve trace d’une rĂ©union en aoĂ»t 1957 qui signale l’augmentation des revenus de l’association suite Ă  cet Ă©vĂ©nement. 261En 1975, pour les 20 ans de l’immeuble, l’AHMR organise un fest-noz. Cette fĂȘte est plus de la dimension d’une petite fĂȘte entre habitants que d’une grande fĂȘte cĂ©lĂ©brant l’architecture et le patrimoine. On pourrait penser qu’il s’agit de la pĂ©riode la plus communautaire autour des luttes pour maintenir aussi longtemps que possible la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative, mais cela correspond plutĂŽt Ă  une fĂȘte de maintien de l’activitĂ©, vaille que vaille. En 1980, pour le 25e anniversaire, les comptes-rendus laissent paraĂźtre une mobilisation trĂšs restreinte, un petit noyau d’habitants assure la continuitĂ©. 72 Ouest-France, 17 juin 1985, Les trente ans du Corbu ». 73 La Tribune, 30 mai 1985. 262En 1985, pour les 30 ans, une autre dimension de fĂȘte est atteinte, 4000 personnes72 seront accueillies. DĂšs fĂ©vrier 1984, le CA se mobilise pour Ă©tablir un projet et prendre des contacts pour l’organisation d’une fĂȘte qui s’est dĂ©roulĂ©e mi-juin 1985. L’AHMR, la mairie de RezĂ©, LAH et le syndic de co-propriĂ©tĂ© se retrouvent autour d’une table en juin 1984. Un copieux programme d’animations sur lequel travaille l’association des habitants du Corbu depuis 1984. Dans le parc, des expositions, dans le parallĂ©lĂ©pipĂšde de bĂ©ton truffĂ© de rue et de places des appartements tĂ©moins – duplex » avant la lettre – meublĂ©s par l’atelier de recherche Le Corbusier ou par des crĂ©ateurs contemporains, un restaurant, des montages audiovisuels et des casettes vidĂ©o
 Temps fort les 15 et 16 juin
 bureau de poste temporaire avec timbre-date ; fanfares des beaux arts, saut en parachute, marchĂ© biologique, escalade de la façade ouest de l’immeuble, jeu de piste dans les jardins et les Ă©tages, ou rencontre de foot avec le club Maison Radieuse
 Le samedi Ă  la nuit tombante, spectacle de son, lumiĂšre et laser sur la façade ouest. Le dimanche soir, grand bal. Dans la salle des Roquios se dĂ©roulera Ă©galement un important colloque d’architectes sur l’habitat solidaire73.» 263Le tournant patrimoine est pris avec une relĂšve du cĂŽtĂ© de la collectivitĂ© locale dont on peut mesurer alors l’implication Ă  l’égard de l’immeuble. 264En 1987, le centenaire de la naissance de Le Corbusier s’articule autour d’un Ă©vĂ©nement l’inauguration de l’agence postale. 265Pour les 40 ans de la Maison Radieuse, un rendez-vous avec diverses animations, expositions et confĂ©rences est programmĂ© sur un week-end. Le samedi Ă  12h00, c’est l’ouverture officielle avec un apĂ©ritif sur le toit-terrasse. De 15h00 Ă  17h30, deux concerts avec groupes de chanteurs et de musiciens sont organisĂ©s dans le parc, suivis d’un pique-nique Ă  19 h 00, lui-mĂȘme suivi d’un spectacle pour enfant Ă  20h30. Et la nuit se prolonge par un concert Soul et Rythm’n blues Ă  partir de 22h00. Le samedi et le dimanche, des appartements qui accueillent des expositions de photographies, de dessins d’enfants et sur l’architecture du XXe siĂšcle, sont ouverts au public. Le dimanche, Ă  15h00, une confĂ©rence dĂ©bat invite spĂ©cialistes, habitants et public Ă  Ă©changer. 266Pour les 50 ans de la Maison Radieuse, la prĂ©paration bat son plein lors de notre enquĂȘte. Une association spĂ©cifique est créée L’association du Cinquantenaire ». Une chef de projet est recrutĂ©e par la mairie et travaille avec une coordinatrice. L’organisation est plus institutionnalisĂ©e et professionnalisĂ©e que pour les prĂ©cĂ©dents rendez-vous. Un des soucis importants de cette Ă©quipe est de tenter d’impliquer le plus grand nombre d’habitants. Leurs premiĂšres tentatives de contacts n’ont pas reçu un franc succĂšs car les organisateurs Ă©voquent leurs difficultĂ©s Ă  Ă©tablir le contact avec les habitants qui ne sont pas dans l’association. 74 11 octobre 2002, nous les avons accompagnĂ©s. 267L’AHMR quant Ă  elle se prĂ©pare depuis longtemps Ă  ce rendez-vous. DĂšs 2002, l’association fait peu Ă  peu monter son activitĂ© en puissance autour de l’évĂ©nement Ă  venir. Ils seront une dizaine Ă  prendre le train de nuit au dĂ©part de Nantes74 pour se rendre au cinquantenaire de l’unitĂ© de Marseille. Et ils affichent la volontĂ© d’aller voir comment cela se passe pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier de cette expĂ©rience afin d’organiser leur propre fĂȘte. Ils prennent des contacts, organisent l’accueil d’habitants Ă  habitants. Au sein de l’association, toutes les activitĂ©s se tournent vers l’évĂ©nement, ce qu’on va montrer aux visiteurs, ce qu’on va leur dire. Entre le moment oĂč notre enquĂȘte a dĂ©butĂ© et la date anniversaire, nous avons pu observer ces prĂ©paratifs. Le rĂ©investissement du hall, des jardins, des clubs, la prĂ©paration des expositions, tout un ensemble de pratiques collectives s’inscrivent dans la dynamique du cinquantenaire. 75 Depuis le mois de mars 2005, la presse locale multiplie les articles sur la Maison Radieuse. Le 16 ... 76 Le tournage du documentaire de Catherine TrĂ©fousse, production France 3 2005, s’est effectuĂ© en mĂȘm ... 268La prĂ©sence d’observateurs ou d’enquĂȘteurs qu’ils soient sociologues, journalistes75 ou documentaristes76 pose aux habitants le problĂšme de la prĂ©sentation de soi, de l’image qu’ils veulent donner Ă  voir de leur immeuble mais Ă©galement d’eux-mĂȘmes car ils sont d’abord identifiĂ©s en tant qu’habitants de la Maison Radieuse. Une telle sur-sollicitation n’est pas sans effet sur le collectif d’habitants. 269Une semaine de festivitĂ© s’est dĂ©roulĂ©e du 20 au 26 juin 2005 mise en lumiĂšre du bĂątiment, expositions de rues, visite de l’appartement annĂ©e 50 », portraits et histoires d’habitants, confĂ©rences-dĂ©bats, site internet, ateliers pĂ©dagogiques, théùtre, danse, musique, foot, buffet gĂ©ant, fanfare et bal populaire
 270La sociabilitĂ© collective apparaĂźt particuliĂšrement dynamisĂ©e dans ce contexte. Une partie des habitants participent et s’impliquent dans toutes ces activitĂ©s qui ont vocation Ă  la valorisation de leur immeuble comme patrimoine. Ils tentent en interne de convaincre les autres de profiter de ces moments de fĂȘte et de rencontres. D’anciens habitants sont recontactĂ©s. Comme en 1985, aprĂšs la fĂȘte, il y a les photos de la fĂȘte, les films de la fĂȘte, les livres souvenirs Ă©galement. 271Puis, peu Ă  peu, la vie associative reprendra sa vitesse de croisiĂšre, en attendant qu’un nouvel Ă©vĂ©nement crĂ©e un nouveau sursaut d’activitĂ©s. Tout au long des trois derniĂšres dĂ©cennies, entre chaque grand rendez-vous pour fĂȘter l’immeuble de Le Corbusier, l’association a su maintenir une activitĂ© sociale d’animation qui mobilise en continu un groupe d’habitants. Celui-ci forme un noyau qui permet la continuitĂ© du collectif, qui est capable de mobiliser plus largement que ce soit sur les Ă©vĂ©nements commĂ©moratifs, ou de lutte pour dĂ©fendre la poste et qui transmet la mĂ©moire. 272Ce chapitre a permis de mettre en Ă©vidence les formes de sociabilitĂ©s qui existent au sein de l’immeuble. Les relations de voisinage, d’échanges entre les habitants de la Maison Radieuse apparaissent Ă  la fois identiques et spĂ©cifiques, comparĂ©es Ă  celles que l’on rencontre ailleurs. Elles sont identiques car elles peuvent se retrouver dans n’importe quel village. Elles sont spĂ©cifiques car ici c’est en milieu urbain et tout se passe Ă  la verticale. La sociabilitĂ©, autour des enfants et de l’école, par exemple, se retrouvera partout, par contre le fait que l’école soit sur le toit, produit des pratiques spĂ©cifiques qui ne sont pas sans effet sur les relations entre les enfants et entre les parents. Le bonjour-bonsoir » n’a rien d’original, et peut se retrouver dans n’importe quel immeuble oĂč les habitants sont au minimum polis. Mais ici, il est perçu comme un indice supplĂ©mentaire de convivialitĂ© qui rĂšgne au sein de la Maison Radieuse. MĂȘme si ce constat dominant est Ă  nuancer, il convient de noter que s’il revient avec une telle rĂ©currence, c’est bien parce qu’il est significatif d’une rĂ©alitĂ© vĂ©cue. 273Cette rĂ©alitĂ© est inscrite matĂ©riellement dans la conception mĂȘme de l’immeuble, de ces espaces communs et intermĂ©diaires hall, parc, rue oĂč la vie sociale a pu s’installer. Et les rĂ©sultats des analyses exposĂ©s prĂ©cĂ©demment permettent de se rendre compte que si la vie sociale a pu s’installer d’une façon aussi intense, c’est parce qu’il y a eu une appropriation individuelle et collective. Cette double appropriation a Ă©tĂ© rendue possible par le statut de locataire-coopĂ©rateur. Elle s’est concrĂ©tisĂ©e Ă  travers l’organisation collective des habitants en association. L’Association des Habitants de la Maison Radieuse AHMR va vivre Ă  l’unisson avec l’immeuble lui-mĂȘme et surtout elle se donne pour objectif de rĂ©aliser la partie sociale du projet de l’architecte veiller et contribuer au bienĂȘtre des habitants. 274À travers toutes ses activitĂ©s, l’AHMR a rĂ©pondu au projet de Le Corbusier elle a dĂ©veloppĂ© des animations collectives dans les espaces que l’architecte a créés pour cela et en a mĂȘme dĂ©veloppĂ©es quand ces espaces n’existaient pas. Tous ces rendez-vous collectifs ont contribuĂ© Ă  forger des liens entre les habitants mais aussi un attachement des habitants Ă  la Maison Radieuse qui varie selon les pĂ©riodes. On peut en suivre l’évolution Ă  travers les activitĂ©s de l’association qui sont soumises Ă  des changements sociaux et qui reflĂštent Ă  la fois la construction de l’identitĂ© collective des habitants et les Ă©volutions sociales larges. 275Dans une premiĂšre phase trĂšs militante, l’association investit toutes les questions sociales, puis peu Ă  peu elle s’en dĂ©gage car, Ă  l’extĂ©rieur de la Maison Radieuse, l’offre d’animation socioculturelle et sportive se dĂ©veloppe et elle-mĂȘme voit ses forces militantes l’abandonner. 276AprĂšs une pĂ©riode plus atone, la vie associative reprend avec des logiques plus culturelles, sur des registres contemporains d’amĂ©nagement environnementaux et de patrimonialisation. Cependant, on doit noter que l’AHMR, par sa pratique sur la longue durĂ©e, a su trouver un Ă©quilibre elle reste en mesure de dĂ©velopper une offre spĂ©cifique qui permet de maintenir le lien entre les habitants, la vie collective, en s’adaptant aux Ă©volutions sociĂ©tales les plus diverses. 277Un second schĂ©ma d’évolution que l’on voit dans le contenu mĂȘme des activitĂ©s proposĂ©es, se superpose au premier. Dans la premiĂšre pĂ©riode, les activitĂ©s de l’association montrent qu’il existe une solidaritĂ© de classe soutien aux grĂ©vistes de 55. Il semble alors que l’identitĂ© des habitants est fortement ancrĂ©e dans une appartenance sociale. Au cours des annĂ©es soixante, un glissement s’opĂšre. L’appartenance de classe reste aux portes de l’immeuble et une solidaritĂ© interne entre habitants donne un autre sens Ă  leur regroupement. L’identitĂ© collective des habitants s’affirme et se forge pour conduire Ă  l’autonomie de la location-coopĂ©rative. Ils se dĂ©terminent donc plutĂŽt comme habitants locataires-coopĂ©rateurs. Ensuite viennent les annĂ©es soixante-dix, oĂč les problĂ©matiques fĂ©ministes et Ă©cologistes trouvent leur place dans diverses activitĂ©s. L’immeuble vit Ă  l’heure militante comme le reste de la sociĂ©tĂ©. Et la vie collective est particuliĂšrement marquĂ©e par cette identitĂ© militante alors qu’en mĂȘme temps, l’identitĂ© habitante des locataires-coopĂ©rateurs est mise Ă  mal par la Loi Chalandon. 278Les annĂ©es quatre-vingt apparaissent comme une pĂ©riode de transition qui jette un trouble sur leur identitĂ© collective. Les activitĂ©s de l’association vivotent. Des associations de locataires s’installent. 279Puis, Ă  partir des annĂ©es quatre-vingt-dix, on voit nettement s’imposer la reconnaissance patrimoniale de l’immeuble. Le concepteur, la qualitĂ© architecturale sont l’objet d’une reconnaissance manifeste qui transforme progressivement l’habitation Ă  caractĂšre social en un immeuble emblĂ©matique du mouvement moderne. LĂ©gitimement, les habitants de la Maison Radieuse se retrouvent dans cette Ă©volution et les activitĂ©s de l’AHMR en portent le reflet. 280À chacune des pĂ©riodes correspondent des activitĂ©s et des sociabilitĂ©s collectives diffĂ©rentes. L’identitĂ© collective se dĂ©compose et se recompose parce qu’à chaque pĂ©riode il y a un groupe qui se fĂ©dĂšre. Et mĂȘme si tous les habitants ne sont pas Ă©galement concernĂ©s, le groupe des habitants organisĂ©s crĂ©e une activitĂ© collective qui construit une identitĂ© propre aux rĂ©sidents de la Maison Radieuse. grande rue, 91290 OLLAINVILLE. Vds terminal Texas Silent 700 clavier, impr. 80 col., RS-232, 1/80 5 000 FF Ă  dĂ©battre neuf 12 000 FFI, divers pĂ©rit. et livres sur Apple. Rech. minidisguettes Apple mĂȘme hors d'usage, pas cher. 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